L'Heure du Temps (Blog d'Information sur le Burkina Faso)

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"20 ans d'une escroquerie d'Etat"

"20 ans d'une escroquerie d'Etat"

 

Quand la nation est en danger, tous les patriotes doivent, quelle que soit leur situation professionnelle, sociale, familiale, résister. 15 octobre 1987 - 15 octobre 2007, cela fait vingt (20) ans qu'a été sauvagement assassiné Thomas Sankara. Cette mort tragique devait soit disant permettre le retour au respect des droits de l'Homme, à une vie démocratique normale bafouée pendant le CNR. 20 ans après, derrière un rideau de fumée, la situation n'a pas fondamentalement changé alors que nous sommes sortis du régime d'exception.

Nous voyons se dérouler deux célébrations concurrentes, complices même, de ce 20e anniversaire.

La première est celle des Sankaristes. Ils se retrouvent plutôt entre eux pour théoriser sur le sankarisme qui, pour eux, est la seule doctrine capable de répondre aux attentes du peuple. Ils ne rencontreront pas beaucoup d'adhésion, car si de bonnes choses ont pu exister sous le CNR, ce qui est vrai et restera inoubliable également, ce sont les crimes, les éliminations pour un oui ou pour un non, les procès bidon, humiliants, le terrorisme intellectuel, moral, physique d'Etat.

Leur célébration tournera aussi en rond puisqu'ils n'ont pas donné un cadre national à cette colère populaire ambiante qui concerne tous les domaines vu qu'aujourd'hui, il ne faut pas croire que ce sont les militaires seulement qui sont fâchés. Eux, on les voit, on les écoute à cause des armes qu'ils possèdent, mais on sait aussi que les élèves et étudiants sont fâchés. Même chose pour les travailleurs, les paysans et la vraie opposition.

Il y avait vraiment une occasion pour que le monde entier connaisse la réalité, toujours masquée par des campagnes publicitaires mensongères. Hélas, comme le Collectif, les Sankaristes n'ont pas su saisir l'occasion au vol.

 

Les profiteurs se retrouvent pour fêter

 

 Nous le disons haut et fort : nous ne pouvons pas apporter notre soutien à la célébration des Sankaristes comme elle se déroule. Ils ont fait du 15-Octobre une affaire personnelle, ils l'ont sanctuarisé pour en profiter seuls alors qu'il est, après tout, un événement d'envergure nationale. Ils n'ont pas endossé le manteau du peuple qui souffre, pour parler pour lui et ils auraient dû au minimum marcher pour se démarquer, avec force, de ces hommes du pouvoir. La deuxième célébration est celle du pouvoir Compaoré. Lui aussi veut, avec les siens, se féliciter pour ses 20 ans de pouvoir, appeler des invités et drainer des partisans  pour confirmer qu'il peut gérer pour toujours le pouvoir dans le cadre clanique et familial. Ils vont fêter en famille parce que tout le monde voit de nos jours qu'ils ont assassiné Thomas Sankara pour rien. Si, au moins, ils avaient respecté la parole pour bâtir un Etat de droit démocratique, ça aurait pu un peu compenser le passé. Mais avec eux, dès le Front populaire, le sang a coulé et après la proclamation de la 4e République, le sang a continué à couler. En plus, après des patriotes comme Norbert Zongo et bien d'autres qu'on a liquidés, on a passé un pacte avec la corruption, la fraude et l'hypocrisie. Et aujourd'hui, le pays est bloqué.

Ils resteront entre profiteurs du régime pour fêter puisqu'ils n'ont pas eu, eux aussi, le désir de se repentir pour reconnaître, en dehors des mensonges, que le pays ne va pas bien, qu'il faut tous ensemble le relever. Quand ils parlent de renaissance de la démocratie, ça fait pitié : c'est comme s'il n'y avait pas la misère, des élections truquées, la Constitution violée. Le régime Compaoré, c'est une escroquerie d'Etat contre le peuple depuis 20 ans !

Nous le disons encore plus haut et plus fort : nous ne pouvons pas encourager cette manifestation du clan Compaoré.

Des deux côtés, on doit rappeler que la situation est grave. Nous allons vers le trou. Pourtant, les signes étaient là, dans les mouvements spontanés, catégoriels ou populaires, dans les  mouvements organisés ou non qui prouvent la détérioration du climat social, politique et économique.

 Souvenons-nous de la colère des élèves policiers étalée au grand jour, de l'affaire des casques qui s'est traduite en un acte soudain de violence inouïe ; de celle des Kundé, autre révolte qui a traduit la défiance du peuple envers le régime et sa justice aux ordres ; des éléments «de la muette» u celui de notre paysoré,euple , c'est-à-dire l'armée, qui ont manifesté contrairement à ce qui devrait être, et depuis, les soubresauts se poursuivent dans les rangs de cette grande muette, et nul ne peut à nos jours prédire ce qui adviendra. Dans cette famille (l'armée), les choses sont loin de se tasser ; les manifestations se succèdent et une prise de conscience au plus profond n'est plus à exclure, ce qui pourrait avoir pour conséquence ce que la grande majorité des Burkinabé salueraient...

 Les stratèges du régime s'ingénient à opposer les différentes forces, la hiérarchie à la troupe. La vérité qui s'offre à tout le monde, c'est que le corps d'élite, le régiment de la sécurité présidentielle et la haute hiérarchie, baignent dans l'opulence, roulent dans de rutilantes voitures, perçoivent des traitements qui les mettent à l'abri du besoin alors que le reste de la troupe, ceux qui sont déjà à la retraite, ceux qui s'apprêtent à partir, croupissent comme le bas peuple dans la misère noire. C'est comme ça qu'on s'avance vers le trou alors que ceux d'en haut, de la montagne des plaisirs de Ouaga 2000, des cités de l'impunité, des comptes planqués dans les paradis fiscaux, se croient intouchables.

Disons avec conviction et détermination, en ce 20e souvenir du 15-Octobre, que ce qui importe, ce n'est pas de revenir au sankarisme pur et dur même si celui qui l'a incarné a été grand ; ce n'est pas non plus de pérenniser Blaise Compaoré car illégitime, il l'a été, illégitime, il le restera. La preuve, malgré ses milliards, il n'a été élu qu'en violant la Constitution, qu'en fraudant et en mettant sous sa botte chefs coutumiers, confessions religieuses, opérateurs économiques. Malgré ça, il ne sera élu qu'avec moins d'1 million 500 000 voix sur 3 et quelques milliers inscrits, et un potentiel électoral d'environ 9 millions d'électeurs.

 

Ce n'est pas la révolution qu'on pleure

 

 Nous demandons aux étrangers qui viennent pour célébrer le sankarisme ou le compaorisme, de ne pas se laisser abuser, car la colère du peuple gronde. Si l'on pleure Thomas Sankara, c'est à cause de son assassinat monstrueux par un frère d'armes, un fratricide, qui choque les Burkinabé ; ce n'est pas la révolution qu'on pleure.

Si depuis Blaise Compaoré le taux de croissance de 6% est idyllique, si des châteaux poussent, s'il peut mobiliser des griots, on n'est pas bête : le pays a peut-être des richesses en surplus mais elles ne sont pas équitablement partagées, comme c'est le cas dans certains pays de la sous-région. Nous rentrons d'une tournée dans la sous- région et il nous a été donné de voir, d'apprécier et de faire des comparaisons entre l'état de développement des pays voisins et celui de notre pays. La situation est ahurissante par rapport au niveau de développement : nous avons des produits taxés avec des investissements médiocres, car le pouvoir n'a pas de ressources pour insuffler un dynamisme bâtisseur au peuple. Tout va à vau-l'eau : le sport et l'art sont morts. Point de Burkina dans aucune discipline, pourquoi ? C'est parce que ventre affamé n'a point d'oreilles. Au Faso, il y a un écart grandissant et scandaleux entre ceux qui croupissent dans la misère et ceux qui se délectent dans l'abondance.

Constatez vous-mêmes le gâchis politique qu'est le 15- Octobre, où le bourreau et ceux qui se disent victimes festoient en toute complicité sans souci pour la misère du peuple qui ne cesse de crier son désarroi. Le peuple souffre, mais ceux qui se réclament de lui et ceux vivant à ses crochets, se délecte sur son dos : c'est honteux. Nous nous élevons contre cet état de fait que nous dénonçons sans ambages.

Nous saluons la retenue du Président Sarkozy vis-à-vis de Blaise Compaoré.

Les visiteurs ne doivent pas se faire des illusions : on leur dira que l'opposition est, tout entière inscrite au budget du CDP, d'une façon ou d'une autre ; même chose des syndicats et mouvements des droits de l'Homme ; que les militaires ne crient que pour avoir leur "cale" et leur "godet", que sankarisme et compaorisme sont deux tendances ennemies issues d'une même matrice : la révolution. Ces visiteurs doivent essentiellement savoir qu'on veut les instrumentaliser et que ce qu'on veut cacher, c'est le manque de démocratie, de justice sociale, c'est la justice soumise, c'est un mécontentement, qui peut à tout moment éclater, car maintenant, il existe une volonté d'action pour la résistance et contre le hold-up de notre patrie. Le pouvoir le sait, et c'est ce qui explique les appels à la paix qu'il lance par l'entremise de ses associations créées pour les besoins de la cause.

 

Christian T. Koné

Président du PNR/JV

L’Observateur Paalga du 16 octobre 2007



16/10/2007
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