L'Heure du Temps (Blog d'Information sur le Burkina Faso)

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4-Août 1983 : Témoignage d’un étudiant de l’époque

4-Août 1983

Témoignage d’un étudiant de l’époque

L’une des reproches faite au Conseil national de la Révolution (CNR) qui vient comme un leitmotiv est sans aucun doute l’embrigadement des libertés individuelles et collectives, l’absence de cadre d’expression démocratique et la pensée unique. Les militants des organisations à caractère syndical gardent un triste souvenir de cet épisode de l’évolution de la vie politique au Burkina Faso.

A cet effet, nous avons rencontré un ancien leader de l’Association des élèves et scolaires de Ouagadougou (AESO) qui a également lutté activement plus tard sur le campus sous la Rectification avec l’Association nationale des étudiants du Burkina (ANEB). Soungalo Soulama, puisque c’est de lui qu’il s’agit, est aujourd’hui enseignant de Sciences de la vie et de la terre (SVT) au lycée (Philippe-Zinda-Kaboré et secrétaire chargé des relations extérieures du Syndicat national des travailleurs de l’éducation de la recherche (SYNTHER).

Quand l’avènement du 4 août 1983 sonnait, Soungalo Soulama, comme bien d’autres camarades de sa génération, était élève au cours secondaire. Inscrit au lycée Philippe-Zinda-Kaboré à l’époque, Soungalo ne se préoccupait pas que de ses études. Bien au contraire, il pense que la réussite scolaire dépend aussi des luttes qu’il pourrait mener dans une structure organisée pour la défense des intérêts matériels et moraux des élèves. Il n’hésita donc pas à s’engager activement dans l’Association des élèves et scolaires de Ouagadougou (AESO) au sein de laquelle il a occupé des responsabilités. Ce combat ne sera pas de tout repos puisque ce syndicat aura en face un adversaire "violent" : "les Comités de défense de la révolution (CDR) dont les éléments se baladaient dans la cour de l’établissement avec des kalachs bien en évidence". Dès lors, le lycée Zinda vivait permanement dans une atmosphère tendue.

Le 16 avril 1986, Soungalo Soulama et des camarades de l’AESO ont été exclus de l’école avec interdiction de s’inscrire dans un établissement du Burkina. Leur crime : avoir tenu à organiser un meeting interdit pour exiger la libération de certains de leurs militants gardés et maltraités des jours durant à la Permanence des CDR. "A l’époque, l’arbitraire était la règle. Tout ce qui doit être entrepris est soumis à l’approbation des CDR qui jouaient un rôle dans l’échelon administratif. A l’université, la tenue d’une assemblée générale devait recueillir l’avis des CDR avant le Rectorat.

Même pour faire des concours de la Fonction publique, il fallait avoir un certificat de bon militantisme. Autrement, on est exclu du chemin", déplore M. Soulama, amer. Malgré cette situation, poursuit-il, l’AESO et l’ANEB n’ont jamais baissé les bras, elles ont continué à dénoncer et à attirer l’attention des autorités sur les graves dérives. "Avec l’avènement de la Rectification, les mêmes méthodes se sont poursuivies : la répression tous azimuts jusqu’à celle sanglante de mai 1990 qui a vu la disparution de Dabo Boukary alors étudiant en 7e année de médecine. C’était blanc-bonnet, bonnet-blanc", constate l’enseignant de SVT au lycée Zinda.

Avec le recul, l’ancien leader de l’AESO reconnaît que sur les questions sociales et de moralité, il y a un fossé entre la société d’aujourd’hui et celle voulue par le CNR qui aurait pu apporter un changement profond "s’il ne s’était pas entouré de petits pagailleurs qui ont commis beaucoup d’erreurs". Soungalo Soulama souhaite sous cette ère de démocratie que les autorités arrêtent de considérer les élèves et les étudiants comme des gens manipulés.

"C’est en réalité une injure à leur endroit. Ce sont des futures cadres du pays qui ont une capacité d’analyse et de réflexion et c’est maintenant qu’ils doivent lutter pour s’affirmer plus tard". Il stigmatise et regrette au passage la fermeture du campus de Zogona en juillet 2008, qui a jeté en pâture ses pensionnaires dont certains ont été confiés à l’Etat par leurs parents pour les loger. "Je suis éducateur. Un enfant peut se tromper, mais ce n’est pas une raison de chercher à le détruire. Encore que là, les problèmes posés sont justes. La répression était inouie et inutile".

Adama Ouédraogo Damiss

L’Observateur Paalga du 4 août 2008



04/08/2008
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