L'Heure du Temps (Blog d'Information sur le Burkina Faso)

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Ça tombe vraiment mal pour Biya

Massacre de militaires  à Bakassi

Ça tombe vraiment mal pour Biya

 

Est-ce le début d'un irrédentisme, ou un acte isolé de quelques coupeurs de route ? Les autorités camerounaises s'interrogent sur la portée de la tuerie des 21 militaires le 13 novembre 2007 dans la presqu'île de Bakassi.

Toutes les hypothèses sont plausibles, et le Cameroun ne néglige aucune d'elles. Pour certains, il s'agit d'une attaque de "rebelles nigérians déguisés en pirates de mer qui voulaient s'emparer des armes lourdes dont dispose le détachement camerounais" qui y stationne. D'autres sources font état d'une attaque d'éléments nigérians isolés.

Dans l'un comme dans l'autre cas, cette tragédie est gravissime, car elle rouvre une plaie dont la cicatrice tarde à se refermer. Bakassi, cette péninsule de 1000 km2 que le Nigeria a officiellement remise au Cameroun le 14 août 2006, a été pendant des années la source d'une tambouille entre les deux pays. Chacun revendiquant la propriété de ce lieu qui, il est vrai, est riche en pétrole et en ressources halieutiques.

Il a fallu que la Cour internationale de justice de la Haye, saisie par Yaoundé, tranche dans le vif en octobre 2002,  donnant raison au Cameroun. Un arbitrage qui n'a pas fait plaisir, on s'en doute, à son géant voisin, lequel a traîné les pieds avant de se plier à cette décision.

Un comportement vu au pays du président Paul Biya comme un feu qui couve...

Car en acceptant de mauvaise grâce "l'arrêt de la CIJ de La Haye, le Nigeria, selon certains, n'a pas totalement renoncé à cette île, qualifiant même cette rétrocession de "désastre naturel".

C'est pourquoi on n'est pas loin de penser au Cameroun que le Nigeria veut rendre l'île ingouvernable, afin de tirer profits de la pagaille qui va être engendrée.

En effet, s'interroge-t-on à Yaoundé : "Comment un nombre aussi important de pirates a pu évoluer du côté du Nigeria, où la vigilance est de rigueur, sans attirer l'attention de leurs forces de défense ?" Les assaillants étant venus comme de simples civils dans des embarcations pour extirper, à la surprise générale, leurs armes et faire feu contre les militaires camerounais. Une affaire que le ministre de la Défense du Cameroun, Remy Ze Meka, veut tirer rapidement au clair en se rendant fissa le même jour à Bakassi.

Cet incident gravissime survient mal pour Paul Biya, qui fête son 25e anniversaire au pouvoir. C'est le 6 novembre 1982, en effet, qu'il a remplacé Ahmadou Ahidjo à la tête du pays. Un anniversaire qui, soit dit en passant, a été fêté dans la discrétion, rompant avec les fastes des autres années.

Car, depuis le mois d'octobre, des rumeurs de coup d'Etat circulent dans tout le pays. Selon les services secrets, quelqu'un voudrait prendre par la force la place du locataire du palais d'Etoudi. Branle-bas de combat dans le cœur du pouvoir, où, dans la foulée, 3 ressortissants français ont été arrêtés puis relâchés (voyage de Biya à Paris oblige). Ce qui n'est pas le cas de 8 officiers et de 10 sous-officiers qui, eux, ont été écroués ; tous officiaient dans le Grand-Nord du Cameroun, frontalier avec le Tchad.

Détail de taille : bon nombre de ces militaires aux arrêts sont de l'ethnie toupourie, celle du capitaine Guerandi Mbara, le rescapé du putsh manqué du 6 avril 1984 contre Biya. Et revoilà donc l'épouvantail Guerandi, lequel coule des jours tranquilles au Burkina depuis une vingtaine d'années que Blaise Compaoré lui a offert l'hospitalité.

Il faut dire que pratiquement depuis ce coup manqué, lorsqu'il y a la moindre alerte qui fait sursauter l'enfant terrible de Mvomeka, l'index est vite pointé sur Guerandi et, de facto, le Burkina.

Une certitude : ces événements de Bakassi tombent mal pour Biya, qui n'avait vraiment pas besoin de cela comme cadeau d'anniversaire. On peut trouver mieux pour fêter un quart de siècle au pouvoir. Et malgré les remaniements ministériels réglés presque chaque année comme un jeu de chaises musicales, la "démocratie apaisée" du Cameroun a mal en plusieurs endroits.

Ses maux ont pour noms : pilotage à vue et élections de pacotille. Le Cameroun est l'un des rares pays où le président peut s'absenter des mois du pays pour des farnientes à Paris ou à Genève, c'est le pays où il n'y a pratiquement pas de Conseil des ministres.

Quant aux présidentielles en trompe-l'œil, elles font également partie du décorum du système Biya : en 1992, la population a eu beau voter massivement pour le Chairman, populaire à l'époque, c'est Paul Biya qui a été déclaré vainqueur ; idem en 1997, scrutin où les partis d'opposition ont opéré un boycott réussi dans les 3/4 du pays : <<Ces partis ont gagné "le pari" en démontrant leur représentativité, mais ils ont perdu sur le fond : Biya a été réélu>>.

Bref, même si la question tabou du dauphinat subit la loi de l'omerta, nombreux sont ceux au sein du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC), le parti présidentiel, à penser qu'on ne saurait la contourner indéfiniment. Et la problématique de la péninsule de Bakassi vient mettre à nu le fait que le système Biya, qui a fait ses preuves, s'essouffle ou, à défaut, est poreux et a besoin d'être requinqué.

 

Zowenmanogo Dieudonné Zoungrana

L’Observateur Paalga du 15 novembre 2007



14/11/2007
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