L'Heure du Temps (Blog d'Information sur le Burkina Faso)

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Affrontements mortels à la frontière Mai-Guinée : Encore un coup de massue contre l'intégration

Affrontements mortels à la frontière Mai-Guinée

Encore un coup de massue contre l'intégration


A la frontière entre le Mali et la Guinée, dans le cercle de Yanfolila, la hache de guerre a été déterrée la semaine dernière. Des Guinéens du village de Dalakan auraient attaqué Siradiouba, un village malien situé à la frontière de la République sœur de Guinée. Bilan des affrontements : quatre civils et un gendarme tués sur-le-champ ainsi que de nombreux blessés. De quoi faire se retourner dans sa tombe l’ancien président guinéen, Sékou Touré, qui considérait son pays et le Mali comme "deux poumons dans un même corps".

Certes, vivre ensemble n’est pas toujours chose aisée. Et, à ce propos, on fera valoir que même la langue et les dents qui cohabitent ensemble arrivent parfois à connaître des scènes de ménage. Mais, la crise frontalière entre les deux Etats, qui ne serait pas à son premier épisode, a atteint un tel niveau que des solutions urgentes, vigoureuses et définitives s’imposent. Autorités maliennes et guinéennes, dans un élan unitaire et solidaire, devraient accepter d’affronter la réalité et tout mettre en œuvre pour éviter que de tels incidents malheureux se reproduisent à l’avenir. Les liens historico-culturels qui unissent, depuis des lustres, les deux peuples – ils partagent en commun la culture mandingue- pourraient les y aider. Et pour cause. Ces liens pourraient constituer un puissant moyen pour asseoir les bases d’une forme authentique de gestion des conflits.

En tout état de cause, les violences survenues la semaine dernière à la frontière entre les deux pays, montrent à quel point le problème des frontières coloniales, tracées à l’époque sans même l’avis des populations, est toujours sources de conflits sur le continent, le plus souvent ethniques, et reste d’actualité.

En accordant l’indépendance à ses colonies, le pouvoir colonial savait-il seulement qu’il léguait aux Etats africains balkanisés, une bombe à retardement et installait une véritable poudrière ? On a envie de dire oui ; il voyait venir, avec l’éclatement de l’Afrique occidentale française (AOF). Et si, plus d’un demi-siècle après le départ des colons, de récurrents conflits frontaliers éclatent ici et là, c’est en partie parce que le tracé des frontières n’a pas toujours été des plus nets, ce qui a ouvert la voie à des interprétations diverses et débouché sur les dérives que l’on sait. C’est bien là malheureusement une spécificité africaine.

C’est pourquoi la nécessité de définir des frontières aux contours plus clairs, s’avère aujourd’hui nécessaire, en particulier dans des zones connues pour être litigieuses. Pour le cas malien, il y a véritablement urgence à borner les frontières.

Mais l’ambiguïté des frontières n’explique malheureusement pas, à elle seule, l’instabilité chronique à certaines frontières. Il est vrai que depuis belle lurette, la frontière guinéenne est une zone à hauts risques. Il est aussi vrai que les autorités maliennes et guinéennes s’étaient, il y a quelques mois, rencontrées pour un retour au calme. Mais, de part et d’autre, a-t-on toujours fait montre d’anticipation et de réactivité pour contenir le phénomène dans ses moindres limites ? Rien n’est moins sûr.

Au-delà du cas malo-guinéen, il faut dire qu’en Afrique en général, les autorités ont bien souvent fait preuve de laxisme quand elles n’ont pas tout simplement donné le sentiment d’avoir quasiment démissionné. Alors qu’une réaction rapide et efficace était attendue des populations, les administrations locales et au-delà, les pouvoirs centraux ont parfois donné l’impression de laisser faire, voire de laisser pourrir la situation. Ce qui s’est soldé par des cadavres.

Par ailleurs, certains représentants de l’autorité centrale, qui devaient être légalistes et impartiaux, se sont laissé aller à des compromissions telles que leur autorité s’en est trouvée plus tard bafouée, et à juste raison. Quand ceux qui sont censés faire appliquer la loi se retrouvent finalement les poings liés, quand l’Administration à qui les populations ont, à plusieurs reprises, donné l’alerte, s’est montrée incapable de réagir avec diligence, quel autre recours peuvent-elles avoir sinon que de prendre leurs responsabilités ?

Toutes ces violences aux frontières ne traduisent pas moins l’échec des politiques d’intégration en Afrique. Certains ont, en désespoir de cause, fini par prendre inconsciemment des gourdins contre l’intégration. Mais il y a aussi ceux qui en ont été les fossoyeurs conscients. Dans tous les cas, que valent tous ces beaux discours sur la libre circulation des biens et des personnes, sur le droit de résidence, d’établissement et autres, quand des populations qui vivent des deux côtés d’une frontière ont du mal à cohabiter ? Que valent ces discours quand l’esprit fraternel qui liait deux populations frontalières tend à disparaître ?

Dans tout cela, on ne saurait blanchir totalement les politiciens. En mal de popularité, certains d’entre eux n’hésitent pas à agiter les grelots du régionalisme. Il faut souhaiter que cette stratégie n'ait pas inspiré certains politiques maliens et guinéens.

Comme on le voit, l’avènement des Etats-Unis d’Afrique dans lesquels les frontières héritées de la colonisation s’effaceront pour laisser la place à une Afrique unie, risque de ne pas être pour demain.

Le Pays du 13 novembre 2007



13/11/2007
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