L'Heure du Temps (Blog d'Information sur le Burkina Faso)

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Africains expulsés de Libye : Sous l’œil complice de nos gouvernants

Africains expulsés de Libye 

Sous l’œil complice de nos gouvernants

 

Les autorités libyennes ont encore expulsé des sans-papiers. Et parmi ces pauvres aventuriers à la recherche d’un hypothétique eldorado qui ont été chassés, on dénombre 145 Burkinabè. Arrêtés dans les foyers habités par les immigrés lors d’un contrôle des services de sécurité libyens, ils ont été rapatriés à Ouagadougou le 18 juin dernier à 2 heures du matin. Les hyperlégalistes du pays hôte ont, une fois de plus, argué que ces rapatriés y séjournaient «illégalement». Chanson très bien connue sur un phénomène qui perdure. Rien qu’entre 2003 et 2005, 145 000 personnes, qui sont parties dans cette contrée pour chercher du travail ou qui étaient en transit pour l’Europe via l’Italie, ont été rapatriées. Certes, quand on n’a pas ses papiers au complet, l’on est rarement le bienvenu partout ailleurs. Mais ne dit-on pas que le poison est dans la dose ? En toute chose, il faut de la manière et de la mesure. Ce qui n’est pas le cas dans ces expulsions : arrestations arbitraires, passages à tabac, retours forcés et abus sexuels sont le lot commun de ces jeunes hommes et jeunes femmes dont le seul crime est d’avoir quitté leur pays à la recherche d’un avenir meilleur. D’ailleurs, il n’y a rien d’étonnant dans un pays qui, jusque-là, n’a signé aucun traité international sur la protection des réfugiés. Jusqu’à l’heure où nous tracions ces lignes, le pays de Kadhafi ignorait royalement la Convention de 1951 sur la protection des réfugiés. Le Haut-Commissariat des réfugiés (HCR), qui a pourtant un bureau à Tripoli, n’a pas d’accord de travail officiel avec les autorités. Et un haut responsable libyen de lâcher avec l’air le plus sérieux du monde que si son pays offrait l’asile, «les étrangers y arriveraient comme une nuée de sauterelles».

Si ces derniers étaient seulement maltraités au moment de leur expulsion, passe encore. Dans leur quotidien, les «frères» africains  séjournant en Libye ne connaissent que frustrations physiques et morales. L’hostilité d’une population xénophobe se constate dès l’aéroport, où les agents des frontières ne cachent pas leur mépris de l’étranger surtout de la femme. Une fois les barrières douanières et du service de l’immigration traversées, le nouveau venu  qui s’est installé dans le pays est accusé de tous les délits communs, est le bouc émissaire responsable de la hausse du taux de criminalité, et porte en sus le titre de grand propagateur du Sida.

Révoltant et bizarre dans ce pays qui a pour chef Kadhafi, chantre du panafricanisme, icône de l’UA (Union africaine) et enfin de la CENSAD (Communauté des Etats sahélo-sahariens) qui a été créée en 1998 et qui se veut un outil de coopération fraternelle entre Etats africains pour un développement harmonieux du continent. Pourtant, celui qui a amené la révolution dans l’ancienne Tripolitaine et Cyrénaïque semble ignorer les frontières. N’est-ce pas lui qui avait décidé de la fusion avec le Tchad, pour créer, en 1981, les «Etats islamiques du Sahel» avant d’intervenir militairement dans le pays d’Idriss Déby ? Et la réalisation des Etats-Unis d’Afrique, cette fumeuse ancienne idée qui fait aujourd’hui sourire ? C’est encore du cru du «Guide», qui, en bon Bédouin, aime les grands espaces et ignore les tracés faits par les colons. A écouter donc les envolées lyriques de l’auteur du Livre vert, l’Africain bon teint qui s’en va découvrir la Libye pense qu’il y sera accueilli à bras ouverts avec du lait de chamelle. Malheureusement, c’est tout le contraire chez Kadhafi, qui est comme une maîtresse capricieuse à qui on ne peut se fier. Un jour elle dit oui, un autre jour non.

Et la chasse à l’étranger en Libye se fait dans le plus grand silence des dirigeants des pays dont sont originaires les victimes. Au contraire, pour se donner bonne conscience, l’on éructe entre deux rasades de champagne que c’est bien fait pour leurs gueules, parce qu’ils ne sont pas à jour. Mais l’absence de visa ne doit tout de même pas justifier les brimades dont ils font l’objet ! Aucune plainte, aucun murmure, aucune note officielle de protestation de nos autorités, encore moins de l’Occident. Ils ont d’autres chats à fouetter avec Kadhafi. En effet, il ne se passe pas une semaine sans qu’on ne vienne négocier de juteux contrats avec le Guide qui, en plus, est généreux. De passage en Afrique du Sud et au Ghana, le leader de la Jamahiriya offre à chaque chef d’Etat une Mercedes S500 d’une valeur de 100.000 dollars. Ceux qui lui rendent aussi visite ne repartent jamais les mains vides. Il y en a qui ne disent rien,  et ceux, rares, qui en parlent. Comme l’ancien président de Guinée Bissau, Kumba Yala, qui, de retour de Tripoli en  2002, a exhibé devant la presse locale, en souriant jusqu’aux oreilles, une valise contenant 1,35 million de dollars en espèces. Une importante aumône destinée à payer les salaires. Et l’on imagine bien que pour de telles missions chez le généreux donateur, ce n’est pas le ministre des Affaires étrangères que l’on envoie. Il y a des émissaires officieux qui jouent à merveille ce rôle.

Alors pourquoi donc ces «garibous» de marque, qui ne sont pas au-dessus de ceux qui quémandent du côté de la grande mosquée de Ouagadougou, vont-ils gâcher leur deal pour une centaine d’aventuriers qui seront pris en charge à leur retour par l’Action sociale? L’on peut donc bien comprendre l’attitude de nos  autorités du Burkina, qui préfèrent essuyer les coups et attendre que l’orage passe, lorsque leurs compatriotes sont maltraités quelque part dans les dunes du Sahara ; si fait que l’enfant terrible de Syrte n’en fait qu’à sa tête. Pire, on essaie d’enduire ces expulsions d’un vernis de légalité. Il suffit pour cela de lire entre les lignes les propos du secrétaire permanent du Conseil supérieur des Burkinabè de l’étranger, Sibiri Michel Ouédraogo, obligé d’emboucher la même antienne que les autorités : «L’opération de rapatriement a été organisée en accord avec l’ambassadeur du Burkina à Tripoli, Issouf Sangaré… Les mesures d’expulsion ne concernent pas exclusivement nos compatriotes, mais tous les immigrés illégaux».

 Ailleurs, c’est pourtant un autre son de cloche : il nous est revenu que de nombreux Burkinabè croupissent dans des prisons libyennes et dans des conditions très déplorables. Trois en seraient morts et deux autres auraient été gravement blessés. Si cela s’avérait, il ne nous resterait qu’à dénoncer la passivité de nos dirigeants en général et de notre diplomatie en particulier. Aujourd’hui, le leader libyen a pris  encore son bâton de pèlerin pour une énième tournée africaine et installé sa tente quelque part dans le pays du grabataire de Wawa. Toute la Guinée a été mise en coupe réglée pour que le voyage se passe sans accroc, la garde prétorienne du Guide a même pris la relève de la police nationale, de la gendarmerie et d’une bonne partie de l’armée. Le visiteur qui est aux anges a déjà décidé de payer l’intégralité des arriérés de cotisation de la Guinée au sein de l’Union africaine. Alors on torturait 10 000 ou 100 000 Guinéens en Libye que cela ne sortirait pas Lansana Conté de sa torpeur légendaire.

 

La rédaction

L’Observateur Paalga du 25 juin 2007



25/06/2007
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