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Banque mondiale : La chute d'un faucon

Banque mondiale

La chute d'un faucon

 

Plus que six semaines, et Paul Wolfowitz sera relégué dans les poubelles de l'histoire de la Banque mondiale. Après un mois et demi de résistance marquée notamment par le soutien "indéfectible" du président américain Georges Walker Bush, il a annoncé qu'il quitterait ses fonctions le 30 juin 2007. Rideaux sur deux années d'une présidence mouvementée, qui a commencé par un forcing dans la plus pure tradition yankee pour se terminer par un scandale. On comprend mieux maintenant pourquoi à sa nomination, son prédécesseur James Wolfensohn avait affirmé que c'était une nouvelle terrifiante.

L'arrivée, le 1er juin 2005, de l'ancien numéro deux du Pentagone à la tête de l'institution n'avait pas, on se rappelle, suscité un enthousiasme débordant dans de nombreux pays. Son pedigree avait en effet de quoi inquiéter : figure éminente des néocons (qu'on peut décliner en nouveaux conservateurs ou en nouveaux... cons), il est surtout l'un des architectes de la catastrophique équipée irakienne de mars 2003. Les fameuses armes de destruction massive de Saddam Hussein, qu'on n'a toujours pas vu quatre ans après la chute du dictateur, c'était le produit de leur invention. Les supposées relations de Bagdad avec Al Qaida et tous ces autres mensonges qui ont préparé la guerre, c'est encore eux.

Et c'est le représentant d'une telle engeance que le cow-boy de la Maison Blanche avait choisi d'imposer à la tête d'une Banque dont la mission première est de réduire la pauvreté dans le monde. Alors, certains analystes firent mine de croire que quand bien même il arriverait précédé d'une mauvaise réputation, il pourrait toujours s'inspirer de l'exemple de Robert Mc Namara qui sut se refaire une image à Bretton Woods après le désastre vietnamien. A l'évidence, Wolfie n'en a pas l'étoffe.

Car plutôt que de faire oublier les mauvaises habitudes prises au Pentagone, il débarqua à la Banque avec des lieutenants zélés (Kevin Kellems, Robin Cleveland la "dragon lady", Karl Jackson...) qui regardaient tout le monde de haut et qui ne tardèrent pas à se mettre à dos une bonne partie du personnel, qui fouillait dès lors pour trouver le défaut de la cuirasse.

Et puis, un jour, bingo ! Les Sherlock Holmes découvrirent que pour éviter les conflits d'intérêts, le champion de la lutte anticorruption (encore qu'il le fasse à la tête du client sur fond de manœuvres politiciennes) avait dû accorder à sa compagne et collaboratrice Shaha-Ali Riza (1), pour qu'elle quitte la maison, une généreuse promotion et augmentation de salaire avec un parachute doré au département d'Etat. Là, elle travaille dans une cellule qui s'occupe, sous la direction d'Elizabeth Cheney, la fille du vice-président en personne, du remodelage vertueux, ou, si vous préférez, de la démocratisation du Proche-Orient. Le hic, c'est que la nouvelle venue, payée par la BM, touche même (ça ne s'invente pas) plus que Condoleezza Rice. Ainsi éclata le "Shahagate" qui est en train d'emporter cet homme "charmant, sensible, attentionné et cultivé" comme le décrit sa maîtresse.

Népotisme, favoritisme, trafic d'influence... appelez-le comme vous voulez ; quoi qu'il en soit ça ne fait pas sérieux pour une Banque qui prêche la bonne gouvernance et la transparence. Une fois de plus, on se rend compte que ceux qui sont prompts à donner des leçons sont ceux qui devraient surtout en recevoir. Monsieur propre n'était donc pas aussi blanc ! Mais si le faucon a fini par chuter, ce n'est pas faute de s'être débattu et d'avoir affiché un air de componction, promettant de changer et sollicitant les conseils de ses collaborateurs.

Trop tard sans doute, pour celui qui a publiquement présenté ses excuses tout en assurant, la main sur le cœur, avoir agi de bonne foi et dans l'intérêt de la Banque. Il n'empêchera pas son Conseil d'administration de le désavouer et de lui remonter les bretelles pas plus qu'au comité de développement (le forum conjoint BM/FMI qui regroupe 24 ministres) de le chapitrer.

Ajoutez à cela son rejet par le staff, et l'appel à la démission lancé le 23 avril dernier par 42 anciens hauts responsables de la première institution financière internationale et vous comprendrez pourquoi Bush ne pouvait plus sauver le soldat Wolfie, qui avait fait de la "World Bank" un instrument au service de l'hégémonisme et de l'unilatéralisme américains.

Il fallait capituler. C'est fait depuis jeudi, et malgré les risques d'instabilité qu'elle court, la maison avait sans doute besoin de ce sacrifice pour se rasséréner, se remettre au boulot et espérer retrouver la confiance de ses partenaires.

Mais la page Wolfowitz est à peine tournée que déjà la bataille pour sa succession commence avec, comme trame de fond, la remise en cause par certains Etats et ONG de l'accord tacite américano-européen qui veut, depuis la création des institutions de Bretton Woods en 1945, que la présidence de la Banque mondiale revienne de droit à l'Oncle Sam, et la direction générale du FMI au vieux continent (2). "Est-ce qu'il ne serait pas intéressant que la sélection d'un président se fasse sur le critère du mérite et pas forcément de la nationalité ?" s'interroge à haute voix Alexandre Polack d'ActionAid. Une question qui mérite d'autant plus d'être posée que le monde en 2007 n'est plus ce qu'il était à la fin de la seconde guerre mondiale. De nombreux pays émergents comme la Chine, l'Inde ou le Brésil occupent ainsi une place de plus en plus importante sur l'échiquier politico-économique mondial, de sorte que, de la même manière que l'élargissement des membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies se pose depuis quelques années, il va bien falloir mettre sur le tapis ce "gombo institutionnel" des USA et de l'Europe sur le duopole BM/FMI.

Est-ce juste, et même sain, que cinq pays concentrent entre leurs mains l'essentiel des pouvoirs de la Banque mondiale pendant que les 178 autres Etats membres n'ont droit qu'à 9 sièges ? Surtout que le gouvernement des Etats-Unis, qui avait à l'origine 40% des parts, n'en est plus, avec actuellement 16% du capital, l'actionnaire principal.

Certes, les Européens, favorables au statu quo, n'ont pas envie d'ouvrir ce front, qui leur coûterait autant qu'aux Américains, mais il faudra bien s'y résoudre un jour ou l'autre.

En attendant, il urge qu'on trouve un successeur plus présentable que le démissionnaire et au petit jeu des pronostics, les noms qui reviennent le plus sont ceux de Robert Zoellick (ancien secrétaire d'Etat adjoint), Robert Kimmit (secrétaire adjoint au Trésor), Joseph Stiglitz (le prix nobel américain d'économie 2001)...

 

Ousséni Ilboudo

L’Observateur Paalga du 21 mai 2007

 

 

Notes :

 

(1) Née à Tunis en 1953 d'un père libyen et d'une mère syro-saoudienne, elle était directrice par intérim de la communication extérieure du département Moyen-Orient/Afrique du Nord au sein de la BM qu'elle avait intégrée en 1997, bien avant donc l'arrivée de son amant.

 

(2) C'est actuellement l'Espagnol Rodrigo Rato qui est le DG du FMI


21/05/2007
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