L'Heure du Temps (Blog d'Information sur le Burkina Faso)

L'Heure     du     Temps (Blog d'Information sur le Burkina Faso)

"Beaucoup de lièvres levés, très peu abattus"

An I du Premier ministre Tertius Zongo


Politiques et acteurs de la société civile se prononcent

 

Luc Marius Ibriga, juriste

"Beaucoup de lièvres levés, très peu abattus"

 

Je crois qu'après un an de gouvernement de monsieur Tertius Zongo, on peut dire qu'il y a beaucoup de chantiers qui ont été ouverts; beaucoup de lièvres ont été levés, mais très peu ont été abattus. Le constat pourrait peut-être paraître sévère, mais il est à la dimension des actions de changements que le Premier ministre Tertius Zongo a voulu impulser au niveau de la manière de gouverner au Burkina Faso. Il est clair qu'un certain nombre de chantiers ont été ouverts en ce qui concerne la lutte contre la corruption, l'utilisation rationnelle des biens de l'Etat, en ce qui concerne sa capacité au dialogue avec les différentes forces du pays. Mais la méthode qui a été utilisée avec une communication très verbeuse n'a pas encore donné les fruits adéquats par rapport aux ambitions qui ont été présentées par le Premier ministre. Je prendrai simplement un exemple : avec ces innovations qui ont été introduites, on se serait attendu à ce que le Premier ministre Tertius Zongo, dans sa déclaration sur l'état de la nation, nous dise, du point de vue de la bonne gouvernance, quel était le cap véritable qu'il voulait prendre et quel était le domaine dans lequel il allait axer son action pour qu'à la prochaine déclaration sur l'état de la nation, on puisse l'évaluer. Or, il est tombé dans le même piège que l'ensemble des Premiers ministres passés, c'est-à-dire se contenter de faire des déclarations générales, vagues, et du saupoudrage dans les différents domaines sans que l'on puisse véritablement avoir des indicateurs nets pour pouvoir évaluer son action. Et malheureusement pour lui, il est tombé à un moment où l'inflation internationale et la situation de la crise internationale ont rattrapé les pays en développement, plus durement d'ailleurs. Donc, c'est là qu'on attendait de lui des innovations pour pouvoir sortir de cette crise alimentaire et de cette inflation. Mais le constat est que l'imagination n'a pas été au rendez-vous quant aux solutions à trouver. Et surtout que dans cette situation, on a eu l'impression que lui-même a voulu se débiner pour laisser toute la responsabilité à ses ministres parce que lors de sa déclaration de politique générale, il a dit que s'il ne parlait pas beaucoup, c'était pour laisser aux ministres le soin d'assumer leurs fonctions. Peut-être que s'il avait bien fait, on aurait pu anticiper sur la situation. Je dirais donc qu'on a un Premier ministre plein d'idées mais qui, peut-être, n'a pas les moyens de sa politique. Alors, je pense qu'il serait bon de redimensionner les ambitions, de nous fixer les échéanciers et de nous donner des indicateurs clairs pour que nous puissions mesurer la réalité de l'action gouvernementale.

 

Omar Djiguemdé, président du PAREN

"Sa méthode m'inquiète"

 

J'ai entendu dire qu'il est à l'origine de la situation actuelle. Tout en étant opposant, je refuse totalement ce mensonge parce qu'il est venu trouver la situation qui était déjà pourrie. Il se trouve qu'il veut le changement et son volontarisme est manifeste. En effet, il veut bien lutter contre la corruption, les détournements, l'impunité, l'utilisation abusive des biens de l'Etat, etc. Mais sa méthode m'inquiète parce qu'il est l'homme d'une situation. S'il ne s'ouvre pas aux populations, aux partis de l'opposition, comment peut-il opérer un changement ? Je crains fort qu'il ne se fasse avaler par le système qu'il est venu trouver. Ce n'est pas ce qui manque en Afrique. Il y a quelques jours de cela, le Premier ministre guinéen Lassana Kouyaté a été limogé. Ce que je souhaite sincèrement pour lui, c'est qu'il révise en profondeur le Code électoral en vue d'instaurer une démocratie réelle au Burkina. Notre démocratie est aujourd'hui faussée par l'intrusion des chefs coutumiers en politique. Ces derniers confisquent le droit de vote des sujets du droit coutumier. Le Premier ministre doit interdire l'utilisation des gadgets pendant les campagnes électorales. C'est quand même honteux pour nous de voir que de nos jours, des pays comme le Niger, la Mauritanie, le Bénin, le Ghana venus en même temps ou tardivement à la démocratie par rapport à notre pays ont totalement interdit l'intrusion des chefs coutumiers dans la politique et l'utilisation des gadgets pendant les campagnes électorales. Pendant ce temps, le Burkina est en reste; c'est dommage. Si on accepte les gadgets, il faut comprendre que c'est une exploitation de la pauvreté du peuple.

Il faut également qu'il interdise le nomadisme politique qui dénature le choix de l'électorat. Cependant, il faut reconnaître que l'actuel Premier ministre est plein de volonté mais il risque d'échouer simplement parce qu'il ne s'agit pas de s'attaquer à des conséquences du problème, mais plutôt à des causes. Et la cause principale de la misère du Burkina est l'ultra libéralisme que nous copions et qui est même dénoncé par ses géniteurs. Nous avons tout intérêt à trouver une voie originale, une voie propre pour pouvoir résoudre définitivement nos maux. Lors du passage du Premier ministre à l'Assemblée nationale pour son discours sur la situation de la nation, le fondateur du PAREN, Laurent Bado, lui avait dit qu'en vérité, au Burkina, les gens ne manifestent pas contre la vie chère, mais plutôt contre la vie à deux vitesses, c'est-à-dire une minorité qui vit au paradis avec l'argent du peuple et une majorité qui vit en enfer. Comment le Premier ministre peut-il lutter contre l'impunité que le système qu'il est venu trouver a contribué à installer ? Nous disons qu'il faut revoir la copie, revoir tout de fond en comble pour pouvoir résister aux fléaux mondiaux.

 

Me Bénéwende Sankara, président de l'UNIR/MS

"Je retiens sa volonté de faire la différence"

 

Je dois vous avouer qu'en une année il est difficile pour un chef de gouvernement de poser des actes très visibles, surtout que ses prédécesseurs ont fait des années et qu'il prône la continuité dans le sens de défendre le programme du chef de l'Etat qui le nomme. Mais ce que je retiens, c'est d'abord cette volonté, à travers son discours, de faire la différence. On a vu, par exemple, sa déclaration sur l'Etat de la Nation à l'Assemblée nationale. On a vu comment il venait lui-même à l'Assemblée avec ses ministres pour répondre aux questions d'actualité, aux questions avec ou sans débats. On l'a vu également agir concernant la gestion de la chose publique avec, à un moment donné, le contrôle sur les véhicules "fond-rouge". Mais, je dois dire qu'en une année, ce n'est pas très perceptible, parce que cela a tout de suite été rattrapé par la conjoncture, notamment la cherté de la vie qui est aujourd'hui un véritable goulot d'étranglement pour le gouvernement qui n'arrive pas à trouver les solutions idoines, adéquates pour permettre aux populations de joindre les deux bouts. Si fait que l'action du Premier ministre Tertius Zongo semble annihilée par cette vie chère et par cette crise politique plus ou moins latente au sein même de la majorité, avec le départ du gouvernement du ministre d'Etat Salif Diallo. Je crois qu'en une année on a l'impression que c'est un homme, peut-être incompris, peut-être aussi dépassé par le cours des événements dont il hérite. Voici vraiment les impressions à chaud que j'ai de l'action du Premier ministre qui, j'avoue, était arrivé avec un autre discours, mais au finish, on a l'impression que ce discours n'est plus opérationnel.

 

 

Blaise Sondo, secrétaire exécutif du REN-LAC

"Nous restons sur notre faim"

 

Dès l'arrivée du Premier ministre Tertius Zongo, nous avions salué ses déclarations, notamment celles relatives à la lutte contre la corruption au Burkina Faso qui est notre domaine d'activités. Il avait affirmé sa volonté de lutter contre la corruption. Une volonté qui s'est traduite par la mise en place de l'Autorité supérieure du contrôlé de l'Etat, par des actions d'éclat tels le contrôle de l'utilisation des véhicules de l'Etat et surtout l'application de la circulaire relative au renforcement des activités de COTECNA. Dans une certaine mesure ces actions visibles sont à saluer mais nous restons sur notre faim parce que nous nous attendions à ce que les choses avancent assez rapidement sur le terrain, avec la création de l'autorité ci-dessus mentionnée. Nous constatons à ce jour qu'un projet de texte a été soumis à l'Assemblée nationale et adopté. Sa promulgation par décret a été faite et son responsable a été nommé mais tout le reste, à savoir le décret d'application, n'a pas suivi. Je veux parler des arrêtés d'application qui doivent permettre à cette structure de jouer véritablement son rôle sur le terrain. Nous avions en son temps émis des réserves sur les attentes qu'il ne fallait pas placer trop haut. Nous avions salué la possibilité qui lui est donnée de saisir la justice sur les cas de corruption. Nous étions également réservés sur le fait qu'elle est placée sous l'Autorité du Premier ministre. Ce qui ne lui donnerait pas toute l'indépendance nécessaire pour agir. Il aurait fallu intégrer des acteurs de la lutte contre la corruption, de la société civile, du secteur privé. Au stade actuel des choses, cette structure n'est pas fonctionnelle à notre connaissance. Comme le précisent les articles 14 et 20 du décret qui la promulgue. Les déclarations ont été faites certes, mais il reste la volonté politique. Autrement, la lutte contre la corruption ne sera pas effective.

 

Tahirou Traoré, SG du SYNATEB

"L'an 1 de l'exercice n'est pas satisfaisant"

 

Après sa nomination, le Premier ministre a reçu les organisations syndicales le 21 juin 2007 pour une prise de contact. Nous avons saisi l'opportunité pour porter à sa connaissance notre plate-forme revendicative qui se résume en quelques points qui sont le pouvoir d'achat des travailleurs avec l'augmentation des salaires de 25% ; la diminution des taxes sur les produits pétroliers ; la lutte contre l'impunité des crimes économiques et de sang dont le traitement du dossier Norbert Zongo. Il y a également la moralisation de la vie publique notamment par la lutte contre la corruption, les détournements et les fraudes ; l'accessibilité aux services de base à savoir la santé, l'éducation, l'eau et l'électricité ; l'application au niveau du secteur privé des augmentations de salaire décidées par le gouvernement.

Une année après, nous constatons que la plupart de ces points de revendication demeure intacte. Par exemple quand on prend la question de l'augmentation des salaires, le gouvernement, après avoir hésité à plusieurs reprises, nous demande aujourd'hui en 2008 de la revoir. Nous estimons que ce sont des fuites en avant qui indiquent que le gouvernement ne prend pas au sérieux notre revendication. Sur la question des taxes sur les produits pétroliers, le Premier ministre nous avait donné l'assurance que son gouvernement allait travailler à réduire de façon considérable les prix des hydrocarbures. Aux négociations gouvernement/syndicat de 2006, le gouvernement avait promis de revoir la structure des prix et qu'à partir de janvier 2007, on allait sentir une nette amélioration en ce qui concerne les prix des hydrocarbures. Cela n'a pas été le cas. Au contraire, il y a eu des augmentations intempestives de prix. En ce qui concerne par exemple les prix des produits de première nécessité, on en parle même pas. Le sac de riz est aujourd'hui à 21 000 F CFA. Le gouvernement lui-même n'a pas pu contrer la hausse des prix, n'a pas pu imposer, un tarif aux commerçants. Il a plutôt suggéré, des prix aux commerçants. Il a plutôt suggéré, des prix que les commerçants n'ont pas respecté. Nous pensons que cela est une insuffisance grave parce que l'Etat est en quelque sorte le dernier recours des citoyens.

Au niveau de la lutte contre l'impunité des crimes économiques et de sang, le dossier Norbert Zongo est toujours là. Il y a beaucoup d'autres exemples que nous pouvons citer. Si nous prenons le cas du MEBA, il y a eu un audit après l'éviction du ministre Mathieu Ouédraogo. Le rapport a indiqué qu'il y a eu plus de 3 milliards de F CFA non justifiés dans le cadre du PDDEB. Jusqu'à l'heure actuelle, rien n'a été fait. Dernièrement, il a été dit qu'il y a 1 milliard 80 millions de F CFA d'injustifiés dans le cadre de la gestion du PDDEB encore. A l'heure actuelle, les auteurs de ces mauvaises gestions ne sont pas inquiétés. Pendant ce temps, on convoque des enseignants en conseil de discipline pour des histoires de Cathwel de 15 000 à 45 000 F CFA pour les humilier alors que les grands délinquants à col blanc sont tranquilles. A ce niveau, nous pensons que l'action du Premier ministre laisse à désirer.

Sur les plans de la corruption et de la moralisation de la vie publique, il y a eu entre temps la mesure tendant à interdire la circulation des véhicules de l'Etat les week-ends et en dehors des heures de service. Cela a été salutaire pour un bout de temps. Mais il faut savoir qu'il y a des questions préoccupantes comme la grande délinquance sur laquelle le Premier ministre ne dit rien jusqu'à présent. Concernant l'accessibilité des services sociaux de base, vous voyez comment l'école est devenue aujourd'hui. Il y a des écoles qui ont des effectifs de plus de 200 élèves par classe ; d'autres n'ont pas de salles et les élèves sont sous des hangars alors qu'il y a de l'argent prévu pour la construction d'infrastructures. C'est dire que l'argent est utilisé pour d'autres choses et c'est ce qui explique les sommes injustifiées au niveau du PDDEB.

Le niveau des enseignants est en baisse, la durée de la formation a été écourtée. Cette année, ceux qui ont été recrutés ont fait juste 2 mois dans les ENEP alors que l'on dit que la formation est d'une année. Sur le plan de la santé, les populations, surtout dans les plus petits villages, paient d'abord la consultation dès leur arrivée dans les formations sanitaires. Et après la consultation, il n'y a rien de gratuit. C'est ce qui amène souvent certaines personnes à s'orienter vers les médicaments de la rue à leurs risques et périls. Concernant l'eau et l'électricité, des mesures ont été récemment prises mais on ne sait pas à quel moment il y aura des effet. Au niveau de l'éducation, le Premier ministre, en lançant le 27 août 2007 l'opération de la gratuité des manuels scolaires à Fada, a appelé publiquement les parents d'élèves à mettre la pression sur les enseignants afin qu'ils fassent correctement leur travail. Ce message a été mal reçu par le monde enseignant parce qu'il tend à mettre en conflit les parents d'élèves et enseignantes. Alors qu'entre les deux, il n'y a que des rapports de partenariat ; les parents d'élèves soutiennent les enseignants dans leur action pour que l'éducation de leurs enfants soit de qualité. Parlant de la gestion du personnel enseignant, le Premier ministre a adressé une circulaire à tous les ministres pour qu'ils mettent coûte que coûte le nouveau système de notation des agents. Un système que tout le monde a décrié parce qu'il n'a d'autre objectif que le blocage des salaires.

Il y a aussi la question des libertés avec les cas du SAMAE (NDLR : Syndicat des agents du ministère des Affaires étrangères) et du SATB (NDLR : Syndicat autonome des travailleurs du Trésor). Des militants de ces syndicats qui ont légalement manifesté sont aujourd'hui traqués. Si vous prenez le SAMAE, colère du chef de l'Etat fait que tout le monde se rebiffe. Tout récemment, on a commencé à suspendre les salaires et 7 militants de ce syndicat sont aujourd'hui dans cette situation. Les membres de la direction du SATB ont tous été affectés en campagne. Qu'est-ce que le Premier ministre a fait en dehors des assurances faites lors de la rencontre gouvernement/syndicats.

De façon générale, nous pensons que l'an 1 de l'exercice du Premier ministre n'est pas du tout satisfaisant. Il a beaucoup parlé, il a fait beaucoup de promesses et dans la réalité, rien n'a été fait.

 

Marcel Zanté, syndicaliste

"Nous avons beaucoup d'attentes qui sont sans solutions"

 

En tant que responsable d'une structure syndicale, je crois que si nous devons faire le bilan d'un an de mandat du Premier ministre, je dirai que nous restons sur notre faim parce que nous avons beaucoup d'attentes qui sont restées sans solutions. Néanmoins, sur le plan de la lutte contre les abus et la corruption, force est de reconnaître que Tertius Zongo a mis en oeuvre des actions qui, si elles continuaient, pourraient réduire les maux qui minent notre économie. Parlant de ses relations avec les organisations syndicales de travail, nous pensons qu'un accent particulier a été mis là-dessus car depuis son arrivée à la tête du gouvernement, il a reçu les syndicats, a échangé avec eux. Son ministre du Travail, qui est notre ministre de tutelle, a chaque fois invité les syndicats au dialogue. Cela est une bonne chose, même si nous ne sommes pas satisfaits des réponses qui sont données à nos sollicitations, le fait de nous interpeller, de nous inviter au débat prouve qu'il prête une attention particulière à nos revendications, et nous souhaitons que cela puisse continuer. Concernant le dialogue social avec les syndicats, il y a une avancée. Aussi voudrions-nous qu'il revoie sa stratégie de lutte contre la vie chère et la pauvreté car il y a beaucoup à faire à ce niveau.

 

Fatou Diendéré, député CDP

"Un an, c'est peu pour apprécier un Premier ministre"

 

En tant qu'élue du parti majoritaire, il faut dire merci au président du Faso qui a bien voulu confier cette lourde mission à Tertius Zongo . Nous avons tous suivi avec lui la lettre de mission qui lui a été donnée par le chef de l'Etat. Lorsque le Premier ministre a fait sa déclaration pour décliner ses intentions, je retiens que pour une première fois, un Premier ministre a contacté les forces vives de la nation. Il a ensuite rendu visite aux institutions. Je prends seulement le cas de l'Assemblée nationale. Nous avons vu un Premier ministre qui assiste aux questions orales et plus particulièrement aux questions d'actualité posées par les honorables députés. Il a pu réunir le secteur privé pour donner son point de vue. Tout cela me procure des sentiments positifs. Des actes ont été posés par le Premier ministre à l'endroit des maires du Burkina à travers l'AMBF (Association des municipalités du Burkina). Il y a la subvention qui passe à ce niveau de 10 à 15 millions de F CFA. Il y a la grille des collectivités qui a été réélue de même que les indemnités des maires et de leurs adjoints. Depuis quelques temps, il y a le démarrage de la construction des sièges des mairies, surtout au niveau de nos frontières. L'électrification rurale sera une réalité. Des efforts sont faits. Nous ne pouvons pas demander à Tertius Zongo de réaliser tout ce qu'il a dans sa lettre de mission en un an. Un an, c'est beaucoup pour les populations qui attendent un mieux-être, mais je dirai qu'un an, c'est peu pour un Premier ministre qui vient d'arriver, qui prend tout le temps d'écouter, de comprendre, d'analyser et de poser des actes. La vie chère s'en est mêlée. Le gouvernement travaille à résoudre les problèmes soulevés. Alors, il faut laisser du temps au Premier ministre pour lui permettre d'exécuter son programme.

Nous avons tous suivi les grandes décisions pour réduire le train de vie de l'Etat. On a parlé des fonds rouges, des véhicules qui circulent sans ordre de mission en dehors des heures de service et la lutte contre la corruption. Je m'attarderai un peu sur ce fléau. La lutte contre la corruption interpelle tous les Burkinabè : hommes et femmes, jeunes et vieux, riches et pauvres. Parce que la corruption est toute une chaîne, et tant que nous n'arriverons pas à la briser quelque part, la corruption ne peut que se poursuivre. Le seul fait de prendre une décision au niveau gouvernemental ne suffit pas. Les Burkinabè doivent être solidaires pour que cette chaîne soit brisée. Que les Burkinabè les plus sincères et les plus honnêtes aident le gouvernement à rendre l'application de cette décision effective.

Même pour le train de vie de l'Etat, il n'y a pas que les véhicules fond rouge. Il faut que, quelque part, les gens acceptent de dénoncer. Les travailleurs qui doivent arriver à 7h au boulot et qui préfèrent faire d'abord des courses ou leur commerce. Il faut bien que les honnêtes travailleurs qui sont à 7 h au bureau puissent les dénoncer. Si nous voulons réussir un développement harmonieux dans notre pays, il faut que chacun s'engage.

En si peu de temps, Tertius Zongo a pu montrer aux Burkinabè ce qu'il a l'intention de faire. Le peuple doit être solidaire pour permettre la réussite de ce programme qui figure dans la lettre de mission que le chef de l'Etat a donnée au Premier ministre Tertius Zongo.

 

Toussaint Abel Coulibaly, député/mouvance présidentielle

"Les choses ont évolué positivement"

 

Tout en appréciant positivement l'oeuvre de son prédécesseur, si je devais retenir un seul terme pour qualifier l'exercice de la fonction de Premier ministre par Tertius Zongo, c'est la rupture. C'est une rupture dans le fond comme dans la forme. Il faut reconnaître que beaucoup de choses ont évolué positivement. Les rapports entre le législatif et l'exécutif ont évolué. On voit de plus en plus le Premier ministre au Parlement, ce qui n'était pas le cas par le passé. Il y a des réformes qui ont été engagées. Et quand on sait que qui dit réforme dit impopularité dans l'opinion, son cas est un peu particulier parce qu'il continue de jouir d'une certaine sympathie des gens.

Quand je parle de réforme, la dernière en date est l'adoption d'un texte sur le régime applicable aux agents des établissements publics de l'Etat. Il y a aussi la restructuration du train de vie de l'Etat. Vous avez en mémoire les contrôles des véhicules de l'Etat et le recensement du patrimoine de l'Etat. Je retiens que c'est un Premier ministre très actif. Peut-être parce qu'il a en charge de mettre en oeuvre un programme quinquennal. Il est vrai que ce n'est pas la même façon de gérer si on a affaire à un septennat. L'homme, de par sa façon de travailler, était la personne idéale pour atteindre les objectifs fixés dans ce laps de temps. Mais il faut dire qu'au début, il y avait un couac. Certains ministres s'identifiaient à des régions mais cela a été vite corrigé. A part cet aspect qui est informel, c'est quelqu'un qui assume son mandat en toute responsabilité. On sent une collégialité dans l'action. Les ministres parlent plus du programme du gouvernement. Les ministres parlent plus au nom du gouvernement que de leur ministère dans la réalisation de leurs missions au quotidien. On n'entend plus souvent les expressions: "mon ministère, mon département".

Sur la gestion du dossier de la vie chère, les mesures qui ont été immédiatement annoncées et actuellement mises en oeuvre sont ce qu'il fallait faire. Plus on attendait, plus on perdait le contrôle de la situation. Le gouvernement a eu le mérite de donner un signal fort même s'il est vrai qu'il ne maîtrise pas le phénomène qui est mondial.

 

Hermann Yaméogo, président de l'UNDD

"Il a été nommé à un moment difficile"

 

C’est vrai que ça fait déjà un an qu’il a été nommé à un moment des plus difficiles à la tête du gouvernement pour réformer le pays ! Des atouts, il en avait dès le départ pour mener sa barque : son acharnement au travail, son sens inné du contact, une affabilité qui n’a jamais entaché sa capacité de décision, le fait de n’avoir pas trempé dans les magouilles politiciennes qui ont créé beaucoup de fractures dans le pays aussi bien au plan économique qu’au plan politique... Et puis, il avait la confiance du chef de l’Etat qui, pour cela, l’a installé à ce poste. Un poste des plus compliqués à assumer puisqu’il oblige à savoir avaler des couleuvres sans grimacer, à appliquer des politiques qu’on n’a pas définies sachant très bien qu’on en supportera, aux yeux de l’opinion et du chef de l’Etat donneur d’ordres, les conséquences en cas d’échec.

Mais le plus difficile pour lui, c’est que la planche lui aura été savonnée en raison de cette guerre d’influence, de positionnement au sein du parti majoritaire, de cette contestation de sa nomination qui le privait de tous les soutiens dont il avait besoin dans la majorité pour piloter le gouvernement. Il y a aussi que cette espèce de dyarchie de fait et de tout temps au sein du gouvernement avait commencé à faire ressortir au grand jour les contrariétés dans la mise en œuvre des politiques, des paralysies et, pour tout dire, des faits de mauvaise gouvernance qui ont commencé à faire monter bien des partenaires sur leurs ergots. Le temps était arrivé de mettre un terme à tout cela. Situation jamais vue par le passé qui, seule, suffit à donner des insomnies au Premier ministre.

Mais il a fallu qu’en plus vienne s’ajouter au contexte des plus inquiétants, marqué par des émeutes récurrentes, cette crise internationale à laquelle le pays ne peut seul et sans des actions structurelles douloureuses faire face. C’est pour vous dire qu’au regard de ce parcours passé et de celui à venir, sa primature n’a pas été et ne sera pas un long fleuve tranquille. Ce d’autant que beaucoup, qui lui avaient quasiment donné le bon Dieu sans confession, craignent qu’il ne tombe, au train où vont les choses, dans le "bling-bling", comme Nicolas Sarkozy, et commencent à s’inquiéter de ne pas voir apparaître tout le soutien qu’il était en droit d’attendre au niveau de sa majorité, mais aussi du chef de l’Etat silencieux comme une tombe.

On en vient également, face aux difficultés à assurer les contrôles optimaux des prix, à faire respecter la campagne d’interdiction d’utilisation des véhicules de l’Etat à des fins personnelles, à s’interroger sur l’avenir. Mais peut-être que ni lui — ni le chef de l’Etat surtout — n’ont encore dit leur dernier mot.

 

Salif Ouédraogo, vice- président de l'UNDD

"C'est prématuré de juger le Premier ministre"

 

Je pense qu'il serait prématuré de juger le Premier ministre Tertius Zongo, même si cela fait un an qu'il dirige le gouvernement. Le budget élaboré a été adopté en décembre 2007 et c'est à partir du mois de janvier 2008 que cette politique budgétaire est mise en œuvre dans un contexte difficile voire défavorable aussi bien sur le plan externe qu’interne. Ces facteurs exogènes et/ou endogènes souvent non maîtrisables ou contrôlables peuvent venir ralentir voire contrecarrer une politique.

Partant de ce constat, on peut en toute objectivité reconnaître la difficulté de sa tâche, l’ampleur et la multitude des défis à relever.

Sur le plan extérieur, il y a des éléments, des évolutions de données économiques qui font qu'il a ou aura des difficultés à réaliser son programme de développement malgré sa bonne volonté. Les facteurs de production sont de plus en plus chers et la tendance haussière va se poursuivre et, puisque nous sommes un pays plus importateur qu’exportateur, plus consommateur que producteur, des tensions de trésorerie apparaîtront et des difficultés de gestion quotidienne surviendront aussi bien au niveau micro (ménages, salariés, entreprises) qu’au niveau macroéconomique.

Ce qui fait que l'Etat, en tant qu'entité, aura toujours des difficultés pour répondre aux attentes multiples et multiformes avec cet environnement extérieur conflictuel, tendu et un climat intérieur caractérisé par un certain attentisme, une morosité, un malaise. Toutes choses qui peuvent avoir une incidence positive ou négative sur la politique gouvernementale. La preuve, depuis un certain moment on ne parle que de la vie chère.

Cette vie chère, comme nous l'avons dit à l'UNDD, a des origines externes et internes. Au niveau externe, le gouvernement n'a pas d'emprise sur elle et cela fera ressortir les limites de l’action gouvernementale.

Seul, le Premier ministre ne peut pas faire grand-chose. Il est dans un système et il doit avoir l’appui des principaux acteurs de ce système pour espérer réussir. Il doit avoir l’appui total du chef de l’Etat, de sa majorité, des principaux acteurs économiques et la confiance de la population pour mener à bien sa mission d’assainissement de la gouvernance économique, politique et sociale.

Ce que nous avons apprécié de façon positive à l'UNDD, c'est lorsqu'il a décidé de réduire le train de vie de l'Etat en prenant un certain nombre de mesures. Nous souhaitons que les contrôles se poursuivent parce qu'un adage dit ceci : "lorsque tu n'as pas assez de ressources, essaie d'économiser le peu que tu as en l'utilisant de manière rationnelle."

Les mesures d’assainissement de la vie, de l’environnement économique doivent être poursuivies, les situations de monopoles et/ou oligopoles combattues. Qu’il sache qu’il y a des démocrates, des patriotes qui, même s'ils ne sont pas du CDP, sont d'accord avec une telle approche de résolution de certains de nos problèmes de gouvernance économique.

Le gouvernement de Tertius Zongo a aussi pris des mesures tendant à limiter l’impact de la cherté de la vie comme celles prises un peu partout en Afrique. Nous à l’UNDD, nous disons que ces mesures peuvent calmer le mal mais elles restent cependant des mesures conjoncturelles qui ne peuvent, en aucun cas, venir à bout de nos déficits ou défaillances structurelles.

La seule solution ou issue, c'est d'être moins dépendant de l'extérieur, moins consommateur de produits exclusivement importés dans leur grande majorité. Pour cela , nous devons revoir nos priorités en matière économique en mettant davantage l’accent sur l’agriculture et l’élevage à travers des politiques de soutiens directs aux paysans et aux éleveurs. Et cela à travers la prise de mesures qui inciteraient tous les Burkinabè qui le peuvent ou le veulent à investir dans l’agriculture et dans l’élevage, la mise en place de structures publiques et/ou privées de promotion effective des PME/PMI et la redynamisation de celles déjà existantes. Celles-ci devront être à même de produire, de valoriser et de transformer nos produits locaux pour nous amener à consommer de plus en plus burkinabè.

Nous sommes pour l'intervention directe en terme de soutien au monde paysan. Il faut qu'on recrée des ORD comme dans le temps pour encadrer, stimuler le monde paysan. Je pense même que la Journée du paysan devrait être instituée en début de campagne agricole pour que ce soit un moment fort dans la vie nationale.

Au niveau de la gouvernance politique, le constat a été fait qu’il y a un blocage, un malaise, une crise de la représentation politique et un discrédit de plus en plus grandissant envers le monde politique. Il faut donc agir sans tarder et pour cela des réflexions et des actions sont en cours. Le parlement, sur instigation de son président, a mis en place des commissions qui ont produit des rapports. Il faut que le Premier ministre, dans le cadre d’un dialogue inclusif, accompagne l’action du parlement pour la prise de mesures courageuses à même d’assainir et de déverrouiller la vie politique pour plus de démocratie, plus de consensus, plus de participation. Il faut qu'il ait le courage d’aller au fond des choses pour que l’histoire retienne son nom en tant que chef exemplaire de l’exécutif.

Le Premier ministre doit davantage s'ouvrir à la société civile, au monde politique, associatif, académique, syndical pour, de temps en temps (au moins une fois par an), demander leur point de vue sur la conduite des affaires de la nation.

Nous avons besoin d'un consensus, d'un environnement propice sur le plan national à même de fédérer les énergies de tous les Burkinabè pour conduire le Burkina sur le chemin de la croissance. Si le Premier ministre Tertius Zongo réussit, c'est la population qui souffre qui va réussir et, partant, tout le Burkina.

Nous à l’UNDD, au-delà des divergences que nous pouvons avoir avec tel ou tel acteur de la vie politique, savons mettre au-dessus de tout l’intérêt supérieur de la nation. C’est pour cela que nous souhaitons plein succès à tout chef de l'exécutif.

 

Nouhou Berté, secrétaire national à l'information et à la communication, porte-parole de l'ADF/RDA

"Le bilan du Premier ministre est satisfaisant"

 

Au niveau de l'ADF/RDA, nous jugeons le bilan du Premier ministre satisfaisant. On se rappelle que lorsqu'il avait été nommé chef du gouvernement, il avait fondé son action sur trois axes : le culte du travail, l'esprit d'initiative et la culture de la planification. On a ainsi constaté une volonté réelle de lutter de manière efficace contre la corruption. La société COTECNA, par exemple, a fait un travail remarquable en la matière. Il y a eu aussi la création de l'Autorité supérieure de contrôle de l'Etat. Toutes ces actions convergent vers l'assainissement des finances publiques et la lutte contre la corruption. Ce sont des objectifs auxquels l'ADF/RDA a toujours adhéré. Notre leitmotiv est que la bonne gouvernance économique et politique est une des conditions sine qua non pour faire décoller le Burkina Faso. Nous ne pouvons donc que saluer l'action du Premier ministre. De nombreuses réalisations ont été faites. Nous citons entre autres la mise à disposition très prochaine des revenus moyens, de plus de 1 000 logements, une promotion réelle d'emploi des jeunes.

Au niveau des Transports, il y a un vaste programme d'extension et de réaménagement de l'aéroport de Ouagadougou et la construction du nouvel aéroport à Donsin. L'adoption d'une loi d'orientation des Transports terrestres et des actions efficaces pour la promotion de la sécurité routière sont des acquis réels sous le gouvernement Tertius Zongo. Ce sont des chantiers majeurs. Entre autres acquis également, il faut signaler qu'un scanner sera bientôt disponible pour le fret aérien.

Au plan politique, les dernières élections législatives ont été émaillées d'irrégularités. Nous espérons de ce fait que les réformes institutionnelles et politiques envisagées par l'Assemblée nationale donneront des indications au gouvernement. Nous osons croire qu'il prendra les mesures idoines dans le seul but de faire en sorte qu'il y ait davantage d'ancrage démocratique au Burkina. Nous attendons beaucoup de ces réformes.

Ce sont tous ces efforts qui font que le Burkina a eu le mérite de faire évaluer son système de gouvernance au niveau du MAEP (Mécanisme africain d'évaluation par les pairs). Cela veut dire qu'il y a une volonté de confronter notre système à l'analyse des autres.

Avec l'avènement de la vie chère, des problèmes sont apparus et demandent à être résolus. Nous souhaitons que le gouvernement prenne des mesures pour lutter contre tous les commerçants véreux. Nous épousons, à ce titre, la conclusion du rapport de l'Assemblée nationale qui préconise une revalorisation du pouvoir d'achat de la population.

 

Propos recueillis par Mahorou KANAZOE, Séni DABO, Abdoulaye TAO, Alexandre Le Grand ROUAMBA, Antoine BATTIONO, Paul-Miki ROAMBA, Philippe BAMA, Ladji

 

Le Pays du 4 juin 2008



04/06/2008
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