L'Heure du Temps (Blog d'Information sur le Burkina Faso)

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Bittou : Deux ressortissants à couteaux tirés avec le maire

Bittou

Deux ressortissants à couteaux tirés avec le maire

 

Saïdou Sorgho, un ressortissant de la ville de Bittou dit avoir été victime de bastonnade de la part du maire, Abdoul Karim Zampaligré. Les faits remontent, selon ses dires, au mois d'octobre 2006 où les deux en seraient venus aux mains. L'affaire est entre les mains de la justice qui ne semble pas se bousculer aux yeux de Saïdou Sorgho, qui dit craindre pour sa vie. Pour nous relater les faits, le vieux Sorgho s'est fait accompagner par un autre ressortissant de Bittou, Issa Balima, qui a, lui aussi, maille à partir avec le maire. Après les avoir écoutés, nous avons aussi entendu le maire Zampaligré. Les versions des faits diffèrent d'un camp à l'autre. Nous vous proposons les récits faits par les pugilistes d'une matinée chaude. Le procureur de Tenkodogo, Kalilou Sérémé, que nous avons également rencontré le samedi 16 février 2008 après les échanges à Bittou avec le maire, nous a entretenu sur ce dossier pendant en justice.

 

Qu'est-ce qui vous oppose au maire de Bittou ?

 

Le vieux Sorgho et moi sommes très inquiets pour notre vie. Le maire de Bittou l'a frappé en octobre 2006. Il a déposé une plainte au tribunal de Tenkodogo où on lui a fait comprendre que le maire étant un officier de police judiciaire, c'est la Cour de cassation de Ouagadougou qui doit statuer sur cette affaire. Ainsi, le dossier a suivi son cours et est revenu à Tenkodogo. Le procureur de Tenkodogo a contacté en fin janvier 2008 le vieux Sorgho pour lui proposer un arrangement à l'amiable. Le maire lui a également proposé la somme d'un million de francs CFA afin qu'il retire sa plainte. Le vieux Sorgho a indiqué qu'il n'était pas contre le principe de retirer la plainte mais l'affaire étant désormais familiale, puisque ce sont les membres de sa famille qui ont pris en charge ses frais médicaux, il fallait se référer à d'autres personnes pour la conduite à tenir. Le maire a rétorqué qu'il n'était pas question pour lui de se présenter devant une quelconque famille. Finalement, le procureur de Tenkodogo que le vieux Sorgho était revenu quelque temps après voir pour la suite, lui a signifié que l'ordre a été donné de classer le dossier sans suite. Il lui a indiqué que le procureur général en a décidé ainsi. Pour ma part, j'ai été menacé de mort par le maire lors de la campagne des législatives de 2007. Mon dossier a atterri à la Cour de cassation et est en passe d'être jugé, je crois bien.

Toutefois, j'ai peur que les choses n'aboutissent pas, surtout que nous avons appris que même de grandes personnalités politiques et administratives de notre pays ne croient pas qu'une affaire impliquant le maire puisse aboutir. D'une part, j'ai peur que mon dossier soit enterré, et d'autre part qu'il ne m'arrive le pire. L'avocat du vieux nous a dit que le procureur général à Ouagadougou lui a laissé entendre que le dossier sera laissé sans suite. Il est temps pour nous que nous lancions un appel aux plus hautes autorités judiciaires afin que nos dossiers soient examinés. Nous ne sommes contre personne mais demandons simplement que le droit soit dit.

 

Comment expliquez-vous cette bagarre entre le maire et le vieux Sorgho ?

 

Depuis le mois d'octobre 2006, le vieux Sorgho lui-même ne comprend pas ce qui lui est arrivé. Il ignore jusqu'ici les raisons de cette bagarre. Il passait sur une voie située à une centaine de mètres de la cour du maire qui est également le chef de Bittou. C'est ainsi qu'un petit frère du maire l'a salué puisqu'il est un neveu du vieux Sorgho. Ils se sont arrêtés et échangeaient tranquillement quand le maire est sorti pour lui demander en des termes injurieux ce qu'il faisait avec le vieux. Le vieux Sorgho répliqua qu'un chef ne devait pas tenir de tels propos. Sans attendre une seconde, il s'est mis à le frapper, le gifler avant de le terrasser. Les gens ont eu peur de les séparer parce que c'est une affaire de leur chef. Seul un ministre du chef a pu les séparer. Le vieux Sorgho s'est relevé avec des blessures et est allé à la gendarmerie pour déposer une plainte. Les gendarmes lui ont demandé de saisir le procureur, seul habilité à statuer sur une telle affaire impliquant un officier de police judiciaire. L'affaire a suivi son cours avant que l'on n'indique au vieux Sorgho que le maire reconnaît son erreur. C'est ainsi que le maire lui a fait des propositions en argent. Le plaignant a répondu qu'il revenait aux membres de sa famille qui ont pris en charge ses frais médicaux de décider de la suite. Il a en outre demandé au maire d'aller présenter ses excuses à la famille. Ce qu'il a refusé tout net. Le vieux Sorgho a estimé qu'il n'était pas question d'argent.

 

Les deux individus s'entendaient-ils bien auparavant ?

 

Le vieux ne reconnaît pas avoir eu des couacs avec le maire de par le passé. Seulement, tout le monde sait très bien à Bittou que le maire n'est pas facile. Il a agressé, frappé des ressortissants qui sont restés impuissants face à ses agissements. Pendant la campagne des dernières législatives, il s'est mal illustré par des sorties qui ont marqué nos esprits.

 

N'est-ce pas là un règlement de comptes politiques ?

 

A notre connaissance non. La bastonnade ne s'est pas passée dans le cadre d'une activité politique. Cet incident, à notre avis, n'a rien à voir avec les activités politiques qui ont eu lieu dans notre ville. Seulement dans mon cas et en tant que candidat de l'UNIR/MS aux législatives, le maire me reprochait de l'avoir insulté sur les médias alors que j'avais simplement dit qu'une seule personne ne peut être à la fois le chef coutumier et le maire d'une localité et vouloir être également un député. Cela faussait, selon moi, le jeu démocratique. Nos militants sont depuis lors très intimidés à Bittou et ne peuvent pas s'exprimer librement. Aujourd'hui, aucun autre parti politique en dehors du CDP ne peut y mener librement ses activités. Tous ceux qui ont essayé ont été empêchés. Bittou, c'est la chasse-gardée du maire.

 

Entretien réalisé par Philippe BAMA

Le Pays du 26 févier 2008

 

Abdoul Karim Zampaligré (maire de Bittou)

"C'est une violation de domicile"

 

Que répondez-vous aux faits qui vous sont reprochés ?

 

Abdoul Karim Zampaligré : Monsieur Sorgho prétend qu'il a été agressé. Au contraire c'est lui qui m'a agressé puisqu'il est venu chez moi raconter des bêtises. C'était en octobre 2006. J'ai répondu à ses bêtises et on s'est battu.

 

Que vous a-t-il dit exactement ?

 

Il m'a dit ce jour que je ne me respectais pas en tant que chef de Bittou. Il est un militant de l'UNDD et je me demande si cela n'était pas dû à son bord politique. Lui et ses camarades de parti ont toujours mené des campagnes contre notre parti, le CDP. Je ne connais pas chez lui ; seulement j'interviens dans son secteur pour régler des problèmes quand l'on me fait appel. Pour les faits, il s'entretenait ce jour avec mon petit frère quand je l'ai aperçu. J'ai demandé à mon petit frère pourquoi il s'entretenait avec ce type dont les camarades de parti passent tout leur temps à nous insulter. Il a répondu que je ne me respectais pas. Je n'en revenais pas que quelqu'un vienne chez moi pour me proférer des injures. Il avait dépassé les bornes. C'est ainsi qu'on s'est bagarré. Un chef qui était à côté nous a séparés et monsieur Sorgho s'en est allé.

 

Avant cette bagarre aviez-vous des problèmes de cohabitation avec monsieur Sorgho ?

 

Non, je ne pense pas. Je vous ai dit que quand il avait des problèmes dans son secteur, c'est moi qui les réglais. Je lui rendais service.

 

Donc vous vous entendiez bien ...

 

Sur le plan social on s'entendait bien. Pendant les campagnes politiques, les militants de son parti nous attaquent et nous insultent. Mais j'ai toujours estimé que ce sont des propos de campagnes politiques.

 

En tant que maire et chef de Bittou, ne trouvez-vous pas excessif d'avoir engagé la bagarre avec lui ?

 

Il est venu chez moi à domicile et non à la mairie. C'est une violation de domicile. Et non content de cela, il m'a insulté. Ce n'est pas logique.

 

Vous auriez pu faire appel à d'autres personnes pour régler le problème ...

 

Savez-vous comment tout ça s'est passé ? C'est lui qui a été le premier à porter la main sur moi. Les témoins sont là et peuvent vous relater les faits.

 

Il vous est reproché d'être agressif. Que répondez-vous ?

 

S'agissant de monsieur Balima, l'affaire remonte aux dernières législatives. Lors d'un meeting de l'UNDD, il m'est revenu que des militants ont passé tout le temps à nous insulter. Je n'ai rien trouvé à redire puisque c'était la campagne et chacun était libre de dire ce qu'il voulait. J'ai pu suivre ces propos au journal de la télévision nationale. Le candidat de l'UNDD, du nom de Martin Bambara, un fils de Bittou que je connais très bien, a martelé que j'agresse les gens. Après ce dernier, j'ai entendu pire de la part d'un monsieur vêtu d'un tee-shirt de l'UNIR/MS. Renseignements pris, c'était un fils de Bittou, du nom de Issa Balima.

Je ne comprenais pas qu'il profite d'un meeting de l'UNDD pour m'insulter. J'ai donc fait appel aux membres de l'association des ressortissants de Bittou à Ouagadougou pour leur expliquer les propos de ce jeune à mon endroit. Je ne suis pas agressif, autrement je me serais conduit autrement. En quoi ma démarche est-elle agressive ?

 

La justice vous a-t-elle entendu suite aux plaintes ?

 

Suite aux plaintes je me suis présenté à la gendarmerie où j'ai tout expliqué. Les procès-verbaux ont dû être transmis à qui de droit. Seulement, un jour, le procureur de Tenkodogo m'a informé que le dossier de monsieur Sorgho a été renvoyé à son niveau et que l'on nous demande de régler l'affaire à l'amiable. Il nous a convoqués ensuite. Lorsque le procureur lui a demandé s'il reconnaissait avoir porté plainte contre moi pour coups et blessures, il a répondu par l'affirmative. Il a ainsi dit au procureur qu'il voulait savoir pourquoi moi je l'ai frappé. J'ai expliqué au procureur qu'on s'est frappé parce qu'il est venu chez moi et m'a insulté. Cela n'a rien à voir avec son bord politique. Le procureur lui a ensuite demandé s'il voulait que je lui présente mes excuses, payer ses ordonnances ou s'il souhaitait poursuivre l'affaire. Il avait donc le choix entre les trois propositions. Monsieur Sorgho a laissé entendre qu'il ne pouvait pas répondre sur le champ et avait besoin de temps de réflexion. Une semaine après, quand nous sommes repartis voir le procureur, il a dit qu'après la bagarre, il a eu des blessures et les frais médicaux ont été pris en charge par Sa Majesté, le Naaba Saga de Tenkodogo. Il aimerait donc que j'aille présenter mes excuses à Sa Majesté avant qu'il n'accepte tout compromis. Le procureur lui a fait comprendre qu'en matière de justice il a seulement deux interlocuteurs, que nous sommes, dans cette affaire. Sorgho a insisté pour que j'aille voir Sa Majesté. J'ai dit au procureur que je n'irais jamais présenter mes excuses à Naaba Saga qui est un oncle à monsieur Sorgho. C'est ainsi que nous nous sommes quittés sans trouver un terrain d'entente.

 

Vous auriez proposé la somme d'un million de F CFA à monsieur Sorgho afin qu'il retire sa plainte...


Qui a dit ça ? C'est faux. Quelqu'un qui vient m'agresser chez moi, on se frappe et je vais le dédommager ? Je vous précise qu'il ne s'est pas blessé suite à la bagarre. Après notre bagarre, en voulant traverser le goudron, il a eu un accident. La mobylette de l'autre accidenté est restée sur le bitume pendant des heures, puisqu'il n'y a pas eu de constat. J'ai informé son frère de ce qui était arrivé, je veux parler de notre bagarre. Ce dernier m'a confirmé qu'une mobylette l'avait cogné. J'ai conclu que les ancêtres ne sont pas contents de lui.

 

Auriez-vous tout de même accepté de prendre en charge ses frais médicaux par pure solidarité ?

 

S'il avait accepté l'une des propositions du procureur qui concernait les frais médicaux, j'aurais pu lui venir en aide parce que je suis avant tout le chef de Bittou. Je peux faire de même pour tous mes sujets.

 

Est-ce vous diminuer que de présenter des excuses à Sa Majesté Naaba Saga ?

 

Non. De toutes les façons, il est mon chef supérieur mais ce problème ne le concerne pas. C'est l'un de mes sujets qui a des problèmes avec moi. Si Sa Majesté qui est un parent de Sorgho, voulait comprendre, il aurait pu envoyer des émissaires pour me rencontrer. Quand il y a du feu qui brûle dans sa localité, il doit chercher par tous les moyens à l'éteindre. Pourquoi chercher forcément des causes politiques à toute affaire ? Ce serait créer des ennuis à ses sujets inutilement.

 

Il semble que vous avez la protection d'un cadre CDP de votre région, faisant de vous un intouchable...

 

Ça veut dire quoi tout ça ? Ce sont des histoires que les gens racontent. Je suis un responsable politique et il me revient de rendre compte aux leaders de mon parti s'ils me le demandent. Je n'ai jamais tenté de noyer ce dossier comme certains peuvent le penser.

 

Ne regrettez-vous pas malgré tout d'en être arrivé aux mains avec monsieur Sorgho ?

 

Regretter parce que je l'ai frappé ? Non, je ne regrette rien. Jusqu'à demain s'il vient me provoquer chez moi, je ne le laisserai pas tranquille.

 

Quelle est l'ambiance actuelle entre vous et monsieur Sorgho ?

 

J'ai rencontré Sorgho chez le procureur en décembre 2007. De toutes les façons, il habite au secteur 4. Nos chemins ne se croisent pas. Si je le rencontre, il n'y aura rien. C'était une petite bagarre, que j'ai déjà oubliée.

 

Des personnes à Bittou ont-elles tenté de vous réconcilier sous l'arbre à palabre ?

 

Lors des législatives passées j'ai demandé à des personnes ressources de convoquer tous les Sorgho vivant à Bittou afin que nous fassions la paix. Ils ne sont pas venus. J'ai des témoins. Pour eux, ils ont une protection sûre, à savoir Sa Majesté Naaba Saga.

 

Avez-vous de bonnes relations avec Sa Majesté Naaba Saga ?

 

Depuis cette affaire on ne s'entend plus. Il estime que j'ai frappé son oncle et moi je lui ai répondu que son oncle est venu me provoquer chez moi à domicile. Et ce qu'il a oublié c'est que depuis 1997, il a été élu député et nous avons battu campagne pour lui. A l'époque, le même Sorgho, militant de l'UNDD, avait battu campagne contre Sa Majesté Naaba Tigré, le père de Naaba Saga. Aujourd'hui, parce qu'on s'est bagarré, après une provocation, tout change pour les liens familiaux qu'il a avec Sorgho

 

Ceux qui sont contre l'engagement politique des chefs coutumiers ont peut-être raison ...

 

Ces gens-là racontent des bobards. Le chef est avant tout un acteur politique puisqu'il administre des populations. Je ne vois pas pourquoi les chefs ne doivent pas faire la politique. Ce n'est pas seulement la politique qui divise les gens ; l'argent peut aussi diviser des personnes et il y a d'autres choses. Il ne faut pas se focaliser sur la politique.

 

La cohésion sociale peut-elle en pâtir à Bittou avec ces faits regrettables ?

 

Ici nous nous entendons très bien malgré nos différences au plan politique. Dans la province du Boulgou, Bittou est le département le plus stable aux plans social et politique. Nous avons des personnes de toutes origines qui s'entendent. Bittou donne le bon exemple. Je voudrais dire à tous que ce sont des politiciens verreux qui tentent de salir le nom du chef de Bittou. Je suis le chef et je suis prêt à pardonner à tous mes sujets. Mon épouse est une Sorgho. Ma mère et celle de Saïdou Sorgho sont des Kéré ; donc il y a des liens de parenté entre nous. C'est la politique qui est entrée dans le jeu.

 



26/02/2008
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