L'Heure du Temps (Blog d'Information sur le Burkina Faso)

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"Blaise était en Libye le 1er septembre 1987"

Mousbila Sankara (ancien ambassadeur du Burkina en libye)
"Blaise était en Libye le 1er septembre 1987"

 

J'étais à l'Assemblée Générale de l'ONU à New-York quand j'ai appris qu'il y a eu un coup d'Etat à Ouagadougou. Par la suite, il y a eu des précisions qu'une dizaine de nos camarades avaient trouvé la mort parmi lesquels le Président Thomas Sankara. A partir de ce moment, j'ai rejoint Tripoli, et cherché à joindre des camarades qui étaient au Burkina afin de mieux comprendre. J'ai joint particulièrement Blaise Compaoré et bien d'autres. Blaise m'a assuré qu'il ne contrôlait pas la situation. Il a ajouté qu'il n'en était pas l'auteur et qu'il était dans une situation qui ne pouvait pas lui permettre de m'éclairer. Lui-même a souhaité que j'attende avant de rentrer pour qu'il soit fixé. A partir de cet instant, j'ai cru qu'il était en difficulté. Dans la logique, j'ai travaillé à le consolider jusqu'à ce qu'il fasse sa déclaration où il assumait le putsch. C'était en contradiction avec tout ce qu'on avait comme rapport. Voila pourquoi j'ai démissionné. Je ne me retrouvais plus dans tout ce qui était en train d'être fait. Je ne pouvais pas concevoir que les principaux acteurs de la Révolution en viennent à renier tout ce qu'on a fait au point de devenir méconnaissables.

 

                   Mousbila Sankara

 

Parmi les principaux acteurs de la Révolution, celui que j'ai vu le dernier, c'est Blaise Compaoré. Il est venu à Tripoli représenter le Burkina à la fête du 1er septembre (ndlr c'est leur fête nationale). Après les cérémonies officielles, nous avons échangé. Il m'a dit : " Des gens cherchent à travers des tracts à nous opposer. On rédige des tracts en mon nom. On en rédige au nom de Thomas Sankara. Mais heureusement, nous-nous sommes connus bien avant. Chaque fois qu'on a l'information, on se la passe et ça nous fait rire. Mais on va chercher une occasion. Je l'ai déjà évoqué en mooré lors d'une manifestation dans la zone de Boussé ". Il m'a raconté ce qu'il a dit en mooré à Boussé : " des gens disent que Blaise n'aime pas Thomas ou c'est Thomas ou Henri Zongo qui n'aime pas Blaise. Ces gens-là, s'ils ne se méfient pas, on se liguera pour les attraper la gorge ". Je lui ai dit seulement qu'il conviendrait qu'ils trouvent un moyen pour mettre fin à cela, parce que s'il y a des tracts, on ne sait pas à quel dessein. Notre entretien a eu lieu en septembre.

Après le 15 Octobre, j'ai envoyé ma lettre de démission à Blaise. Comme, il n'y avait pas de réaction, j'ai pris l'avion pour Ouaga. Arrivé, je suis allé au ministère des Affaires étrangères pour la passation de service. Des jours après, la gendarmerie m'a arrêté. Je n'étais pas seul. On était nombreux. C'est quand on m'a conduit dans une salle dite salle Bassolé que j'ai vu les autres camarades. Dans un premier temps, il n'y a rien eu. N'étant même pas au pays au moment du coup d'Etat et n'ayant rien fait, je n'ai pas été épargné. Qu'est ce qu'ils cherchait en nous torturant? Rien, puisque je ne savais rien. Les tortures, il faut les vivre. C'est indescriptible et affligeant. Je suis resté en prison jusqu'en août 1989. On nous a libérés le 4 août et en décembre 1989, on est encore revenu m'arrêter. On m'a conduit au Conseil de l'Entente. Là-bas aussi, j'ai subit des tortures. J'y suis resté jusqu'à ce que Halidou Ouédraogo et feu Aimé Nikiéma du MBDHP soient venus nous rendre visite avec un juge. On a parlé de notre condition de détention. Mais après leur passage, la torture ne s'est pas arrêtée. Je leur ai dit que si c'était Thomas qui avait tué Blaise, dans les conditions qu'on connaît, il y a de fortes possibilités que moi-même je le tue. Parce que je sais qu'il n'allait pas se méfier de moi. Il allait vouloir m'expliquer et je l'aurais poignardé. Parce que pour moi, ce n'est pas parce que c'est Thomas. C'est parce que je n'arrivais plus à reconnaître ceux qui sont en face de moi alors qu'il n'y a pas longtemps, je pouvais mourir pour eux. C'est une réaction de personne normale, primaire devant une situation de surprise et de déception. Si je n'ai pas été en exil, c'est tout simplement parce que je ne me voyais pas en train de vilipender Blaise alors qu'avant, je l'encensais. C'est pour éviter cette contradiction que je suis rentré avec tous le risques possibles.

 

Propos recueillis par Merneptah Noufou Zougmoré

L’Evénement spécial 15-Octobre



23/10/2007
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