L'Heure du Temps (Blog d'Information sur le Burkina Faso)

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Célébration du 15-Octobre : L’incurie du pouvoir et les torts des sankaristes

Célébration du 15-Octobre

L’incurie du pouvoir et les torts des sankaristes

 

Le 15 octobre prochain, le Burkina vivra le 20e anniversaire de la mort du chef de la Révolution démocratique et populaire, Thomas Isidore Noël Sankara. Pour les sankaristes, l’événement c’est la synonymie avec la mort de leur idole. Pour les partisans du pouvoir, c’est l’expression de l’arrivée de leur patron au pouvoir ou pour faire plus soft, le début du processus de démocratisation. Ainsi, au sein d’un même pays, d’une même nation, il y a une interprétation dichotomique de cette étape, de ses péripéties historiques.

 

En soi, ce n’est pas une mauvaise chose dans la mesure où cela peut être interprété comme la preuve de l’existence de la liberté d’opinion au Burkina Faso. Il est vrai que plus on possède une chose, plus elle se déprécie, car moins on la remarque  et plus on a tendance à la négliger. D’un autre côté, le fait que ce n’est pas mauvais en soi est dû aux débats que cette date suscite ; lesquels débats contribuent à éclairer l’opinion sur certains aspects de la crise et ses conséquences qui ont fini par emporter le Conseil national de la révolution (CNR) sans oublier que, dans la foulée, le niveau de compréhension du citoyen ordinaire de la chose politique prend de l’altitude.

Cela étant, on ne peut tout de même pas s’empêcher de regretter qu’une expérience aussi merveilleuse que la RDP se soit terminée en queue de poisson par la faute de ses propres acteurs avec en prime un carnage. Nous disons bien une expérience merveilleuse en dépit du lourd bilan humain des quatre années de révolution car notre appréciation s’appesantit sur les plans social et économique en dépit du fait qu’on ne peut point faire un distinguo net entre les sphères politiques et éthiques d’une part et les domaines socioéconomiques de la collectivité.

 

Chiens de faïence pourtant crocodiles d’une même mare 

 

Aujourd’hui, vainqueurs et vaincus du 15 octobre 1987 sont plus que jamais à couteaux tirés ; les premiers considérés comme des bourreaux et les seconds des victimes innocentes du dénouement sanglant. Une telle perception est manichéiste 

Ce qu’il convient de qualifier aujourd’hui de tragédie a été la résultante malheureuse et le dénouement regrettable d’une crise d’abord latente et ensuite ouverte qui opposait les groupes communistes et/ou les tendances de ces groupes. Ils avaient pour noms :

- Union des luttes communistes reconstruite (ULC-R)  sous l’instigation de laquelle le Parti africain pour l’indépendance (PAI) avait été violemment et avec ingratitude débarqué du navire révolutionnaire  ;

- Union des communistes burkinabè (UCB) - ‘’avant-garde’’ du mouvement dit de rectification synonyme de victoire (?) sur l’ULC-R ;

-  Groupe communiste burkinabè (GCB) - formé par d’anciens militants du PCRV favorables à la Révolution démocratique et populaire.

Parfois, il s’agissait de pinailleries idéologiques, quelquefois de problèmes de personnes et souvent, de luttes pour le contrôle exclusif de l’appareil d’Etat. Ces luttes se sont d’autant plus exacerbées qu’il y a peu ou pas du tout d’institutions et de textes dignes de ce nom à même de réguler et de résoudre les contradictions qui naissent nécessairement des relations interactionnelles entre les individus. Dans cette compétition qui était devenue une lutte à mort entre deux camps ennemis, un devait nécessairement l’emporter. Si ce n’était pas celui de Blaise Compaoré, c’aurait été celui de T. Sankara.

Les contingences de la vie ont fait que c’est le premier qui s’en est sorti vivant. Résultat : ce sont les crocodiles d’une même mare qui se regardent en chiens de faïence alors qu’hier, ils ont cassé ensemble du contre-révolutionnaire, du réactionnaire et du féodal.

 

L’incurie du pouvoir

 

En réalité, ni les sankaristes, ni le pouvoir ne peut être dispensé de la critique.

Sans passion aucune, il faut dire avec force que si le pouvoir a eu l’intelligence politique de mettre en œuvre un certain nombre de recommandations faites par le Collège de sages, certaines pourtant capitales demeurent consignées dans le rapport ou n’ont pas connu une exécution digne de ce nom. Sont de celles-la :

· la pratique d’une meilleure gestion des ressources humaines et des compétences notamment dans l’administration, l’armée et la justice par le respect de la hiérarchie, du mérite et du professionnalisme ;

· la restauration de la confiance des justiciables en restructurant en profondeur l’appareil judiciaire pour garantir son indépendance et son efficacité ;

·         l'érection d’un mémorial dans tous les chefs-lieux de province en l’honneur de tous les fils de la nation victimes de la violence en politique ;

· l’érection d’un monument national aux morts, à la mémoire de tous les soldats de notre nation tombés sur les champs d’honneur.

Ou c’est de l’incurie c’est-à-dire de la négligence parce que la tempête est derrière nous (malheureusement, la mousson, elle, n’est pas passée), ou c’est de l’amnésie. Ces deux explications sont aussi infirmes l’une que l’autre. Nous n’avons pas l’intention de croire que la mise en œuvre totale de ces recommandations aurait changé quelque chose dans la détermination des sankaristes à célébrer la mémoire de leur héros mais elle aurait eu l’avantage de départager au sein de l’opinion le pouvoir et ceux qui arguent qu’il ne tient pas parole.

 

Les torts des sankaristes

 

Quant aux sankaristes, ils font bien de chercher à théoriser la conception et la pratique du pouvoir de T. Sankara. Sinon, le sankarisme sera de plus en plus perçu comme une stratégie de conquête du pouvoir dirigée contre un seul homme, Blaise Compaoré. Soumane Touré l’a dit et répété et ç’a vraiment du sens. On ne construit pas une doctrine et  une idéologie politique sur la base de l’aversion contre un individu. En outre, quand les porte-flambeaux de cette aversion sont parfois des personnes qui n’ont pas vécu eux-mêmes les évènements, il y a lieu de redimensionner modestement certains discours non pas pour faire plaisir à leur ennemi juré mais pour eux-mêmes. La meilleure des victoires que nous pouvons remporter et en être légitimement fiers, c’est sur nous-mêmes.

C’est humain de prendre le parti du mort ; c’est également humain d’avoir un penchant pour le plus faible ou le supposé tel (sinon ce serait la loi de la jungle) ; c’est enfin humain de ne dire que du bien des morts. Cependant, peut-être n’est-il pas opportun de le faire au point de nier aux vivants tout mérite et toute humanité tout en sachant que tout individu est avant tout l’individu d’un système avant que ce dernier ne soit  celui de l’individu.

 

Zoodnoma Kafando

L’Observateur Paalga du 19 septembre 2007

 



19/09/2007
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