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Chefferie traditionnelle et politique : Les Ouagalais partagés sur la question

Chefferie traditionnelle et politique

Les Ouagalais partagés sur la question

Les chefs traditionnels doivent-ils faire la politique ? Depuis quelque temps, la question suscite des réactions dans la presse. Nous avons tendu notre micro à quelques Ouagalais le mercredi 20 juin dernier. Le débat a encore de beaux jours devant lui...

Jean Nikièma (commerçant) : "Je suis entièrement d'accord pour qu'ils fassent la politique. Le monde est aujourd'hui géré par les hommes politiques. Un chef traditionnel doit apporter sa pierre au développement de sa localité, tout comme le député. Parlant de division des populations, je pense que la désignation d'un chef est forcément source de mécontentement au niveau des prétendants au poste et dont les candidatures sont examinées par le Mogho Naaba. Il y a certes des inconvénients au fait qu'un chef fasse la politique, mais il ne faut pas occulter les avantages."

Richard Nassa (économiste) : "La chefferie traditionnelle ne doit pas pratiquer ce que j'appelle la politique politicienne. Les chefs traditionnels incarnent nos valeurs coutumières et devraient se mettre à l'écart du débat politique. Les chefs peuvent désigner des personnes ressources devant les représenter en politique. Ailleurs, des chefs ont été élus à des postes politiques mais on n'est pas obligé d'être forcément à l'Assemblée nationale, par exemple, avant d'estimer que l'on contribue au développement de sa localité."

Sidiki Baba (agriculteur) : "Un chef coutumier peut individuellement faire la politique, comme tout citoyen. Mais il ne doit se fonder sur son autorité de chef pour la faire étant donné que chacun de ses sujets peut avoir son bord politique. C'est vous dire que le chef coutumier doit éviter de faire aligner les populations de sa localité derrière un parti politique donné en échange de certains avantages. Il ne faut pas confondre notre époque à la période coloniale où le chef répondait au nom du colonisateur blanc. Les chefs engagés dans la politique ne répondent qu'aux injonctions de leur formation politique, et cela est regrettable, voire dangereux. A propos du Ghana, le Pr Augustin Loada disait que les chefs traditionnels ne font pas de la politique mais obéissent aux règles sociales prévues par la Constitution sans prendre position. Un chef coutumier élu à l'Assemblée nationale peut voter des lois contraires aux avis de la grande partie de ses populations."

Félicité Kaboré (gérante de kiosque) : "Un chef traditionnel doit conserver son statut de dépositaire de nos valeurs ancestrales. Il ne doit influencer personne de par ses options politiques au risque de diviser ses populations. Un chef doit être impartial et la politique contribue à fragiliser la cohésion sociale. On a vu des chefs qui ont été tutoyés parce qu'ils avaient perdu leur autorité, du fait de leur engagement politique. Je dis que les chefs doivent comprendre qu'ils ne sont pas obligés de s'afficher politiquement. Car c'est ainsi que certains se sont fait appeler par leur nom alors que cela n'est pas autorisé dans la chefferie traditionnelle."

Walib Bara (administrateur culturel) :  "D'une part, c'est normal et il est un devoir pour eux de participer au développement de leur cité par le choix des leaders politiques, et d'autre part ils ne doivent pas se servir de leur titre pour influencer le choix de leurs populations en période électorale. Les chefs gagneraient à faire la différence entre leur personne et le titre que la coutume leur confère. C'est ainsi qu'ils arriveront à faire oeuvre utile par leur présence sur la scène politique, à éviter des frustrations au sein des populations."

Gérard Tapsoba (vendeur de portables) :  "Il faut distinguer la politique de la tradition. Ce n'est pas normal que les chefs traditionnels s'engagent dans la politique. On les a choisis pour s'occuper uniquement des questions traditionnelles, même si ce sont des citoyens comme tout le monde. Il faut donc qu'ils respectent le choix des populations."

Mathias Ouédraogo, (vendeur de portables) : Les chefs traditionnels ne doivent pas faire de la politique parce qu'ils perdent ainsi le respect qu'on leur doit. La politique sous nos cieux est souvent faite de mensonges, de malhonnêteté et de crocs-en -jambes. S'ils s'intègrent ce milieu, c'est mauvais parce qu'ils sont censés être les garants de nos valeurs morales et pouvoir rappeler à l'ordre ceux qui s'écartent du droit chemin."

Sibiri Paul Naby (conseiller fiscal) : "S'ils veulent faire la politique, qu'ils déposent leurs bonnets. Les chefs traditionnels ont en général des populations qui leur font allégeance. S'ils appartiennent à un parti politique, il n'y aura plus d'objectivité dans la gestion des affaires traditionnelles. C'est vrai , ce sont des citoyens comme tout le monde. Mais, ils ont une fonction qui les empêche de se comporter comme tout le monde."

Harouna Barry (chauffeur) : "Les chefs coutumiers ont leur place dans la politique. Ce sont des Burkinabè comme vous et moi. Je ne vois pas pourquoi on devrait leur interdire de faire de la politique ! Les en empêcher. Aujourd'hui, je ne crois pas que les populations se laissent encore influencer ou mobiliser aussi facilement parce que c'est un chef traditionnel qui parle. Ils ont leur mot à dire dans le développement du Burkina, donc il ne faut pas les écarter de la politique."

Jocelyne Congo (commerçante) :  "Je vois très mal les chefs traditionnels dans la politique. Ils doivent être respectés. Or dans la politique, cela n'est plus de mise à cause des rivalités. Je pense qu'ils seront utiles dans d'autres domaines du développement où leur avis compte beaucoup."

Propos recueillis par Philippe BAMA et Dayang-ne-Wendé P. SILGA

Le Pays du 25 juin 2007



25/06/2007
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