L'Heure du Temps (Blog d'Information sur le Burkina Faso)

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Clément Sawadogo : "Le processus est sur une bonne voie"

Clément Sawadogo

"Le processus est sur une bonne voie"

Dans l'interview qui suit, Clément Sawadogo, ministre de l'Administration territoriale et de la décentralisation, donne son appréciation de la mise en oeuvre de la politique de décentralisation au Burkina Faso. Selon lui, tout se passe comme prévu, en dépit de quelques problèmes, rencontrés çà et là.

Qu'entend le ministre en charge de la décentralisation ?

La décentralisation, c'est un processus visant à conférer aux populations de base la possibilité de gérer par elles-mêmes les affaires propres de leur cité. Ce qui veut dire concrètement qu'il s'agit, par un processus électif, de leur permettre de désigner leur représentant par le suffrage universel direct. Elles le placeront à la tête d'un organisme qui s'appelle la commune. Ces représentants vont travailler à atteindre les objectifs de développement de la localité et d'épanouissement de ces populations. Ce qu'il faut retenir dans la décentralisation, c'est que c'est une population de base, une communauté qui prend en main son destin et qui travaille pour son auto promotion, pour un développement auto-centré en développant des potentialités locales essentielles.

Avec les municipales de 2006, on peut dire que le processus de décentralisation a amorcé un tournant décisif. Aujourd'hui, quelle est votre appréciation de la mise en oeuvre de cette décentralisation ?

Pour un processus de fond comme la décentralisation, il y a bien sûr le démarrage, il y a la phase de maturité. Et aujourd'hui, on ne peut pas dire qu'on a atteint la phase de maturité. Nous sommes toujours à la phase de démarrage. Le démarrage, à mon avis, s'opère comme nous l'avons prévu. A savoir dans un premier temps, la mise en place de toutes les communes, sans grand heurt, pour qu'elles aient leurs organes électifs, donc leurs bureaux, leurs maires, leurs maires adjoints, présidents de commission, et pour que les conseils municipaux tiennent les sessions régulièrement. Mais il n'y a pas que cela. Si les conseils fonctionnent, pour fonctionner, cela n'a pas de sens. Il faut nécessairement qu'ils se dotent de premiers instruments que sont le budget et le plan communal de développement. C'est la mise en oeuvre du plan communal de développement qui permet d'atteindre les objectifs économiques et sociaux. Mais, ce plan communal ne pourra se réaliser sans le budget qui est un instrument important. Alors aujourd'hui, je puis vous dire que toutes les communes du Burkina, urbaines comme rurales, sont dotées de leur budget. Ce n'est pas si évident en si peu de temps parce que nous connaissons des pays où on a créé les communes, même avant nous, qui sont sans budget jusqu'aujourd'hui. Depuis près de 10 ans, certaines n'ont pas pu mettre en place un budget normal.

Hormis l'apport de l'Etat, comment est-ce que les nouvelles communes feront pour disposer d'un budget conséquent pour fonctionner ?

Ces communes n'existaient pas mais, avant elles, il y avait les départements. Les départements existent toujours concomitamment. Mais avant la commune, les préfets de département organisaient une collecte de recettes. Tous les actes qui donnent lieu à des prestations rémunérées. Les mises en fourrière, les taxes d'abattage, les taxes sur les biens marchands, etc. Ces taxes, les préfets les faisaient percevoir déjà dans les marchés par des percepteurs. Donc, les communes reprennent pour leur compte ces anciennes perceptions mais en améliorant le dispositif par ajout d'un certain nombre de taxes qui sont votées par le conseil municipal, tout ce qui n'est pas du domaine de l'impôt parce que l'impôt relève de la loi, c'est-à-dire de l'Assemblée nationale qui les vote. Mais, les taxes pour les services rendus peuvent être prélevées par la municipalité, sans qu'on ait à recourir à une loi. Alors, ces taxes peuvent être perçues et sont donc des éléments essentiels du budget de la commune. L'Etat n'élabore pas le budget de la commune mais il contribue au budget de celle-ci, à travers deux types de dotations : une dotation globale de fonctionnement et une dotation globale d'équipement.

Quelle commune rurale est déjà fonctionnelle ?

Toutes les communes rurales fonctionnent au Burkina. Il n'y a pas une seule qui soit éteinte. Quant à savoir quelles sont les communes rurales qui excellent, là, je ne peux pas vous dire, au jour où nous sommes. Toutefois, un certain nombre de communes héritent d'un budget communal. Ces communes-là existaient avant ; pas sous une forme aussi formalisée. On les appelait les délégations spéciales communales et les préfets qui présidaient ces délégations étaient appelés PDS (Présidents de délégation spéciale). Ça veut dire que là où il y avait une délégation spéciale, il y avait déjà un budget communal. La commune fonctionnait déjà bien avec ses infrastructures, ses ressources, etc. Evidemment, les nouvelles communes rurales héritées de ces délégations anciennes spéciales fonctionnent plus vite et plus efficacement parce qu'elles n'avaient même plus besoin de concevoir leur budget, tout cela étaient déjà fait. Les recettes, il y en avait. C'était aussi les plus grands départements. Evidemment, ces communes marchent mieux que les communes qui n'étaient pas des délégations spéciales. Tout récemment, nous avons inauguré à l'intérieur du Burkina, le siège d'une commune réalisé par la commune elle-même, un centre populaire de loisirs et une maternité. Et cela n'était pas une délégation spéciale.

Il y a des communes qui ne peuvent pas du tout fonctionner. Il s'agit de localités où il est impossible de voir la moindre activité rémunératrice de revenus. Le deuxième exemple concerne la commune de Bané au Boulgou où il y a une crise au sein du conseil municipal, si bien que le maire est obligé de siéger dans un village voisin. Dans pareilles situations, est-ce que les choses peuvent aller ?

Vous avez pris deux exemples très pertinents. Et je me réjouis de constater l'intérêt que vous manifestez pour le fonctionnement de ces communes. Le premier cas concerne les communes économiquement faibles. Sachez que pour toutes les communes du Burkina, faibles ou moins faibles, l'Etat burkinabè a, cette année, positionné de l'argent pour leur budget directement. C'est ça que j'appelais tantôt dotation globale de fonctionnement et dotation globale d'équipement. La somme globale avoisine 7 milliards de F CFA pour la seule année 2007. Ces communes dont vous parlez ont dû recevoir au moins une dotation de 5 millions chacune, de l'Etat burkinabè. Pour un démarrage, je pense que c'est bon, aussi bien pour les petites questions d'équipement, d'installation, que pour des questions de fonctionnement. Maintenant, il revient à la commune de travailler à créer des richesses. Je sais que ce n'est pas forcément facile, mais quel que soit le lieu géographique où vous vous trouvez au Burkina Faso, on peut créer des richesses. Il faut développer le génie créateur. Alors, si la commune ne peut rien créer, elle n'a pas de sens. Il aurait donc valu mieux laisser l'Etat central continuer à gérer comme il peut. Je suis sûr qu'en vous donnant rendez-vous d'ici la fin du mandat, vous vous rendrez compte que ce ne sera pas la même chose qu'au départ. Prenons la commune urbaine de Kombissiri située à deux pas de Ouagadougou, qui est aujourd'hui une commune qui a beaucoup évolué. Quand on la créait au début, elle avait un budget de 10 millions. Au bout de 5 ans, ce budget était à plus de 100 millions. C'est une évolution, tout à fait naturelle. Mais, il revient aux acteurs de la commune de se battre. Dans le cas contraire, ça n'évoluera pas. Et c'est le but de la manoeuvre.

Le cas de Bané est un cas d'intérêts politiques antagoniques. Au niveau de Bané, il y a un blocage du conseil municipal. Nous sommes en train de traiter cette crise, après avoir constaté que tous nos efforts pour la dénouer sont restés vains. Les textes en la matière ne donnent pas toute la latitude à la tutelle que nous sommes de prendre, des décisions comme nous voulons parce que la commune est un organe complètement autonome. Le code électoral régit les dispositions pour la mise en place du conseil municipal, le choix du maire, etc. C'est donc la loi qui régit la légitimité des organes. Et une fois les organes installés, même en cas de crise, nous, même tutelle, devons suivre des règles, sinon nous ne pouvons pas aller redresser comme nous voulons. Si c'est dans une administration d'Etat, si ça ne marche pas, on peut démettre tout le monde et recomposer la direction. Mais là, nous ne pouvons pas. La loi a prévu cependant des mécanismes qui permettent de déverrouiller dans les cas de blocage. Et nous allons appliquer ces mécanismes. S'il faut réorganiser des élections nouvelles à Bané pour permettre à la population de choisir de nouveaux conseillers et composer une nouvelle majorité, nous le ferons. Si ce n'est pas nécessaire aussi, on économisera une élection. En tout cas, nous sommes en train de travailler là-dessus. Mais malgré ces dysfonctionnements, la commune est non seulement nécessaire, mais elle doit aussi marcher. Si ça ne marche pas, il faut qu'on trouve des solutions et ce sera le cas. Mais ces solutions n'iront pas toujours au rythme qu'on souhaite. C'est une nouvelle expérience et il faut accepter qu'il y ait quelques démarrages difficiles. C'est valable pour tout organisme humain.

Justement, comment est-ce que vous appréciez le comportement des acteurs politiques ? Est-ce que dans l'ensemble, leur comportement n'entame pas la bonne marche de la décentralisation ?

Jusque-là, on peut dire que le comportement des acteurs, des militants, des partis politiques est assez correct. C'est vrai que des élections donnent toujours lieu à des joutes et à des affrontements verbaux et quelquefois même physiques. Mais aujourd'hui, quand on fait le point des conseils municipaux, on se rend compte que dans une très large majorité des cas, ça marche bien. Ce qui veut dire que les uns et les autres ont compris qu'après les élections, il faut enterrer rapidement la hâche de guerre et se mettre au travail. Aujourd'hui, sur 351 communes, nous n'avons pas une dizaine de communes où il y a des problèmes politiques donnant lieu à des blocages ; donc, moi je pense que ça marche assez bien. Il y va aussi d'un travail de sensibilisation qui a été correctement mené et je pense que dans l'ensemble, beaucoup de gens ont compris.

Il y a des partenaires qui interviennent pour accompagner l'Etat dans la mise en oeuvre de la décentralisation. Qui sont ces partenaires et sur quoi leurs interventions portent-elles exactement ?

Effectivement, il y a plusieurs partenaires qui appuient la décentralisation et qui accompagnent les collectivités. Au risque d'en oublier et de susciter des frustrations, je ne voudrais pas citer. Mais il faut savoir qu'on peut quand même les cataloguer en plusieurs groupes. Il y a des partenaires qui vont directement sur le terrain, qui travaillent avec les communes et avec les régions. C'est le cas des partenaires allemands qui travaillent avec les communes du sud-ouest et avec des communes de l'est ainsi que du sahel. Ces partenaires ont choisi des zones d'intervention où ils font un travail remarquable, à travers des soutiens sur tous les plans. Un soutien au fonctionnement des communes en aidant même dans la formation des conseillers et des agents communaux. Un soutien substantiel sur des actions de développement. Même les sièges de mairies ont été financés par ces partenaires-là. Si vous allez à Gaoua, vous avez un bel édifice qui est la mairie et qui est le résultat d'un financement de la coopération allemande.

Est-ce dans ce registre qu'on doit loger la coopération suisse également qui, avec le processus Ecoloc, accompagne beaucoup le processus économique dans certaines localités ?

Absolument, vous avez parfaitement raison. Le processus Ecoloc, c'est un certain nombre de partenaires dont la coopération suisse, dont le Partenariat pour le développement municipal (PDM) ; il y a d'autres partenaires, telle la coopération danoise. Ils ont travaillé à appuyer certaines communes pour des études économiques, environnementales, sociologiques, sur la commune et son hinterland. Il y a une deuxième catégorie de partenaires qui appuient la décentralisation, globalement, et qui s'adressent au MATD pour que nous, nous puissions, avec eux, définir des projets en appui à la décentralisation. Au nombre de ces partenaires, on peut citer la Banque mondiale, la coopération allemande, la coopération danoise, la France, la Suisse, les Pays-Bas et bien d'autres partenaires bilatéraux et multilatéraux à des degrés divers. Cette catégorie de partenaires travaille intimement avec nous, nous aide dans les tâches d'encadrement, d'appui conseil, de formation, de renforcement des capacités, d'équipement pour rendre les organes communaux et régionaux opérationnels, etc. Pour cadrer toutes ces interventions, nous avons, au niveau du gouvernement, adopté un référentiel en matière d'intervention, d'appui aux collectivités, un document qui s'appelle le Cadre stratégique de mise en oeuvre de la décentralisation. C'est un dossier global dans lequel tous les intervenants, les objectifs, les axes d'intervention, le dispositif opérationnel, le suivi évaluation, tous ces aspects sont répertoriés, et qui permet un suivi périodique et une évaluation de l'ensemble, la marche d'ensemble du processus.

L'Etat vient de lancer la mise en place des Conseils villageois de développement, censés promouvoir le développement dans les villages. De quoi s'agit-il exactement ? Quel sera le rôle des CVD et quel sera le rapport CVD - conseil municipal ?

Les Conseils villageois de développement ont été créés conformément à la loi portant code général des collectivités territoriales. Un décret du gouvernement est venu préciser les conditions de formalisation de cette structure. Tous les villages du Burkina seront dotés d'un conseil villageois de développement. C'est une structure à l'échelle villageoise qui a pour vocation de travailler pour le développement économique et social de la population villageoise. Ce n'est donc pas une structure politique comme le conseil municipal par exemple ; c'est une structure à vocation purement économique qui a aussi la vocation de fédérer toutes les initiatives au niveau villageois et de servir de courroie unique de transmission des différents intervenants vers le village. Ceci étant, ces conseils villageois de développement n'ont pas encore été mis en place mais vont l'être bientôt ; nous nous sommes fixé pour délai, la fin octobre pour leur mise en place. Mais, c'est la commune qui chapeaute ces conseils, qui travaille à les mettre en place au niveau de chaque village. L'assemblée des villageois met en place le Conseil villageois de développement mais sous la supervision de la commune. La commune utilise aussi les conseils villageois de développement. Ce sont des instruments de développement de la commune au niveau villageois. Le conseil municipal qui en est le superviseur, veille à leur bon fonctionnement et évalue périodiquement leur action. Le conseil municipal met en oeuvre les moyens pour leur fonctionnement, veille à ce que leurs objectifs s'intègrent harmonieusement dans les objectifs de développement de la commune. C'est une relation très dynamique d'efficacité, d'opérationnalité qui est mise en oeuvre entre la commune et ces CVD.

Vous avez dit que les CVD étaient des structures à vocation purement économique. N'y a-t-il pas quelque chose à craindre dans la mise en place de ces structures, notamment l'ingérence du politique ? On a vécu l'expérience des Comités de défense de la Révolution (CDR) ainsi que des comités de vigilance dans les villages. N'y aura-t-il pas un jour une équivoque ? Est-ce que les acteurs des CVD seront suffisamment sensibilisés à leur mission ?

Les CDR, ce sont les CDR, les CVD, ce sont les CVD. Il n'y a rien de semblable entre les deux, sauf qu'il y a la lettre "C" qui est en commun. La vocation du CVD, comme je le disais, est essentiellement économique. Nous allons veiller à ce qu'il n'y ait aucune politisation autour de la mise en place de ces CVD-là. C'est vrai qu'à chaque fois que vous réunissez des gens pour mettre en place une structure, les connotations politiques peuvent toujours rejaillir à certains niveaux. Mais je pense qu'en fonction des objectifs de la mission, on peut faire en sorte que ces influences politiciennes soient neutralisées au maximum. Evidemment, cela suppose qu'avec les maires, nous puissions travailler à ce que tout le monde comprenne bien que ce ne sont pas des antennes du conseil municipal pour le contrôle politique des villages. Il y avait les Comités villageois de gestion de terroirs (CVGT) qui avaient fonctionné avec l'appui du Programme national de gestion des terroirs (PNGT). Le PNGT avait même positionné des fonds pour que des réalisations économiques et des infrastructures puissent être réalisées au niveau villageois par ces CVGT-là. En fait, le CVD est une inspiration du CVGT. Et le CVGT n'avait pas donné lieu à une politisation quelconque. C'est la même chose pour le CVD. Ce sont des objectifs purement économiques, sociaux. A un certain niveau bien sûr, du fait du rôle de certains hommes on peut lire quelques signes de politisation, mais on n'arrivera pas à ce que le contenu soit vidé. Nous avons pris une précaution supplémentaire en prévoyant dans le texte que les conseillers municipaux eux-mêmes ne puissent pas être membres de l'organe dirigeant du CVD. C'était pour éviter toute politisation parce qu'eux, ils sont désignés sur la base des partis politiques. S'ils se retrouvent tout de suite dirigeants des CVD, ce qui allait être le cas, si cette mesure n'avait pas été prise, le risque de politisation aurait été grand. Parce que le parti qui n'a pas eu de conseiller à l'élection, ses militants risquent d'être braqués contre le CVD en se disant que c'est une autre antenne du parti gagnant. Donc, pour éviter cela, nous avons pris cette précaution supplémentaire.

Il y a aussi l'association des régions du Burkina qui vient d'être créée. Quel sera l'apport de cette association dans la conduite de la décentralisation ?

C'est une association des régions du Burkina qui a été créée librement par les 13 régions collectivités du Burkina Faso. Leurs présidents se sont concertés et ont décidé de mettre en place cet organisme fédérateur afin de promouvoir une solidarité entre elles, afin de promouvoir aussi une dynamique interactive au niveau des régions. Ceci étant, ils ont convoqué un congrès constitutif qui a mis en place un organe dirigeant. Ce que nous attendons de cette association des régions qui, à l'image de l'Association des municipalités du Burkina Faso, c'est qu'elle travaille à renforcer les capacités et l'efficacité des régions, en développant l'unité d'action entre ces régions, l'échange d'expériences. Il n'y a pas que cela. On parlait tantôt du rôle des partenaires pour le développement des communes ; la même chose peut être transposée au niveau des régions. Des partenaires, nous attendons qu'ils puissent soutenir de la manière la plus dynamique possible les régions également, parce que la région, c'est un ensemble plus vaste qui a des vocations économiques prononcées. La région est encore un peu moins politique que la commune, elle est beaucoup plus économique. Et pour que les partenaires puissent aussi avoir une action concertée et coordonnée, il est bon que cette association prenne des initiatives pour aller vers ces partenaires, de sorte qu'il y ait une symbiose dynamique et efficace au niveau des relations entre les régions et les partenaires. En ce qui nous concerne, au niveau de l'Etat, il y a les rapports entre l'Etat et les régions. La mise en place de cette association facilite notre travail parce que désormais, nous avons un interlocuteur valable qui est là et qui peut répondre à tout moment au nom de toutes les régions, pour que nous puissions ensemble chercher des solutions aux problèmes qui se posent.

Tous les acteurs comprennent-ils leur rôle, en ce qui concerne la mise en oeuvre de la décentralisation ?

Il y a de sérieuses difficultés et cela est inhérent à tout démarrage. Cependant, nous ne surestimons pas ces difficultés parce que nous pensons qu'elles sont normales, elles étaient programmées et qu'il fallait qu'elles existent parce que c'est en surmontant les difficultés que les communes et les régions vont pouvoir devenir adultes. Le bébé qui, dès les premiers mois, se met à courir, doit faire peur. Il faut qu'il trottine, qu'il trébuche, qu'on le relève ou qu'il fasse l'effort de se relever lui-même jusqu'à ce que les os et les muscles se consolident et qu'il puisse un jour marcher normalement et courir. C'est pareil pour la décentralisation ; on ne peut pas demander aux communes d'offrir plus qu'elles ne peuvent offrir. On ne peut pas leur demander par exemple de faire preuve déjà de grandes dépenses, d'investir, de créer tout de suite des forages, de réaliser des barrages. Ça va être difficile. Peut-être, à l'intervalle d'une année donnée, elles pourront faire une ou deux infrastructures petites utiles par exemple, une infrastructure marchande, communautaire, utilitaire. Mais, elles ne pourront pas, dès la première année, faire de grandes réalisations. C'est impossible. Hors, tant que la commune ne le fera pas, il y a des gens qui diront que la commune n'a rien fait. Donc, il faut quand même respecter la règle de l'évolution humaine qui est que forcément on passe par le stade de l'apprentissage par les trébuchements, les balbutiements, les carences, les insuffisances de départ. Mais, nous sommes optimistes parce que nous avons vu les communes urbaines qui ont aussi suivi ce processus. Aujourd'hui, la plupart des communes urbaines ont quand même pu opérer leur envol et nous pensons que pour les communes rurales aussi, ce sera pareil. Même pour les ressources qui manquent, elles vont elles-mêmes en créer.

En ce qui concerne les nouvelles communes, comment comptez-vous gérer les éventuels problèmes liés au foncier qui sont transversaux à tous les problèmes que l'Etat rencontre ?

Oui, évidemment, le foncier fait l'objet actuellement de très nombreuses polémiques, de discussions, d'échanges. Tout récemment, il y a eu un forum national sur la sécurisation foncière qui a posé des problématiques importantes au niveau de la gestion du foncier rural spécifiquement. Vous avez vu tout récemment la publication du code de l'urbanisme et de la constitution. Vous avez un certain nombre de débat sur la Réforme agraire et foncière. Toutes ces questions sont en discussion ; il y a beaucoup de remises en question. Cela est tout à fait normal dans une société en construction, en développement. L'urbanisation aussi croît et dans sa croissance, elle pose des problèmes fonciers, en ville et en campagne. L'aménagement pose aussi des problèmes : les zones de pâturage, de culture, de foresterie, tout ça doit être organisé et l'aménagement du territoire chez nous n'est pas encore terminé. Il n'y a pas encore les textes qui les régissent partout. On a prévu qu'il faut faire des schémas d'aménagement du territoire mais ces schémas n 'existent pas partout. Même là où le schéma est fait théoriquement, il faut le mettre en application. Tout cela constitue un gros lot de difficultés autour de la gestion du foncier. Mais, elles ne constituent pas pour autant des entraves réelles au développement des communes et des régions parce qu'actuellement, les dispositifs juridiques que nous avons permettent de régler un certain nombre de problèmes déjà. Aujourd'hui, une commune urbaine ou même rurale peut organiser un lotissement. Ce qu'on n'a pas encore clairement indiqué, c'est comment se délimite le foncier communal au niveau rural. Ce sont des questions à l'ordre du jour et il y a des réflexions. Nous travaillons avec les différents ministères concernés à poser les bases d'une meilleure définition de tous ces aspects-là.

Par Lassina SANOU

Le Pays du 14 septembre 2007



13/09/2007
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