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Construction de la cité de l’ASECNA : Des commerçants déguerpis se cherchent

Construction de la cité de l’ASECNA

Des commerçants déguerpis se cherchent

Ambiance de déménagement général chez les commerçants installés sur le terrain de l'ASECNA, situé au secteur 16, juste après le rond-point de la Patte d'oie. Ce mercredi 3 octobre dernier, on s'affairait encore à récupérer le bois, les tôles, le fer des constructions, tout en maugréant. Le nouveau site situé à Tingandogo ne fait pas l'affaire des commerçants. Mais, il faut partir , avant le 5 octobre 2007, le dernier délai donné par l'ASECNA, qui veut ériger une cité pour les travailleurs.

"Celui qui dort sur la natte de l'autre , dort à terre." Les commerçants qui plient bagages aux abords du boulevard France-Afrique font aujourd'hui l'amère expérience de ce dicton populaire. Yassaya Ouédraogo, vendeur de pièces détachées, fait partie de ceux qui ont attendu la dernière minute pour partir. Ce mercredi 3 octobre 2007, il s'acharne, sous un soleil de plomb, à récupérer ce qui peut l'être dans les restes de sa boutique : tôles, fer à béton, bois. Il est aidé dans sa tâche par ses frères. "Je ne sais quoi faire. Je pouvais gagner 25 à 30 000 F CFA par jour. Qu'allons-nous devenir ?" se lamente-t-il. Ce dont il est sûr, c'est qu'il n'ira pas au nouveau site, situé après le cimetière de Tingandogo. "C'est trop loin de la ville, et il n'y a même pas d'électricité. Nous avons perdu nos clients pour de bon", affirme avec réalisme le jeune Yassaya, qui préfère ramener son matériel chez lui. Comme lui, de nombreux commerçants (vendeurs de bois, coiffeuses, menuisiers, tenanciers de quincaillerie, de restaurants et de maquis) sont touchés de plein fouet par cette situation. Mais, plusieurs d'entre eux ont préféré rester dans les environs pour ne pas perdre leur clientèle. Pour le copropriétaire du maquis "Croix du Sud", Ismaël Chablis, béninois de nationalité, ce qui leur arrive est carrément une injustice. "Ce n'est pas du tout gai. On est dans un pays où le pauvre n'a plus sa place..." se plaint-il, avec une voix qui dissimule mal sa colère. Ismaël Chablis explique que depuis 2005, il a investi près d'un million de F CFA. Aujourd'hui, il s'est attaché les services d'un menuisier , d'un maçon et d'un électricien pour déguerpir. Face à cette affaire qui devient un boulet à ses pieds, il a dû brader sur place les seccos, le bois, les tôles, le fer pour ne pas... mourir de faim.

"Le terrain appartient depuis 1959 à l'ASECNA"

Mais ces commerçants savaient-ils seulement où ils mettaient les pieds quand ils s'installaient sur les lieux ? Tout porte à croire qu'il n'y a pas d'injustice, comme le prétend le tenancier de maquis Ismaël Chablis. Selon le président de la Mutuelle des travailleurs de l'aéronautique du Burkina (MUTAB), Enok Kaboré, le terrain appartient depuis 1959 à l'ASECNA qui y avait implanté des équipements radioélectriques. Quelques années plus tard, la directrice générale de l'ASECNA a décidé de rétrocéder ce terrain à la MUTAB pour la construction d'une cité pour les travailleurs. En juillet 1999, intervient le lotissement, et en novembre 2002, l'ASECNA obtient l'arrêté d'attribution. En janvier 2003, après la notification des frais de permis d'exploitation par les Impôts, les travailleurs de l'ASECNA s'organisent pour régler l'ardoise. La construction des 20 premières villas démarre effectivement, et en novembre 2003, les bénéficiaires rentrent en possession de leurs biens. Trois ans plus tard, en 2006, selon toujours Enock Kaboré, 61 villas sont encore réalisées. La décision de déguerpissement des commerçants installés aux abords de l'avenue France-Afrique (juste après le rond- point de la Patte d'oie) est venue de la volonté de la MUTAB d'implanter 200 nouvelles villas. Un vaste chantier, s'il en est, qui a été confié à plusieurs entrepreneurs. Pour réussir ce projet, une première rencontre a été initiée le 19 juillet dernier entre l'ASECNA, la mairie de Boulmiougou, les conseillers du secteur 16 et les commerçants. Un premier délai est fixé au 20 août 2007 pour leur permettre de plier bagages. Le dialogue va se poursuivre entre les différentes parties, et l'ultimatum est repoussé au 20 septembre 2007. A la veille de cette date, les responsables du MUTAB se sont rendus sur les lieux et ont constaté que les commerçants étaient encore là et étaient loin de vouloir déguerpir... Ils implorent la clémence de leurs interlocuteurs en invoquant la rentrée scolaire et le carême musulman. La MUTAB accède à leur demande et fixe la date butoir au 5 octobre 2007. Pour Enock Kaboré, la MUTAB a essayé de comprendre les commerçants au risque même d'en supporter les conséquences. En effet, les entrepreneurs qui doivent implanter les villas sur l'espace encore occupé tournent les pouces. Ils seront donc mobilisés pendant 6 mois au moins (au lieu des 4 mois initialement prévus), et la facture sera certainement salée pour les travailleurs de l'ASECNA. Les bulldozers raseront-ils cette fois le marché anarchique ce vendredi 5 octobre 2007 ?

Le maire de Boulmiougou sur les lieux

Par un coup de chance, nous avons rencontré ce mercredi 3 octobre dernier, sur le site, le maire de Boulmiougou, Séraphine Ouédraogo. A l'entendre, de passage dans la zone, elle a voulu se rendre compte du déguerpissement des commerçants. Selon elle, la mairie a joué le rôle de médiateur entre eux et l'ASECNA. Ainsi, ce sont eux qui ont choisi le nouveau site de Tingandogo. Des propos confirmés sur place par le responsable des commerçants, Yacouba Sakandé. "Quand on s'installait, on nous avait conseillés de ne pas réaliser des constructions définitives. Aujourd'hui, ce qui nous arrive ne peut nous révolter parce qu'on était prévenus dès le début. Nous remercions le maire de Boulmiougou pour avoir permis notre recensement", confie-t-il. Cependant, un problème subsistera : c'est celui des commerçants qui, après l'incendie du marché Rood Woko, ont été réinstallés dans la même zone en profondeur. Séraphine Ouédraogo dit n'avoir pas eu connaissance de cette situation. Pire, ces commerçants ne pensaient pas être concernés par le déguerpisement. En tout cas, pour le premier responsable de la MUTAB, Enok Kaboré, il n'est plus question de tergiverser. Les travailleurs de l'ASECNA acceptent de concéder à ce dernier groupe de plus de 70 commerçants, jusqu'au 10 octobre pour déguerpir. A cette date, les bulldozers entreront en scène pour raser tout sur leur passage, pour qu'enfin la cité de la MUTAB voie le jour complètement.

Dayan-né-Wendé P. SILGA

Le Pays du 5 octobre 2007



05/10/2007
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