L'Heure du Temps (Blog d'Information sur le Burkina Faso)

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Côte d'Ivoire : Une roquette sur l’accord de Ouagadougou

Attentat manqué contre Guillaume Soro

Roquette sur l’accord de Ouagadougou

 

Guillaume Soro a échappé à un attentat. Il a ainsi frôlé  de justesse la mort sur la terre où est née son autorité. C’est-à-dire Bouaké, considérée jusque-là comme son bastion sécurisé, berceau de la rébellion déclenchée le 19 septembre 2002.

 

De retour d’un séjour à Abidjan, nous concluions, au terme d’une série d’articles sur la situation en Côte d’Ivoire, dans notre édition n° 6917 du vendredi 29 juin au dimanche 1er juillet 2007 : «Dans cette situation de ni paix ni guerre, les protagonistes de la crise sociopolitique sont capables  du meilleur, mais aussi, hélas, du pire». On ne croyait pas si bien dire dans cette livraison parue le jour même de la tentative d’assassinat.

9H30 ce vendredi 29 juin. Le Premier ministre Guillaume Kigbafori Soro, accompagné de quelques membres de son cabinet et de journalistes, embarque à Abidjan à bord de l’avion présidentiel, un Fokker 100.

Destination ? Bouaké, où il doit présider la cérémonie d’installation d’une dizaine de magistrats commis à l’animation des audiences foraines dont l’objectif est la délivrance de jugements supplétifs d’actes de naissance aux Ivoiriens qui n’ont jamais été enregistrés à l’état civil, premier pas de leur inscription sur le fichier électoral, l’un des nœuds gordiens de la crise ivoirienne.

Peu avant 10H 30. L’aéronef se pose à l’aéroport de Bouaké. Mais, pendant sa course, l’appareil essuie des tirs de roquettes et des rafales d’armes automatiques.

Le pilote parvient malgré tout à conduire l’avion au parking.

Bilan provisoire : quatre tués et une dizaine de blessés. Le Premier ministre, principale cible des assaillants, lui, est indemne.

On frôle donc un remake de l’attentat contre le président rwandais Juvénal Habyarimana le 7 avril 1994, début du déclenchement de l’un des plus sanglants génocides en Afrique.

Concert d’indignations et de condamnations en Côte d’Ivoire et à travers le monde, même si, au fond, on se réjouit quand même de la chance quasi proverbiale de l’«invincible» Soro (signification en sénoufo de son nom Kigbafori).

Que se serait-il passé si le secrétaire général des Forces nouvelles avait péri dans l’attaque ? La question, tout le monde se l’est posée, mais personne n’est capable d’y répondre tant  les scénarii, les uns plus catastrophiques que les autres, se bousculent dans les têtes.

Par contre, ce qui est évident, c’est que c’est l’accord de Ouagadougou, déjà à la peine, qui vient d’essuyer une véritable torpille. Une salve de roquettes vient d’être lancée contre la poussive locomotive de la paix, déjà en retard. Même si le train n’a pas déraillé, il marquera incontestablement un arrêt forcé.

Des suspects, annonce-t-on, sont déjà entre les mains de la police. Une enquête sera ouverte pour aboutir aux auteurs et surtout aux commanditaires de l’attentat. La méfiance s’installera davantage entre les deux principaux camps protagonistes, mais aussi à l’intérieur de chaque camp.

Dans les eaux de la lagune Ebrié, de nouveau en agitation, les filets doivent être aussi larges que solides pour pouvoir pêcher les requins fauteurs de troubles, et les mailles aussi serrées pour ne pas laisser échapper le moindre alevin rétif au calme aquatique. Même si au regard des circonstances de temps (les accords de Ouaga actuellement en application sont le résultat du dialogue direct voulu et initié par Laurent Gbagbo) et de lieu (l’attentat a été perpétré en zone sous contrôle des Forces nouvelles), on peut a priori disculper le gbaboland de toute responsabilité,  il faut se garder de donner au camp présidentiel le Bon Dieu sans confession. Celui-ci, en effet, pullule de faucons capables de tout, surtout que le retour à la paix ferait perdre à certains pêcheurs en eaux troubles honneurs et avantages matériels. Ils n’hésiteront donc pas à avoir recours ou à encourager  tout ce qui pourrait contribuer à faire perdurer la crise.

Du côté du Rassemblement des républicains (RDR) et du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), dont les leaders respectifs, Alassane Dramane Ouattara et Henri Konan Bédié, ont été relégués presque au rang de garçons d’honneur dans les accords de Ouaga, couvent des frustrations muettes. On accuse ici, et à voix de plus en plus haute, Guillaume Soro d’avoir fait  un bébé sur le dos de ses alliés d’hier, surtout sur celui du président du RDR,  naguère mentor politique  de l’ancien leader du syndicat estudiantin, aujourd’hui auteur de parricide.

Mais cette tentative d’assassinat pourrait tout aussi être l’œuvre des Forces nouvelles dont le miraculé de Bouaké est l’actuel secrétaire général. Et cette dernière hypothèse semble être la plus privilégiée aussi bien par les Ivoiriens que par les observateurs  étrangers de la scène politique du pays d’Houphouèt- Boigny.

En effet, depuis toujours, l’ex-rébellion a laissé transparaître des signes de dissensions internes. Tous les soldats n’épouseraient plus les positions du Premier ministre et de ses proches.

Depuis particulièrement trois mois, les rumeurs, régulièrement relayées par la presse ivoirienne, faisaient état de grogne d’une partie de la branche armée des FN qui pointe du…canon son leader, soupçonné d’avoir trahi leur cause dans le dialogue direct avec Gbagbo.

Guillaume Soro, poussé à la tête d’une rébellion menée par des soldats entre lesquels et lui il n’y avait aucune fraternité d’armes, serait suspecté d'avoir pactisé secrètement avec le président de la république, l’ennemi juré.

Certains ex-combattants, hier sans grade, sont subitement devenus des commandants de zone, appelés dans leur jargon «comzone». Traîne-misère avant les événements du 19 septembre 2002, ils  règnent actuellement en maîtres à Bouaké et dans les pays voisins comme le Burkina, à la faveur de la partition du pays, en véritables proconsuls romains si ce n’est en conquistadors portugais assoiffés d’or. Etalant leurs frasques indécentes au milieu d’une population prostrée sous les effets de la crise sociopolitique, les «justiciers» sont parvenus à vendanger l’élan de sympathie dont ils ont bénéficié aux premières heures de l’insurrection. Tout ce beau monde a-t-il intérêt à la normalisation de la situation ?  Ne craint-il pas la fin de la guerre joyeuse ? N’a-t-il pas peur de  perdre les avantages inespérés ?

Sidiki Konaté, porte-parole des Forces nouvelles,  lui aussi rescapé de la canonnade du vendredi noir,  indexe-t-il quelqu’un d’autre si ce n’est son propre camp lorsque, dans la reconstitution des faits, il déclare : «Les personnes arrêtées sont bel et bien d’ici, elles ne sont pas venues d’ailleurs. Elles connaissent bien la région, l’aéroport et le milieu d’ici. Pour le moment nous ne pouvons pas  vous dire s’il s’agit d’hommes des Forces nouvelles. Pour ne pas brouiller les pistes, nous n’allons pas donner pour le moment l’identité des membres [du commando]».

Et c’est reparti pour un nouveau couper-décaler navrant sous le regard réprobateur mais impuissant du facilitateur, Blaise Compaoré, dont la tâche, c’est le cas de le dire, n’est pas facilitée sur les terres d’Eburnie. Le voilà donc tel Sisyphe condamné à rouler sur la pente d’une montagne un rocher qui retombe toujours avant d’avoir atteint le sommet, même si certains pourraient voir en lui une espèce d’apprenti-sorcier du genre Frankenstein qui ne peut plus maîtriser le monstre (les rebelles) qu’on l’accuse d’avoir sinon engendré du moins nourri.

 

Alain Saint Robespierre

L'Observateur Paalga du 2 juillet 2007



02/07/2007
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