L'Heure du Temps (Blog d'Information sur le Burkina Faso)

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Démocratie sénégalaise : Le phare est en train de s'éteindre

Démocratie sénégalaise

Le phare est en train de s'éteindre

 

 

Il était une fois un opposant historique: Abdoulaye Wade du Sénégal.

Après plusieurs tentatives pour accéder à la magistrature suprême, il est élu finalement grâce à une coalition hétéroclite le 19 mars 2000. Après  26 années de combat pour  la démocratie et le développement.

C'était la première fois dans l'histoire de ce pays que l'alternance politique consacrait la volonté populaire.

Elu donc triomphalement après quarante   ans de règne socialiste, l'ancien "opposant historique" a cristallisé l'immense espoir de tout un peuple ou du moins d'une frange importante de la population, abandonnée depuis déjà bien longtemps sur les bas côtés de la route du développement par le régime socialiste.

Sept ans après son accession au pouvoir, la croissance, le progrès tant chanté se font toujours attendre et le Sénégalais moyen a du mal à joindre les deux bouts et peine à faire la différence entre l'ère socialiste et l'avènement du sopi au pouvoir, car  le panier de la ménagère est  désespérément de plus en plus squelettique.

Et c'est ainsi que contre toute attente, des statistiques font état d'environ 300 000 personnes, sur les 2 millions de Dakarois, vivant avec 74 FCFA par jour. Autant dire qu'un Dakarois sur sept mange la vache enragée sans vraiment savoir à quand la fin de ce calvaire. Pendant ce temps, une fournée de  nouveaux riches mènent grand train.

C'est donc une lapalissade que de dire que sur le plan social, le bilan est bien maigre malgré le ronflant taux de croissance, qui avoisine les 5,5%.

Demandez à ces 300 000 Dakarois et ils vous certifieront n'avoir pas perçu l'ombre de cette croissance dans leur assiette. Bref, hormis les discours grandiloquents de Gorgui (1), les résultats sur le plan social se font attendre.

Qui pis est, le phare de la démocratie sénégalaise, qui passait pour une référence à l'échelle du continent africain, où les dictatures sévissent encore, est progressivement en train de s'éteindre.

Et la dernière incartade du vieil homme d'Etat, qui prouve si besoin en est le peu de considération qu'il a pour la démocratie dans son pays, c'est sans conteste l'affaire dite Macky Sall.

Débarqué en juin dernier de son poste de Premier ministre, Macky Sall, par ailleurs n°2 du Parti au pouvoir, croyait avoir trouvé une bouée de sauvetage en se faisant élire Président  de la toute nouvelle Assemblée nationale.

Une Assemblée, disons-le, mise en place par défaut,  l'opposition significative ayant préféré boycotter  les législatives, car selon elle le processus électoral était marqué du sceau de l'opacité la plus totale.

Si à ce jour Macky Sall occupe toujours le perchoir en dépit des actes de déstabilisation posés par les éléments de sa propre formation politique, le tant convoité poste de second de Wade au sein du Parti démocratique sénégalais (PDS), lui a, par contre,  été retiré lors d'une session du comité directeur du PDS, tenue au Palais présidentiel.

Après avoir été chassé presque sans ménagement de son poste de dauphin constitutionnel au profit du président du Sénat (poste nouvellement créé), Macky vient de perdre le rang magistral qu'il occupait au sein du parti au pouvoir.

Et c'est ainsi que l'ancien Premier ministre de Wade amorce lui aussi à l'instar de quelques-uns de ses devanciers sa descente aux enfers. En effet, on se souvient qu'avant lui, Moustapha Niasse et Idrissa Seck avaient été pressurés tels des citrons puis lâchés par Gorgui. On se souvient d'ailleurs que le dernier cité, qui passait pour être le fils spirituel du pape du sopi, lui, avait  même  fait un séjour de 7 mois en prison.

Le prétexte pour vouer aux gémonies l'ancien bras droit de Wade est aussi fragile que tiré par les cheveux.

L'élément déclencheur de cette chasse aux sorcières, c'est la convocation début octobre devant la Commission des Finances de l'Assemblée de plusieurs responsables d'agences de l'Etat dont l'Agence nationale de l'Organisation de la conférence islamique, présidée par le fils du Président Wade, Karim qu'il s'appelle.

C'est cette simple convocation qui a mis Gorgui dans tous ses états et celui-ci n'a pas manqué  d'enclencher le rouleau compresseur pour faire tomber l'impertinent Macky Sall de son piédestal. Et c'est ainsi que des voix ont commencé à fuser de toutes parts pour accuser l'ex-Premier ministre d'avoir cherché à fragiliser un adversaire potentiel  dans la lutte pour la succession  de l'actuel Président du Sénégal.

Pourtant, quoi de plus normal pour une représentation nationale que d'entendre ceux qui gèrent les deniers publics?

Et si Karim Wade gère une impressionnante gagnotte publique telle que le fonds alloué à l'organisation de cette grande rencontre qu'est la Conférence islamique, doit-on se garder de lui demander  des comptes au prétexte qu'il est  fils de Président?

Surtout que, dans sa volonté de  faire dans la transparence, l'Assemblée nationale du Sénégal n'a pas souhaité auditionner Karim Wade seulement. Il s'agissait d'entendre certains responsables, dont Karim Wade, qui gèrent une petite fortune appartenant au contribuable sénégalais.

Pour le Président Wade, qui cachait maladroitement une colère noire, "la décision de l'Assemblée d'entendre ces responsables est une violation flagrante du principe de la  séparation des pouvoirs".

Ici, nul besoin d'être agrégé de droit  comparé, comme Wade, pour savoir que dans le cadre de sa mission de contrôle, l'Assemblée nationale sénégalaise peut bel et bien interpeller Karim Wade pour en savoir davantage sur sa gestion.

Après le refus de voir auditionner le fils du Président, les contempteurs de Macky Sall n'entendent pas s'arrêter  en si bon chemin et ils veulent pousser aussi loin que possible le bouchon.

En effet, présentement, il   est question de le débarquer du perchoir. C'est pour cela qu'il a été décidé de soumettre prochainement au Parlement un projet de loi réduisant de 5 à 1 an le mandat  du présidentiel de l'Assemblée nationale. Afin  de laminer totalement  Macky Sall, qui a commis l'imprudence de demander des comptes au fils du chef de l'Etat.

Il se susurre à Dakar que si Wade défend son fils bec et ongles, ce n'est pas pour rien. Et certains d'avancer qu'il le positionnerait pour lui succéder.

Osons croire que tout cela n'est que rumeur sans fondement, même si avec Wade, chaque jour charrie son lot de décisions saugrenues et de déclarations tapageuses.

Opposant laminé par une course-poursuite d'un quart de siècle après   le pouvoir, le Pape du sopi a été démocratiquement élu sur la base d'un code électoral et d'un fichier consensuel. Mais une fois au pouvoir, il s'est évertué par la ruse et la manipulation à changer les règles du jeu en instrumentalisant à outrance les institutions républicaines. C'est dans cela que résident tous les dangers des "opposants historiques".

Il serait d'ailleurs fastidieux d'énumérer les actes anti-démocratiques qui ont hissé Wade au rang de quelques potentats locaux.

Cela coule de source, une presse libre est,  dit-on, le baromètre de la démocratie. Mais depuis l'arrivée de Wade au pouvoir, nombreux   sont les hommes de médias qui sont embastillés pour, bien de fois, des broutilles .

Qui connaît la presse sénégalaise, laquelle ne fait dans le journalisme de caniveaux, a du mal à comprendre l'acharnement du pouvoir de Wade pour la mettre sous coupe réglée.

De plus, l'opposition sénégalaise, naguère forte, est réduite à sa portion congrue. Peut-être qu'une fois encore nous pourrons compter sur la société civile pour faire revenir Gorgui à la raison. Il en a bien besoin, le vieil homme.

 

Boureima Diallo

L’Observateur Paalga du 20 novembre 2007

 

 

Note:

(1) Gorgui signifie le vieux et c'est ainsi qu'on appelle Me Abdoulaye Wade.



20/11/2007
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