L'Heure du Temps (Blog d'Information sur le Burkina Faso)

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Des questions au ras des pâquerettes (Grand oral de Tertius)

Grand oral de Tertius

Des questions au ras des pâquerettes

Ainsi donc le 5e premier ministre de Blaise Compaoré, Tertius Zongo, a livré le 27 mars dernier aux députés sa perception de ce qu’a été le Burkina au cours des 12 mois écoulés. Au-delà de la clause constitutionnelle qu’il a remplie, l’enfant de Doudou (province du Sanguié) a réalisé un exercice formel et une sorte d’herméneutique selon le mot de Paul Ricœur (1).

Quand Tertius Zongo est arrivé à la primature il y a peu près 10 mois, s’il y avait une qualité que même ses contempteurs lui reconnaissent, c’est d’être un grand communicateur. Car il fut l’un des meilleurs porte-parole du régime actuel, surtout entre 1998-99, où il a "géré" cette com. au temps fort de la crise née du drame de Sapouy. Il semble avoir fait siens ces propos d’Ignacio Romonet : "Plus on communiquera, plus notre société sera harmonieuse, plus grand sera notre bonheur", même s’il est vrai qu’il convient que cela conduit à la Tyrannie de la communication, son ouvrage éponyme. De ce fait, pendant plus de 2 heures d’horloge qu’a duré ce premier discours de Tertius sur la situation de la Nation, l’unanimité semble s’être dégagée sur la percutance de la forme. Débit, locution, bref la prestance était impeccable, ce qui n’est pas rien, car le meilleur des discours, s’il est mal rendu, se transforme en un gallimatias incompréhensible.

Les juristes le savent si bien, eux dont certains gagnent leurs procès rien que sur les vices de forme, sans donc qu’on ait besoin d’aller au fond. Mais quid du fond de ce document de 70 pages contenant les données et informations sur la "santé" du Burkina ? Sur ce plan, ceux qui ont écouté attentivement le chef du gouvernement ont eu la vague impression d’un remake de certains speech de ses devanciers, même si les chiffres et les tournures pour les développer ont changé. C’est donc un discours portant sur des indicateurs économiques au vert et les efforts consentis par le gouvernement ainsi qu’un peuple burkinabè travailleur, qui font que le pays reste "solide et inébranlable dans la tempête", qui a été resservi aux Burkinabè.

Au sujet de tempête, le mercure social, qui est monté courant février 2008 dans plusieurs villes du Burkina, consécutivement à la valse des étiquettes ou vie chère a suscité des commentaires-questions qui n’ont pas trouvé de réponses satisfaisantes. On retiendra ainsi la sortie du député Laurent Bado, qui a parlé plutôt de "manifestations contre la vie à deux vitesses... car l’état réel de la Nation est que plus de 40% vit en dessous du seuil de pauvreté et 15% détient plus de 50% des richesses de la Nation... une partie vit au paradis, l’autre au purgatoire, si ce n’est en enfer...".

Pour le fondateur du PAREN, le Burkina est classé 16e en matière de dépôt d’argent privé déposé à l’échanger. Il a décelé deux idées lumineuses chez l’orateur du jour : les Burkinabè ont des idées ainsi qu’une culture, et avec les deux conjugués, ils peuvent se développer inéluctablement au lieu de se claquemurer dans un libéralisme "vomi dans son berceau". On voit Bado venir, le tercérisme est la voie indiquée pour sortir le Faso de son marasme économique.

Ça s’est remarqué également sur d’autres questions, le PM a préféré botté en touche, se contentant d’être assez évasif : par exemple sur le remaniement ou plutôt le léger réajustement gouvernemental à l’occasion duquel il y a eu le départ de Salif Diallo. Certes, deux jours auparavant, lors du Conseil des ministres, interrogé sur le même sujet, il avait parlé de "collégialité", mais devant la représentation nationale on s’attendait à un peu plus de lumière sur la défenestration de ce fidèle parmi les fidèles du chef de l’Etat. Mais rien !

Même si, sur certains points, le PM a laissé ses compatriotes sur leur faim, ce scanner national aura permis également de mettre au grand jour certaines questions insipides et quelques peu fastidieuses des députés voire le comportement irrévérencieux de certains lors de "l’interrogatoire" du PM. Si, dans le principe, chaque député a le droit de poser des questions, il faut reconnaître que les interrogations étaient trop nombreuses et creuses souvent : d’abord au niveau du CDP, on ne s’attendait pas à autant de questions de la part des députés de ce parti, qui, après tout, exerce le pouvoir d’Etat avec le militant "émérite du CDP", Blaise Compaoré, élu en novembre 2005. On reste alors amusé, un brin agacé face à la longue tirade du député Dieudonné Bonanet, qui, à lui tout seul, a posé 7 questions, de même que face à l’intervention de Naboho Kanidoua, qui s’est cru obligé de faire un petit bréviaire sur le néolibéralisme, en réponse à un député de l’opposition, qui estime que le Burkina a pris cette option économique.

De même, l’insistance du député Sidiki Bélem de l’ADF/RDA sur la problématique de l’eau au Nord est pertinente, mais sa digression sur les problèmes de routes dans sa localité est inappropriée. Par ailleurs, les deux députés de l’UPS (Nestor Bassière et Norbert Tiendrébéogo) n’auraient-ils pas gagné à poser leurs questions par une seule personne interposée, puisque sur certains points ils se rejoignent ? Est-ce ce qu’il est convenu d’appeler l’affaire UPS, qui les divise, qui explique ce comportement ?

Au-delà, il faut bien avouer que leurs questions tranchaient avec la langue de bois de certains de leurs collègues : ainsi en est-il des questions telles "ou en est-on avec le problème des titres fonciers avec plus de 6000 demandes et 300 de délivrés ?" selon Bassière ; "Pourquoi toujours des coupures d’électricité ?" "Pourquoi est-ce que c’est quand ça chauffe qu’on pense à dialoguer avec les partis politiques ?" de Norbert Tiendrébéogo. Yamba Malick Sawadogo l’UNIR/MS, non content d’entonner l’antienne sur les milices privées, aurait relu in extenso le rapport du collège des sages, n’eût été son arrêt net par le président de l’AN. C’était lassant.

Un autre député, Etienne Traoré du PDP/PS, aura été aussi pertinent surtout dans ses commentaires lorsqu’il a laissé entendre : "Il n’y a rien sous les cieux... Yonli disait que le pays avance... vous, vous dites la même chose... pour beaucoup, le pays avance, mais pour une minorité... Votre discours est aérien... mais il y a deux choses que vous avez dites qui sont justes : les réussites diplomatiques du chef de l’Etat au Togo et en Côte d’Ivoire... A propos de la vie chère, le gouvernement n’a pas pris le sens de la gravité de la situation... On parle de l’incivisme, c’est trop vite dit quand on dit à un élève que "ça c’est pas bon" et sitôt qu’il sort de la classe, c’est ce qui n’est pas bon qui est valorisé ; il y a problème...". Puis le philosophe s’étendra sur le départ de Salif, qui si, comme on le dit, est dû à sa guéguerre avec un parent du chef de l’Etat, consacre la "familiarisation du pouvoir". Etienne Traoré, d’aucuns ont déploré sa manière jugée un tantinet irrespectueuse envers le PM, ce qui a "assombri" un peu ses questions.

Si donc on devait noter la prestation des députés, la majorité aurait eu moins de la moyenne, ses questions volant au ras des pâquerettes, car beaucoup ont voulu tout simplement (direct de la TNB oblige) faire voir leur tronche sur le tube cathodique à leurs mandants, peu importe la pertinence de leurs questions. Ce qui a contribué au fil du temps à agacer les citoyens, dont certains sont restés rivés sur leurs postes téléviseurs, si ce n’est l’oreille collée à la radio jusqu’à 2h du mat. pour suivre cet exercice premier ministériel. Et quand c’est pour entendre 20, 30 ou 40 députés répéter la même chose...

La rédaction

L’Observateur Paalga du 31 mars 2008

Notes : (1) Paul Ricœur, philosophe, appelle l’herméneutique la science des interprétations



31/03/2008
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