L'Heure du Temps (Blog d'Information sur le Burkina Faso)

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Encore une noyade aux Cascades de Karfiguela

Banfora

Encore une noyade aux Cascades de Karfiguela

 

Massivement, les scolaires du Burkina ont effectué le déplacement annuel au site touristique très attrayant des Cascades de Karfiguela le 18 mars dernier. Cette sortie  des scolaires aura été marquée par l'engouement, la pagaille, l'imprudence, les retrouvailles amoureuses et malheureusement, un drame : une personne, qu'il reste encore  à identifier clairement,  originaire, dit-on, de la ville de Bobo, a trouvé la mort par noyade. Son corps a été repêché le 19 mars 2007 par les sapeurs-pompiers après de longues recherches.

 

Le moins que l’on puisse dire, c’est que les années se suivent et se ressemblent aux Cascades de Karfiguela, devenue très attrayante pour les scolaires du Burkina depuis quelques années. L’événement est à tout point de vu minutieusement préparé et par les élèves et étudiants mais aussi par les commerçants, les commerçantes et même des adultes. Apparemment, rien n’est laissé au hasard, tout étant mis en œuvre par chacun pour ne pas rater l’événement et se le faire raconter après.

 

A bord des cars de transport, en passant par les véhicules personnels, les motos, les vélos, les charrettes, et même à pied pour les moins nantis, chacun y va avec ses moyens pour rallier le site à Banfora. Certains n’hésitent pas à quitter la ville de Sya à moto, la veille où le jour même du départ pour être au grand rendez-vous récréatif après deux trimestres de dur labeur. Car, ces retrouvailles, fait du hasard ou choix des élèves de différents établissements, coïncident toujours avec les premiers jours des congés du second trimestre.

 

Ce lieu de plaisir, on s'y rend dans des conditions qui ne respectent pas le code du transport en commun ; pareil au retour. Hormis les cars, qui ne sont pas toujours accessibles à tous, mais où est notée la surcharge, certains se remorquent à plusieurs sur la même moto. Le retour est parfois périlleux, certains étant obligés de prendre des risques énormes, en s’accrochant comme des chauves-souris derrière un camion, ou en se retrouvant dans le coffre d’une Mercedes à plusieurs. 

 

De bonnes affaires dans une ambiance folle

 

Dès la veille, la ville de Banfora connaît une animation particulière : les «étrangers» prennent d’assaut la ville à tout point de vue, maquis, établissements pour se loger, rallyes à travers la ville, ponctués d’une imprudence notoire ; les élèves les plus nantis occupent des chambres d’hôtel  afin de rester en intimité. D’un point de vue économique, cela à un impact sur la ville, et c’est donc une période bien propice aux affaires.

 

Ce ne sont pas les gérants de «bandjidrome», lieu de dégustation de ce vin de rônier très prisé, qui diront le contraire au regard de la pénurie souvent constatée. Comment séjourner dans la cité du paysan noir sans goûter à ce vin de rônier ? En tous cas, les élèves ne se font pas prier, eux qui n’hésitent pas à faire le tour des points de vente pour se désaltérer.

 

Sur le site, c’est une intense activité économique d’un autre genre qui est menée. On y trouve du tout, pour peu qu’on accepte de délier les cordons de la bourse : grillade, boissons, alcool, eau glacée, bissap, zoom koom, maillots de bain, tabliers, gérants de parking, animation aux sonorités du coupé décalé à l’aide de groupes électrogènes, mécaniciens pour parer aux pannes qui jalonnent la randonnée, autant de monde pour répondre aux sollicitations diverses, et cela  crée une ambiance folle ou romantique selon le lieux qu’on aura choisi.

 

Seulement, les tarifs des prestations sont doublés, voire triplés à la hauteur des efforts fournis pour rejoindre le site. Exemples : nous nous sommes vus par exemple proposer le parking à 150 F au lieu de 50 F comme d’habitude dans la journée, le zoom koom à 200 F le demi-litre qui se vend ordinairement à 100 F. Il ne faut pas être spécialement averti pour en comprendre le pourquoi : l’ascension de la colline, qui n’est pas simple comme de l’eau à boire, les risques de vol d’engins, chacun venant avec sa petite idée derrière la tête,  en sont les principales raisons.

 

Pour y accéder avec sa marchandise, certains, surtout les femmes, n’ont d’autres alternatives que de faire appel aux services de personnes physiques solides pour gravir ces rochers. Au finish, beaucoup ne le regrettent pas, comme cette dame, montée pour exposer des maillots de bains. Certains n’hésitent pas à retourner en ville, question de renouveler le stock pour peu qu’on soit armé de courage pour gravir les 200 m de hauteur environ.

 

Des précautions à prendre

 

A la Cascade, cette merveille naturelle, ils étaient plus de 2000 personnes ce 18 mars à venir se récréer, et certains réalisent un record par rapport à l’année passée. En plus des scolaires de Bobo, habitués au site, ceux de plusieurs autres localités du Burkina n’étaient pas en reste, sans compter ceux de Banfora. Mais l’organisation de ce rendez-vous annuel, coïncidant avec la fin du second trimestre, le temps de bien aborder le troisième trimestre pour les uns et les examens pour les autres, ne se passe pas toujours selon les règles de l’art.

 

A en croire certaines sources, c’est souvent une organisation à l’insu des responsables d’établissements. Ces élèves arrivent donc le plus souvent sans encadreurs avertis. Conséquences, la porte est ouverte à toutes les dérives et tous les risques. Et c’est là que le bât blesse, ces sorties ne se passant pas sans drame. Ainsi, après des noyades d’élèves les années précédentes au cours de ces sorties (un élève de Bobo l’année passée, et un de Banfora l’année d’avant), la malheureuse tradition à été respectée avec une noyade, et la victime serait encore de Sya.

 

Précisons que ce ne sont pas uniquement les élèves qui se noient sur le site, d’autres personnes y ont trouvé la mort. Les pompiers, que nous avons trouvés en pleines recherches, n’ont pas eu la tâche facile, car c’est le lendemain que le corps a été retrouvé. Ces pompiers de la 5e BNSP, depuis quelques années, prennent des précautions pour veiller au grain. A notre arrivée sur les lieux à 15h, ils avaient déjà sauvé une dizaine d’élèves qui étaient en train de se noyer, contre au moins 13  l’année passée. Mais l’inévitable s’est produit. La gendarmerie, plus discrète d'habitude, était également sur les lieux.

 

Que peuvent ces forces de sécurité devant ces milliers d’élèves déchaînés, cherchant à profiter au maximum de leur journée tant attendue ? Mais pour autant, doit-on laisser ces enfants aller comme à l’abattoir sans un minimum de précautions ? Question embarrassante pour les autorités et les responsables de l’éducation. «On ne peut pas les empêcher de venir», avoue le directeur régional de l’enseignement secondaire des Cascades. «Moi seul, je ne peux rien contre», s’apitoie de son côté madame la préfet de Banfora, administrativement chargée de la gestion du site, qui attend les enquêtes des pandores pour mieux cerner le problème.

 

Le Directeur régional de l’enseignement secondaire, pour sa part, planche pour une concertation avec ses homologues autour du Gouverneur des Cascades sur les mesures à prendre. Du reste, ce que l’on peut saluer, c’est le fait que cette énième noyade d’élève sur ce site commence à frapper les consciences et on pense qu'il faut faire quelque chose. Ce n’est un secret pour personne, ces noyades sont constatées au même endroit. L’Office national du tourisme en est conscient, lui qui, signale le danger par une pancarte, actuellement rouillée et à peine lisible.

 

Au nom de quel liberté doit-on laisser ses adolescents courir le danger ? N’est-ce pas mieux de déployer les forces de sécurité pour empêcher purement et simplement l’accès de cette zone reconnue dangereuse, ce qui, en réalité, n’entame en rien le plaisir de se baigner ? Il est aussi nécessaire que des mesures soient prises sur le trajet pour éviter d’éventuels accidents au regard des conditions de départ et de retour des élèves. L’engouement des scolaires pour les Cascades est certain actuellement et pour les années à venir. Cependant, il n’y a pas d’autres alternatives que de prendre des mesures préventives.

 

Fort heureusement, il faut signaler la présence de certains élèves qui ne prennent pas de risques, préférant être de simples spectateurs comme celui que nous avons trouvé assis très calmement sous un arbre, profitant du bon climat des lieux. Il nous explique que depuis son arrivée, il ne s’est  pas baigné. La raison, il a peur de l’eau, il s’abstient de toute aventure. Triste constat, malgré cette noyade, cela n’a entamé en rien les ardeurs de ses touristes du jour, en témoigne le fait que juste à côté des recherches pour repêcher le noyé, certains dansaient au son du Djémé.

 

Pire, certains continuaient à se jeter à l’eau, au mépris de ces recherches. Comme pour dire :  à chacun ses problèmes, le cap étant visiblement placé sur l'égaiement au maximum pour repartir avec les meilleurs souvenirs et mieux se préparer à revenir l’année prochaine. En tout cas pour bon nombre, telle cette jeune fille, les souvenirs de la journée resteront inoubliables.

 

Luc Ouattara

L'Observateur Paalga du 22 mars 2007



21/03/2007
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