L'Heure du Temps (Blog d'Information sur le Burkina Faso)

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Fêtes, funérailles et sport au dîner…

Communication politique postélectorale au Burkina Faso

Fêtes, funérailles et sport au dîner…

 

Les périodes postélectorales sont longues : cinq années d’une présidentielle à l’autre ; cinq années d’une législative à l’autre.

Pendant tout ce temps, comment se conserve le réseau des relations tissées pour le besoin de la communication politique en périodes pré électorales et électorales ? Ou, comment, par la force des choses, ces relations s’affadissent-elles et se distendent-elles pour devenir parfois des liens de discorde ?

Ou encore : comment, une fois tombée la fièvre des élections, ces réseaux de communication tombent-ils eux aussi, purement et simplement dans l’oubli ? Après les élections, il apparaît que les liens ne sont plus au beau fixe, ni entre le sommet et la base, ni entre leaders, ni entre militants. En réalité, même en périodes postélectorales, la communication politique continue. Seulement, elle devient moins conquérante, une fois qu’elle a perdu l’aiguillon des élections . Assez sélective, puisqu’ aucun candidat, perdant ou gagnant, ne peut généralement garder le contact avec tous ceux qu’il a courtisés pendant les campagnes électorales. Plus conviviale enfin puisqu’elle est déchargée de son caractère d’urgence et même de détresse. Fêtes de ce qui n’est pas patate, carnavals de ce qui fut dodo, festivals de ce qui aurait dû être plus masqué que cela, cérémonie parareligieuses, cocktails, douas, anniversaires, rallyes, compétions sportives,…

A force de médiatiser, des organisateurs aussi innocents que dévoués, finissent par révéler ce qu’ils cachent.

Disant cela, nous affirmons qu’en période postélectorale, au Burkina Faso, la communication politique se maintient en se transformant au quotidien et dans le meilleur des cas, parvient à s’exprimer dans les relations internationales comme diplomatie. Ce faisant, elle se donne un nouveau public-cible, de nouveaux objectifs avec, en contrepoint, de nouveaux moyens d’expression. Ici, nous entendons par public, un groupe de femmes et/ou d’hommes ayant un intérêt objectif, permanent ou ponctuel, en commun. Cette communauté d’intérêt, si elle est vraiment un public, est animée d’une conscience commune, à la fois de cet intérêt et de cette communauté qui les unit. La masse grouillante de Rood Woko n’est pas, dans ce sens, un public. Après les élections, il se constitue trois groupes ou types de public-cible : le public des communautés villageoises, le public des populations urbaines et celui de la communauté internationale. Ces trois types de public coexistent dans l’espace de la communication politique burkinabè. Comment s’organise la communication politique avec chaque public-cible ?

. Le public rural - La communication avec ce public fonctionne au ralenti ; c’est le moins que l’on puisse dire. Gagnants et perdants se contentent de « gérer le village » avec beaucoup de prudence, mariage après mariage, funérailles après funérailles, sans oublier les grandes fêtes religieuses et coutumières. Avec prudence, car il faut choisir et savoir choisir.

A moins que, de guerre lasse, le ou les candidats d’hier n’aient décidé de jeter l’éponge ! Il y en a aussi qui, après avoir été élus, ne retournent auprès de leur public du monde rural que quelques années après, pour les élections suivantes. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, ces élus ne sont pas forcément des perdants. Il y a des brebis égarées qui parviennent à se faire pardonner. Pourquoi ? Comment ?

Une anecdote : un jour, un homme fut convoqué au tribunal traditionnel par son voisin. Examinant le chef d’accusation, l’accusé comprit que tout dépendait du bon vouloir du juge. Celui-ci pouvait l’acquitter ou le condamner, personne n’en trouverait à redire. Toutefois, pour mettre toutes les chances de son côté, il alla nuitamment offrir une jarre de miel au chef du village, celui-là même qui devait rendre justice. Le chef apprécia le geste et promit que rien ne viendrait inquiéter le petit scorpion tant qu’il restera sur le dos de sa mère. Le lendemain matin, l’accusé se rendit devant le juge, marchant fièrement avec l’assurance d’une autruche. Mais voilà qu’avant même les salutations d’usage, il se retrouva à terre. De redoutables serviteurs étaient déjà en train de le ligoter. Quand son regard horrifié rencontra celui du chef, il osa : « M’ Naaba (mon roi), que s’est-il passé ? » Le chef et juge répondit au questionneur sans même lui rendre son regard : «Il s’est passé qu’un bœuf a renversé une jarre de miel.» A bon lecteur, salut ! Nos traditions humanistes savent pardonner le vol si le voleur est généreux. Le «krabou-krabou» ne vient pas seulement d’en haut, il n’est pas tombé de la dernière colonisation. L’intérêt de cette forme de communication politique, c’est qu’elle oblige l’élite à rester en contact avec la masse «en attendant Godeau», même si jamais, de Godeau, aucune nouvelle ne viendra.
. Le public des villes, parce qu’il mène une vie parfois très active faite de rencontres, de débats, de discussions, ... avec tout ce que cela comporte de vraies et fausses révélations, est exposé au nomadisme politique, aux contestations et reniements. Pour cette raison, les partis et formations politiques les mieux organisés occupent leurs militants en périodes postélectorales. Associations, clubs de football, manifestations sportives, plantation d’arbres, jumelages, festivals, ... sont parfois des procédés médiatiques qui disent bien leur nom, mais refusent d’avouer qu’ils sont politiques. Quand le maire de telle ville organise une course cycliste dans sa ville et enfourche une bicyclette sous l’œil indiscret des cameras, on a tôt compris que ce qu’il y a de vraiment cyclique dans une telle course, c’est le retour calculé de l’intuition politique.
Pour les partis politiques moins bien organisés, « ce n’est qu’un au revoir ! », mais un au revoir quand même ! Quand il n’y a plus de thé pour unir ceux qui le prenaient ensemble, ceux-ci ont vite fait d’oublier que le motif de leur rassemblement de naguère n’était rien de moins que politique. Bref ! Le public des villes est dynamique, actif, imaginatif, « ondoyant et divers » (Montaigne). On ne peut pas dire qu’en périodes postélectorales la communication qui le prend pour cible s’interrompt complètement. Pour le mieux, cette communication se transforme, se diversifie et coule à la manière d’un cours d’eau souterrain pour irriguer toute la communauté citadine. Mais, il faut l’avouer, c’est une communication plutôt informelle.
. La communauté internationale est un public cible redoutable. Devant sa puissance, son intransigeance et son immensité, le dirigeant africain perd son latin ou son samo !

Dans un quartier de notre capitale - c’est un fait divers - il y a un fou du PMUB. A ce jeu de hasard, cet homme jadis respectable a tout perdu jusqu’à la raison. Presque tous les matins, il réveille le quartier en hurlant ces mots : « Des chevaux qui courent en France, ... à Vincennes, ... comment peuvent-ils vous empêcher de dormir à Ouagadougou ?... Vous êtes des sauterelles ... » Ce fait divers fait penser à l’emprise, mieux, à l’imprinting de l’impersonnelle communauté internationale sur le mode de connaître, d’agir et de gouverner du dirigeant africain. ( L’imprinting, selon Egard Morin, dans son livre La méthode 6 - Ethique, s’inscrit cérébralement dès la petite enfance par stabilisation sélective des synapses, inscriptions premières qui vont marquer irréversiblement l’esprit individuel dans son mode de connaître et d’agir. )
Prendre donc la communauté internationale pour public-cible de la communication politique, au Burkina Faso, c’est essayer de vendre ce pays, ses problèmes et ses ambitions à cette communauté internationale. Et le dirigeant burkinabè élu doit le faire. Le problème est de savoir le faire sans être « une sauterelle » possédée par la puissance, les symboles et les intérêts de l’Occident, au point de ne rien voir autour de nous qui soit occidentalisé ou en voie de l’être. Il y a quelque temps, un président africain démocratiquement élu affirmait à la face du monde que personne ne mourait de faim dans son pays et que tous les bruits qui couraient pour dire le contraire provenaient d’une cabale montée par l’opposition politique.

Ce dirigeant était-il bien informé par son entourage ? Ne l’était-il pas ? Quand la vérité se fit jour, la communauté internationale, le secrétaire général de l’ONU en tête, vola au secours de ce pays et de son président, avec des vivres, des remontrances et des photographes. La communication politique n’avait-elle-pas failli ? La propagande internationale entre toujours dans nos esprits en s’infiltrant à travers les fissures laissées par nos communications politiques inopportunes.
En réalité, au même titre que les communautés villageoises, la communauté internationale attend du dirigeant burkinabè élu, des dons avant de le soutenir. Ces dons sont symboliques ou matériels, ils s’appellent entre autres : bonne gouvernance, démocratie, droits de l’homme, genre, décentralisation, privation, vus et vécus à l’occidental... : une forme de corruption stylisée ou une nouvelle mission civilisatrice qui ne dit pas son nom, mais qui nous empêche de dormir à Ouagadougou parce que nous sommes les sauterelles de la mondialisation ! Entrée de gré ou de force dans les relations internationales, la communication politique devient diplomatie. Exprimée métaphoriquement, son rôle est de faire en sorte que le galop des chevaux de Vincennes ne trouble pas le sommeil des gens de la ville de Ouagadougou ou, surtout, de Tougan.

Ibrahiman Sakandé

Sidwaya du 6 juin 2007



06/06/2007
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