L'Heure du Temps (Blog d'Information sur le Burkina Faso)

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Filippe à confesse

Communauté catholique

Filippe à confesse

 

La scène s'est déroulée dans une salle de réunions de l’archevêché de Ouagadougou le 26 février 2008 peu après 16 heures. Mgr Jean Marie Compaoré, en compagnie de quelques prêtres et laïcs catholiques, reçoit une délégation gouvernementale (forte de quatre membres) conduite par le ministre Filippe Sawadogo, porte-parole du gouvernement et chargé de la Culture, du Tourisme et de la Communication. L’objet de cette audience : la vie chère et les casses y consécutives à Bobo, à Banfora et à Ouahigouya.

Filippe et ses collègues (Odile Bonkoungou de l’Enseignement de Base, Joachim Tankoano des Postes et TIC, Noël Bembamba du Budget) sont venus donc, sur instruction du Premier ministre, informer l’Eglise catholique de l’appréciation et des mesures prises par le gouvernement sur cette situation de vie chère et de casses qui perturbent l’activité économique et sociale des villes citées.

Après l’exposé des faits par le chef de la délégation, l’archevêque de Ouagadougou n’est pas passé par quatre chemins pour exprimer, si on ose dire, son mécontentement de la façon dont le gouvernement a géré ou gère cette crise : «La vie chère dont on parle tant perturbe beaucoup les populations. Personnellement, j’ai l’impression que la vie chère n’a été qu’un prétexte, un élément déclencheur des violentes manifestations à Bobo, à Banfora et à Ouahigouya. Je pense que les forces de l’ordre ont un peu minimisé les choses. Elles doivent savoir qu’il n’y a pas de petite manifestation. Notre sécurité doit être très vigilante».

Avec une telle introduction, on sentait bien que le père-évêque et ceux qui l’accompagnent ne feront pas dans la langue de bois face au gouvernement.

Mgr Compaoré, tout en saluant les réformes visant à renflouer les caisses de l’Etat en combattant la fraude et la corruption, a quelque peu déploré la non-application des mesures de sanctions contre tout contrevenant quel qu’il soit, qu’il soit grand ou petit commerçant. Pour l’évêque, «le problème n’est pas au niveau des petits commerçants. Comme on le dit, l’exemple vient d’en haut. Mais ici, parfois on a l’impression qu’on s’acharne contre ceux qui n’ont pas grand-chose. Quand on prend des mesures, il faut qu’elles soient applicables aux grands et pas seulement aux plus petits. Je voulais attirer l’attention du gouvernement sur cette question».

Renchérissant, l’abbé Yves Tanga, curé de la cathédrale, a regretté que dans «le court terme, on ne voie pas ce qui va revenir aux plus petits. Il y a un malaise dans la société et on a l’impression que rien n’est fait. Ici, c’est une question de confiance. Qu’est-ce que le gouvernement va faire pour nous redonner confiance ? Le Premier ministre a fait son discours et sans doute que ce qui y a été dit tient, mais pour le moment, on a faim, on a soif et on est malade».

Et le président de la Commission diocésaine Justice et Paix, Jean-Baptiste Ouédraogo, de préciser qu’en fait, «ceux qui n’arrivent pas à manger et qui sont dos au mur, c’est ceux-là qui foncent et qui font les casses. On dit qu’à Bobo les jeunes boivent le thé ; mais aujourd’hui, ils ne peuvent plus boire le thé Cheval, car ils ne peuvent plus l'acheter». Pour lui, l’Etat doit voir le cas des jeunes diplômés qui chôment, puisque le nombre des désœuvrés ne fait que grossir et le danger pointe à l’horizon, car «le brasier est là, le bûcher est déjà prêt, il ne reste plus que l’étincelle pour que ça brûle, et c’est ce qui s’est passé à Bobo». Il a donc invité les dirigeants à éradiquer le chômage et à relever les salaires pour donner un peu d’espoir au peuple.

L’abbé Joanny Kouama, économe de l’archevêché, et Didace Douamba, président du Conseil national des laïcs de l’Eglise catholique ont demandé à l’Etat de clarifier la structure des prix et de les contrôler. Pour eux, le gouvernement doit promouvoir davantage nos produits locaux. Ils ont dénoncé par exemple le comportement de certains députés qui organisent des cérémonies pour remettre du sucre de marque St-Louis alors que le sucre de la SN-SOSUCO et le riz de Bagré ont du mal à se vendre.

Sur ce point, l’archevêque a exhorté les Burkinabè et leurs dirigeants à faire preuve de patriotisme et à exalter la fibre nationale. «Dans les pays autour de nous, on voit que les gens ont une fibre nationale. Mais chez nous, ce n’est pas encore le cas. Le nationalisme, ce n’est pas seulement au niveau des petits qu’il faut l’exalter, il faut le faire également au niveau des grands». Il a appelé les populations à faire preuve de retenue lors des manifestations en évitant de saccager les biens publics. Quant aux forces de l’ordre, l’évêque leur a suggéré de savoir prendre les devants lors des manifestations, de prendre des dispositions pour éviter les casses à l’avenir.

Mgr Compaoré a terminé son propos en encourageant les uns et les autres à rester dignes et civiques dans cette situation de flambées des prix qu’on explique en partie par la mondialisation. «C’est vrai que la mondialisation est là, mais elle n’a pas mondialisé les ressources», a-t-il conclu en invitant l’assistance à une prière de clôture, marquant la fin de cet échange entre la délégation gouvernementale et celle de l’Eglise catholique.

Cette rencontre a duré pratiquement deux heures. Deux heures au cours desquelles les représentants de l’Eglise catholique n’ont pas du tout caressé le gouvernement dans le sens du poil, car ils ont tenu à dire les choses telles qu’ils les sentaient et les percevaient, bref, telles que les fidèles vivent cette situation de vie chère au Faso.

 

San Evariste Barro

L’Observateur Paalga du 27 février 2008



26/02/2008
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