L'Heure du Temps (Blog d'Information sur le Burkina Faso)

L'Heure     du     Temps (Blog d'Information sur le Burkina Faso)

Gouvernement Tertius Zongo : De l'information à la communication

Gouvernement Tertius Zongo

De l'information à la communication

 

Il y a des signes qui ne trompent pas, et les premiers pas de Tertius Zongo, depuis sa nomination à la tête du gouvernement, nous indique la voie à suivre, celle d'une société de communication.

L'analyse de notre confrère, Yemdaogo Kafando, que nous vous proposons ci-après, ne dit pas autre chose.

 

L'équilibre ethnique et la parenté à plaisanterie ne sont pas de vains mots sous l'ère Blaise Compaoré, peut-on prendre le risque d'affirmer, entre autres, au regard de la composition de la première équipe gouvernementale Tertius Zongo, chargée de poursuivre la mise en œuvre du "Progrès continu pour une société d'espérance", le programme quinquennal du président du Faso. En effet, les Gourounsi ont-ils à peine commencé à jubiler face aux Bissa, après la nomination, comme Premier ministre, le 4 juin 2007, de Tertius Zongo, père, oncle, frère et fils des métisses nuni-lyela de Doudou dans le Sanguié, qu'une semaine seulement après le 10 juin 2007, le Boulgoulais Alain Yoda, prince de Komtoéga, accédait au grade très convoité de ministre d'Etat. Ainsi donc, de par la volonté de l'enfant terrible de Ziniaré et après le duo de choc que constituaient le gentleman de Tikaré, Youssouf Ouédraogo, et l'imperturbable jeune premier de Tansarga, Paramanga Ernest Yonli (avec le très politique Salif Diallo, la plaisanterie ne semblait pas de mise en fin de mandat), voilà le match Zongo "contre" Yoda. Il s'agit là d'un excellent outil de détente en conseils des ministres.

Le 12 juin 2007, au surlendemain de la composition du gouvernement dont il est le tout nouveau chef, le Premier ministre Tertius Zongo a donné un point de presse plutôt mémorable.  A cette occasion, les journalistes qu'il a conviés ont voulu savoir, entre autres choses, les raisons pour lesquelles, au niveau de leur département de tutelle, le ministère de la Culture, du Tourisme et de la Communication, porte-parole du gouvernement (Cultoucom.ppg), l'on est passé du concept d'information qui avait cours sous le mandat de Paramanga Ernest Yonli, à la notion de communication. Cette préoccupation pertinente de nos collègues soulève un autre problème : était-il opportun, à l'époque où l'on y a procédé, c'est-à-dire lors de la composition du gouvernement Yonli du 12 novembre 2000, devait-on donc, pouvait-on même, en lieu et place du terme communication, revenir au mot information pour désigner le département chargé des médias ?

 

Informer n'est pas communiquer

 

Pour pouvoir nous prononcer de façon motivée sur la pertinence ou pas du cheminement ci-dessus évoqué, il convient, nous paraît-il, de procéder à quelques rappels en rapport avec les termes "informer", "information" et "communiquer", "communication".

Paul N'Da, professeur titulaire de sociologie politique à l'université de Cocody à Abidjan, République de Côte d'Ivoire, explique que le mot "informer" est né au douzième siècle et provient du latin "informare". Il signifiait : donner de la forme, ordonner, donner une signification. C'est trois siècles plus tard, soit au quinzième, qu'il s'est enrichi du sens suivant : mettre quelqu'un au courant de quelque chose.

Aujourd'hui, "informer" veut donc dire : mettre en forme, donner un sens, organiser le réel et faire le récit de tout ce qui survient et perturbe la réalité, l'ordre. "L'information", l'acte d'informer, se réalise si et seulement s'il y a circulation de message d'une source (ou émetteur) à un destinataire (ou récepteur), par le biais d'un canal. "L'information", c'est aussi l'ensemble et/ou la gestion des moyens techniques et des ressources qui concourent à son avènement.

Quant au terme "communiquer", il est apparu dans la langue française au quatorzième siècle et découle du latin "communicare". Il a connu, lui aussi, une évolution sémantique, et aujourd'hui "la communication" désigne une réalité fondamentale pour des sociétés ou des économies ouvertes ; "communiquer" signifie interagir avec une ou plusieurs personnes ; "communiquer", c'est non seulement informer, mais aussi s'informer, solliciter la réaction, le "feed-back" de votre (vos) interlocuteur (s) ou public-cibles par rapport au (x) message (s) que vous lui (leur) avez envoyé (s). Ainsi, dans le processus de la communication, de façon alternative, l'émetteur devient récepteur et le récepteur devient émetteur. Or, pour que l'information se réalise, l'échange n'est pas une condition sine qua non, comme dans la communication.

Même s'il n'est pas exclu que l'informateur soit quelquefois animé du souci de faire réagir, d'influencer, d'impacter le récepteur, le "feed-back", comparativement au procès de la communication, reste résiduel, souvent collatéral.

La "communication", c'est aussi l'ensemble des moyens techniques et/ou la gestion de ces moyens et autres ressources qui concourent à la réalisation de la communication à distance dont celle par les médias, c'est-à-dire la communication de masse. C'est pourquoi, au niveau des Etats, selon la réalité du contenu qu'on y met, on parle de ministère de l'Information, de ministère de la Communication...

Avec l'invention, par les Américains, d'Internet, ce réseau d'ordinateurs interconnectés qui couvre le monde entier, le mot communication cohabite avec un groupe de mots qui tend à le supplémenter quelquefois, à savoir les "nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC)" ou tout simplement TIC. C'est ainsi qu'au Bénin, les médias, les postes et télécommunications et l'internet sont gérés par un secrétariat d'Etat à la présidence de la République chargé des TIC. De quoi apporter de l'eau au moulin du Samo Charles Guibo qui, dans "L'Observateur Paalga" n°6809 du 19 juin 2007 en page 28, dans la rubrique "Humeur", sous le surtitre "Les élucubrations de Toégui", a disserté, avec beaucoup plus de lucidité qu'il ne le laissait croire, sur l'état de chose suivant : "Gouvernement Tertius Zongo... 1 portefeuille pour 2 ministres..; et 2 ministres pour un portefeuille". En somme, si tant est vrai que ceux qui se complètent ou se ressemblent s'assemblent, on peut se demander si la fin du nomadisme des départements ministériels est pour demain...

 

Paramanga faisait-il de l'info ou de la com ?

 

Nommé Premier ministre le 7 novembre 2000, Paramanga Ernest Yonli a proposé et obtenu du chef de l'Etat l'adoption d'un projet de décret qu'il a conçu : il s'agit du décret n°2000-527/PRES/PM du 12 novembre 2000, portant composition du gouvernement Yonli I. En parcourant ledit texte, on constate la disparition de l'ancien ministère de la Communication  et de la Culture sous Kadré Désiré Ouédraogo et l'apparition notamment du ministère de l'Information, porte-parole du gouvernement. Et à travers les différents gouvernements Yonli, le ministère de l'Information qui, entre-temps, a cédé la parole au département chargé des relations avec le Parlement, où officiait le tribun Adama Fofana, n'a pas changé de nom. Mais au juste qu'est-ce qui explique la consécration de cette appellation ?

Aussi curieux que cela puisse paraître, fort heureusement d'ailleurs pour le succès du "Programme pour un développement solidaire" de Blaise Compaoré à l'époque, les gouvernements Yonli faisaient à tous les niveaux non seulement de l'information, mais aussi et surtout de la communication.

En ce qui concerne les activités d'information des gouvernements Yonli, on peut citer, entre autres, les comptes-rendus du conseil hebdomadaire des ministres, les lois, décrets, arrêtés, décisions, circulaires et/ou autres notes de service où, sans en citer la source, il a quelquefois "été donné" à certains responsables de services "de constater que...", avant, et c'est arrivé, de réglementer ou, et c'est arrivé aussi, d'abattre le gourdin sur le ou les fautifs si les éventuelles explications fournies ne sont pas satisfaisantes. Il est inimaginable que même sous le ou les gouvernements Tertius Zongo, ces activités régaliennes de l'Etat puissent s'arrêter. Ici, c'est à prendre ou à ... prendre. Car l'administré doit s'y soumettre ou commencer à se faire  des soucis. Comme quoi, la discipline n'est plus l'apanage des seules armées, mais et surtout l'une des règles d'or de l'administration civile.

Cela étant, soulignons, à présent, que les gouvernements Yonli communiquaient énormément, nécessairement. En effet, rien moins que la Constitution elle-même les y instruisait, et, on l'a constaté, ils faisaient diligence. Voici des extraits d'articles de la loi fondamentale qui attestent nos propos : "Le Premier ministre expose directement aux députés la situation de la Nation lors de l'ouverture de la première session de l'Assemblée. Cet exposé est suivi de détails..." (art. 109, 2e paragraphe) ; "durant  les sessions, au moins une séance par semaine est réservée aux questions des députés et aux réponses du Gouvernement. L'Assemblée peut adresser au Gouvernement des questions d'actualité, des questions écrites, des questions orales avec ou sans débats" (art. 111) ; de même, la politique gouvernementale, le budget de l'Etat, les plans de développement économique et social ainsi que les projets de loi doivent être déposés, exposés et défendus face aux mandataires du peuple que sont les députés (art. 112). En outre, Paramanga et ses équipes ont  communiqué avec des organisations de la société civile tels les syndicats, sans oublier les paysans, notamment lors des journées nationales que le chef de l'Etat leur consacre chaque année, des points de presse des gouvernements...

Concernant les ministères de l'Information eux-mêmes sous les mandats Yonli, des exemples foisonnent qui prouvent que si, dans ces départements ministériels comme partout ailleurs, l'activité d'information n'était pas absente, les missions de communication étaient comme elles sont aujourd'hui encore : de rigueur. Les exemples sont véritablement légion en la matière, mais, pour étayer nos propos, nous nous contenterons de citer un exemple, un seul qui nous paraît dialectement significatif, suffisant : la radio rurale.

Comme l'a indiqué le Premier ministre Tertius Zongo lors de son exposé devant les journalistes, le vent de libéralisation fait qu'aujourd'hui, le ministère chargé, entre autres, des médias ne gère plus que très peu d'organes de presse. En réalité, avec le statut de "structures rattachés" accordé aux Editions Sidwaya et à la radiotélévision nationale du Burkina, la mainmise directe de plusieurs gouvernements Yonli ne s'exerçait que sur un et un seul média  : la radio rurale. Or, selon l'article 28 du décret n°2007-096/PRES/PM/MININFO du 1er mars 2007, la Direction générale de la radio rurale a la double mission suivante : premièrement, "l'information et la sensibilisation du monde rural, pour sa mobilisation en faveur du développement" ; en second lieu, "le suivi et la coordination des radios locales, la promotion de la culture nationale".

En fait cette mission n'a pas varié depuis belle lurette. Etant un média public, la radio a donc une mission de service public. Ce statut lui "imposait", sous l'ère Yonli (et lui "impose" sans doute encore), "des obligations dont les plus importantes sont ... un code de programmation impliquant des productions accessibles à toutes les composantes de la société, une égalité des droits à l'information et à la communication... un code de conduite pour l'institution, impliquant une couverture géographique du territoire, la prise en compte des intérêts des minorités et la participation aux décisions touchant le contenu des programmes..." (table ronde des bailleurs de fonds pour le financement du Programme d'appui à la politique nationale de communication pour le développement (PNCD), ministère des Finances et du Budget, Ouagadougou, décembre 2004, page 7). En clair, pour nous tous, la radio rurale a pour mission non seulement d'informer, mais aussi et surtout de concevoir et de réaliser des émissions respectant les stratégies de communication pour le développement : "Fondée sur une approche participative, la communication pour le développement a l'avantage de créer les conditions de dialogue entre les acteurs et les partenaires au développement, de les impliquer dans un partenariat concerté et dynamique tant au niveau de la conception des projets et programme de développement que sur le terrain de leur mise en œuvre". (Table ronde...), ibidem, page 1. Comme on le constate, du temps où Paramanga Ernest Yonli était Premier ministre, il a créé un ministère de l'Information qui faisait non seulement de la communication, mais aussi et surtout pratiquait et conduisait de la communication pour le développement, également appelée communication sociale, communication participative pour le développement ou encore communication pour le changement de comportement. Le département ministériel en charge  d'une telle noble mission devait donc, sans complexe aucun, porter fièrement son nom : ministère de la Communication ou, peut-être, au minimum, ministère de l'Information et de la Communication. Mais pourquoi et comment les gourous au cœur du pouvoir en sont-ils arrivés à convaincre l'ancien Premier ministre de baptiser d'un nom plutôt curieux, dépassé au regard de l'ère du temps, le département chargé des médias ? Cela mérite, à notre humble avis, qu'on y réfléchisse.

 

Les trois opérations

 

Il est possible qu'en son temps,  l'ancien Premier ministre Paramanga Ernest Yonli ou l'un des ministres qui avaient en charge le département de l'Information ait expliqué cette dénomination. Dans tous les cas, qu'ils l'aient fait ou pas, nous restons encore sur notre faim. Faute donc d'éléments explicatifs tangibles en provenance de sources officielles, nous nous sommes contenté de nous fier à l'histoire du département. Ainsi, l'on a assisté à ce qui ressemble fort à trois opérations.

La première opération a, de notre point de vue, eu lieu le 12 octobre 1999, lors de la composition du tout dernier gouvernement de l'ancien Premier ministre Kadré Désiré Ouédraogo. Ce jour-là, nous apprenions par les médias que le tout-puissant Mahamoudou Ouédraogo, qui, jusqu'alors, dirigeait le vaste département de la Communication et de la Culture, devait se contenter des Arts et de la Culture (et plus tard du Tourisme), cédant ainsi le volet appelé encore communication (dont les postes et télécommunications) à l'ancien-nouveau ministre, Kilimité Théodore Hien.

En ce qui concerne le deuxième événement important qu'a connu l'histoire récente du ministère de tutelle des Communicateurs, il se situe au 12 novembre 2000, après l'avénement, le 7 novembre 2000, de Paramanga Ernest Yonli comme tout nouveau chef du gouvernement. Ce jour-là, à l'issue de la publication de la composition de la toute première équipe gouvernementale marquée du sceau de l'enfant de Tansarga, l'on a constaté que c'était au tour du ministre Hien de céder un pan de son ministère, les Postes et Télécommunications, ne gardant que le volet ... "information", c'est-à-dire les médias. Or, comme nous l'avons vu, même après la déconnexion d'avec les postes et télécommunications, ce qui restait du département n'était pas que de l'information, mais bel et bien aussi de la communication.

Voilà pourquoi une troisième opération était nécessaire. Ainsi, hormis même les choix politiques éventuels du nouveau Premier ministre, il convenait enfin, comme il l'a fait, de corriger cette "coquille" conceptuelle.

Ainsi,  depuis le 10 juin 2007, le nouveau patron des médias entre autres, le cultoucom.ppg peut, s'il le désire, se mettre en grand boubou ou en bazin pour vendre, sur le grand rood-wooko international, ses produits que sont la culture et le tourisme burkinabè. En effet, l'on a enfin  rangé dans les armoires  de l'histoire de la communication la camisole de force que l'on faisait porter, pendant un peu trop longtemps, aux ministres chargés des médias.

En dernière analyse, on pourrait facilement se laisser convaincre que, lors des concertations hautement politiques au sommet du pouvoir, certaines décisions où l'on scelle le sort des communicateurs se prennent à l'abri du regard quelquefois critique certes, mais aussi et surtout constructif des éminents professionnels de la communication dont regorge le Burkina Faso en général, et, en particulier le grand parti de Roch Marc Christian Kaboré, de Salif Diallo et de Simon Compaoré. Or, quels que soient vos poids et engagements politiques, vos compétences dans d'autres domaines scientifiques, vos nobles intentions pour le bien-être de votre pays et le rayonnement de son président, si vous prenez le risque de disserter, de prendre ou de faire prendre des décisions en rapport avec un domaine aussi pointu que la communication sans vous associer les compétences de personnes-ressources en la matière, eh bien, un tel comportement peut paraître somme toute aventuriste.

Il est d'ailleurs bon de rappeler que, pour cerner la nature d'un régime politique, nombre d'observateurs se fondent, entre autres, sur sa communication. En effet, si le souci du décideur est d'œuvrer au renforcement de la culture démocratique et à l'enracinement de la bonne gouvernance, il tend à mettre en place des plans et des stratégies de communication participatifs. C'est alors qu'on trouve les ministères de la Communication. Si par contre, le décideur a peur de la réaction du peuple, s'il  préfère être craint qu'aimé, si la démocratie n'est pas son souci premier, alors on assiste souvent  à l'émergence de plans et de stratégies de communication plutôt linéaires, unidirectionnels où les messages sont essentiellement conçus et formatés depuis le sommet du pouvoir, qui les diffuse en direction des masses populaires. Ce choix, somme toute politique, a surtout été usité par les régimes à parti unique, les Etats d'exception, où, généralement, les ministères en charge du domaine portaient leurs noms : ministère de l'Information, ministère de la Propagande...

Depuis l'avènement de la quatrième République au Burkina Faso, à l'analyse de la Constitution, des différents programmes du chef de l'Etat, des pratiques des différents gouvernements, il nous paraît très peu pertinent, voire incongru qu'en plein vingt-et-unième siècle, le Pays des hommes intègres ait décidé, à un moment donné de son histoire récente, de remettre de nouveau en selle un "ministère de l'Information". Au total, c'est un comportement philosophique qui participe de la résurgence des vieux démons des Etats à régime univoque, monolithique. Au sortir d'une telle expérience plutôt malheureuse, nos politiques gagneraient à surveiller davantage le choix de certains termes, à redoubler de vigilance, car il y a des mots qui ne leur rendent pas les meilleurs services, dans la mesure où ils ne traduisent pas suffisamment la réalité des efforts investis, toutes les dimensions des victoires qu'ils réalisent quotidiennement en matière de démocratie et de bonne gouvernance. Il convient donc de marquer sa préférence pour des concepts qui positivent, pour des terminologies "gagnant gagnant, "win win", au final.

 

Yemdaogo Kafando

Journaliste

L’Observateur Paalga du 19 juillet 2007



19/07/2007
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 1021 autres membres