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Hausse du prix du ciment : "Que de non-dits !"

Hausse du prix du ciment

"Que de non-dits !"

 

Ce commerçant détaillant de ciment estime que le ministère du Commerce devrait creuser plus pour appréhender le phénomène de la cherté du ciment. Il évoque notamment des cas de pénurie à l'usine.


S'il y a un terme en vogue depuis un certain temps, c'est la "vie chère". Cette cherté de la vie se ressent partout dans le monde et les populations des pays pauvres comme le nôtre en subissent les conséquences de plein fouet. Rares sont les produits utiles qui ont pu échapper à cette folie des prix et le ciment est aussi dans la danse depuis un certain temps. De 5 125 F CFA le sac de 50kg il y a à peine trois mois, le sac de 50 kg CPA 45 de Diamond Cement vaut aux Burkinabè 6 150 F CFA à 6300 F CFA de nos jours à Ouagadougou. Ce qui est inquiétant au regard du pouvoir d'achat des Burkinabè. Cette hausse apparemment inexpliquée a contraint le ministère du Commerce, de la promotion de l'entreprise et de l'artisanat à prendre ses responsabilités en limitant les prix du ciment de l'usine locale pour limiter les dégâts, comme dirait l'autre (cf. journal "Le pays" N°4138 du 13 juin 2008). Décision à saluer par tout Burkinabè digne de ce nom. Cependant, les informations en notre possession nous obligent à plus de retenue quant à l'efficacité de cette mesure.

Le ministère du Commerce a-t-il eu tous les éléments d'information avant de trancher ? La seule rencontre d'explications avec les premiers responsables de la cimenterie Diamond Cement le 3 juin 2008 suffit-elle pour mieux appréhender ce phénomène de la hausse du prix de leur produit sur le marché ?

N'aurait-il pas fallu élargir la concertation à l'ensemble des acteurs: de la cimenterie DCB aux détaillants en passant par les distributeurs-grossistes et semi-grossistes ? Des agents du ministère ont rencontré certains détaillants le jeudi 12 juin 2008 pour porter à leur connaissance les nouveaux tarifs et les sanctions prévues en cas de non-respect. Sans dénier à l'Etat, le droit le plus légitime de protéger les concitoyens burkinabè, nous estimons que tous les éléments d'appréciation n'ont pas été pris en considération. Et c'est nous, les détaillants, qui sommes bien mal à l'aise car pris en tenaille entre les grossistes et les acheteurs.

En effet, le vrai problème qui se pose de nos jours, c'est l'incapacité de la cimenterie Diamond Cement à satisfaire la demande locale qui s'accroît considérablement avec le boom du secteur immobilier. La cimenterie prétend produire 40 000 tonnes de ciment par mois, de nos jours. Or selon notre fournisseur (qui est distributeur-grossiste de l'usine), il y a des jours de suite où la cimenterie n'arrive même pas à satisfaire 15 camions (600 tonnes) en raison de multiples pannes techniques et autres dysfonctionnements. Notre fournisseur principal affirme ne recevoir, depuis deux mois, qu'entre 400 à 500 tonnes de ciment par mois au lieu de 1000 tonnes comme initialement prévu. Chose confirmée par deux autres grossistes que nous avons approchés pour notre approvisionnement. Cet état de fait les amène à tirer sur le coût de vente du produit pour combler le manque à gagner. Et si nous autres, détaillants, devons ajouter 5000 à 7000 F CFA par tonne pour la vente directe aux consommateurs...

Vous comprenez pourquoi le ciment est cher ! Un grossiste nous a dit à peu près ceci: "Continuez ailleurs si nos prix ne vous arrangent pas (117 500 pour le CPA 45). Et je vous donne deux semaines pour vous fournir." Sur notre insistance sur son délai trop long, il nous réplique : "L'usine me donne en principe un camion par jour (40 tonnes). Actuellement, le camion est là-bas depuis cinq (5) jours sans chargement. Si le camion sort aujourd'hui, je dois régler les cinq (5) jours de location à son propriétaire, soit 400 000 F CFA Ne me demandez donc pas de brader ce ciment que j'ai eu tant de mal à acquérir."

 

"Allez payer votre ciment au ministère !"

 

Certes, sans dédouaner nos fournisseurs dans cette hausse, car il y en a bien qui exagèrent leur prix, il y a que des mesures doivent être prises rapidement par l'usine pour éviter la lenteur dans le chargement, les nombreuses pannes techniques... qui amplifient la rareté du produit sur le marché. Je ne sais pas si quelque chose est fait par l'Etat pour aider au bon fonctionnement de la cimenterie (allégement des charges fiscales, mesures spéciales pour l'entrée des pièces de maintenance de l'usine, limitation, organisation et encadrement des grossistes distributeurs...). Sans cela, le ciment sera toujours rare sur le marché alors que la logique commerciale, triste certes, veut que ce qui est rare soit cher. D'ailleurs, j'ai bien peur que les mesures du ministère ne produisent l'effet contraire. Un fournisseur auprès de qui nous avons voulu passer une commande de 20 tonnes le 14 juin 2008 nous a dit ceci : "Allez verser votre argent au ministère du Commerce. Le ministre ne sait pas comment nous jonglons pour avoir du ciment à l'usine." En attendant, ma quincaillerie est sans ciment depuis bientôt trois semaines et mes employés tuent leur temps à jouer aux cartes. J'ose espérer que des mesures plus consensuelles et plus collégiales seront rapidement trouvées avec tous les acteurs, dans l'intérêt de tous, en lieu et place de décisions spontanées aux résultats incertains.

 

Sakandé Khalifa, dit Manegre-Naaba

Commerçant à Ouagadougou

                                                            Le Pays du 19 juin 2008



19/06/2008
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