L'Heure du Temps (Blog d'Information sur le Burkina Faso)

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« Il paraît que je suis mort » (Issouf Traoré, ex-sociétaire de l’EFO)

Issouf Traoré (ex-sociétaire de l’EFO)

« Il paraît que je suis mort »

 

Il était un attaquant virevoltant et le chouchou des enfants de la tribune 13 et 14 du stade du 4-Août. A la sortie des vestiaires, avant le coup d’envoi, il courait vers eux et les lançait des bonbons, histoire de dire qu’il est là. Celui dont il s’agit, c’est Issouf Traoré qui a animé à une certaine époque le Faso foot avec Gualbert Kaboré, les frères Gnimassou, Amadou Traoré dit le rouquin, Adama Dembélé, Mévi Williams, feu Jules Kadeba et autres. Parti au Mali en 2001 avec une santé fragile, le bruit avait couru qu’il était mort. Dans cet entretien, Issouf nous parle des déboires qu’il a vécus et d’autres choses…

 

Que devient Issouf Traoré depuis qu’il a mis fin à sa carrière de footballeur ?

Je tiens d’abord à vous remercier de m’avoir rencontré pour causer sport. C’est avec plaisir que je le fais parce qu’il y a des gens qui se demandent effectivement ce que je deviens. Je suis là, en chair et en os, et je me porte bien. J’ai quitté Ouagadougou en 2001 pour m’installer à Bamako après les déboires que j’ai eus ici. J’étais malade et ma famille m’avait évacué au Mali pour des soins. Aujourd’hui, ça va et je ne peux que remercier le bon Dieu.

 

Il y a donc longtemps que tu n’es plus revenu au Burkina ?

Mon travail m’occupe beaucoup et je n’ai pas le temps de voyager. Mais bien qu’étant à Bamako, j’ai des nouvelles des amis qui sont à Ouaga. Vous savez comme moi qu’avec le portable, on peut joindre quelqu’un à tout moment. Si je suis là, c’est pour voir des parents et  des amis que je n’ai pas revus ces cinq dernières années. Je suis venu à Ouaga pour une semaine et c’est quand je m’apprêtais à repartir que Gualbert Kaboré m’a informé que le PDG de l’entreprise Soleil levant, Yacouba Kinda, organise un tournoi maracana dénommé Génération 80 pour que les anciens joueurs se retrouvent. Ce tournoi a eu lieu sur le terrain de l’entraînement de l’EFO et je vous avoue que c’est avec plaisir que j’ai revu des joueurs tels que Amadou Traoré dit le rouquin, les frères Gnimassou, Adama Dembélé, Alain Nana, Yacouba Traoré, Assimi Zerbo et autres. Pour moi, c’était aussi l’occasion pour les supporters de savoir que je suis toujours en vie.

 

Le bruit avait couru un moment que tu n’étais plus de ce monde. As-tu eu vent de cela ?

Vous savez, les nouvelles vont vite et sont souvent bonnes ou mauvaises. J’ai une sœur qui a appelé mon père de Ouaga pour lui dire que le bruit courait que je suis mort. Celui-ci, étonné,  questionnait ma sœur qui pensait qu’on lui cachait quelque chose. Mon père m’a alors mis en contact avec elle, qui était surprise d’entendre ma voix. Je lui ai rassurée que tout va bien et que ce n’est pas la peine d’écouter les ragots. Mon père m’avait même demandé de venir au Burkina pour couper court aux rumeurs, mais j’ai trouvé que c’était inutile. C’est vrai que quand je quittais Ouaga, j’étais gravement malade, mais grâce à Dieu, la santé est revenue. Je voudrais profiter de l’occasion que vous me donnez pour remercier mon ami Aubin Kaboré, qui m’a soutenu dans ces moments difficiles.  C’est lui qui m’avait accompagné à l’aéroport tellement que je ne pouvais même plus marcher. C’est mon oncle qui est venu de Bamako pour me chercher et une fois là-bas, j’ai fait trois mois à l’hôpital. C’est un mois après que la rumeur m’a tué. J’étais très découragé d’apprendre cela, mais étant un croyant, j’ai oublié ce qui a été dit sur moi. Après ma convalescence, me voilà remis et c’est ça l’essentiel.

 

De quoi souffrais-tu exactement ?

Quand je partais d’ici, je m’étais blessé lors d’un match international contre le Syli National de Guinée en 1997 où nous avions été battus par 2 buts à 0. J’étais en Afrique du Sud et on m’avait sélectionné comme d’autres joueurs pour les éliminatoires de la Coupe du monde France 98. J’avais eu une double fracture pendant la rencontre et on m’avait évacué à l’hôpital. Après une radioscopie, tout ce qu’on a pu me donner, c’est une plaquette de nifluril. Pire, il n’y avait même pas un dirigeant pour me ramener à la maison. C’est Aubin qui s’est occupé de moi. Après une semaine, on m’a dit que je n’avais aucune fracture et je suis reparti en Afrique du Sud. Arrivé là-bas, je sentais des douleurs et après une radio, on a découvert que j’avais une double fracture au pied. Et pourtant, en quittant Ouaga, j’avais cette fracture. Mon club m’a soigné pendant quatre mois et j’ai passé plusieurs mois à faire une rééducation. C’est après que les problèmes ont commencé puisque le président du club m’a dit qu’il ne paiera plus mon salaire parce que je ne suis plus utile au club. Selon lui, le Burkina m’a convoqué pour un match international et c’est mon pays qui devrait désormais me prendre en charge. J’ai repris les entraînements, mais mon pied s’enflait à tout moment. Ce que voyant, mon président m’a signifié qu’il ne pouvait plus me garder. Il tenait à ce que la Fédération burkinabè de football (FBF), qui était dirigé par Boureima Badini, me soigne. C’est ainsi que je suis revenu au pays où personne ne s’est occupé de moi. J’étais en proie au désespoir et je me sentais délaissé. C’est Aubin, son frère Gualbert Kaboré et mon beau-frère qui me venaient en aide.

Je dois dire qu’avant de rentrer au Burkina, ma maladie avait commencé en Afrique du Sud. Un soir, revenant de l’entraînement, j’ai acheté un poulet pour  le préparer à la maison. J’ai allumé le feu et je suis allé m’étaler sur le lit en attendant la cuisson. Entre-temps, j’ai cédé au sommeil. Le poulet a été brûlé et il y avait une fumée noire dans la maison. Ce sont des gens qui sont venus casser la porte pour me faire sortir. Depuis ce jour, j’avais des problèmes de respiration et je n’arrivais même plus à faire cinq mètres de marche. Il était question un moment de me faire une cure d’intoxication, mais ça n’a jamais été fait. C’est ce qui m’a amené à partir au Mali pour des soins intensifs.

 

En Afrique du Sud, tu évoluais dans quel club ?

Je jouais au Kwakwastar.

 

Comment t’es-tu retrouvé dans ce club ?

C’était lors de la CAN 96 où le Burkina était basé à Blœmfontein. Après notre défaite contre la Zambie (1-5), le président de ce club est venu me voir à l’hôtel et m’a fait la proposition de signer un contrat avec son équipe. Or, il se trouvait que j’avais un contrat avec l’USMA d’Alger. Après notre élimination au premier tour, je suis retourné en Algérie et les négociations ont continué. Quelques semaines après, j’ai reçu un billet d’avion et j’ai rejoint l’équipe avec l’accord de mes dirigeants.

 

Tu as fait combien d’années en Afrique du Sud ?

Quand je suis arrivée à Kwakwastar, j’ai été bien accueilli par mes nouveaux dirigeants. Le président m’a dit qu’il a été séduit par ma prestation contre la Zambie et l’unique but du Burkina que j’ai marqué était splendide. Il comptait sur moi pour que son équipe avance. Malheureusement, ma fracture au pied ne m’a pas permis de rester longtemps au club. J’ai seulement fait un an en Afrique du Sud.

 

Aujourd’hui, que fais-tu à Bamako ?

Après ma guérison, j’entraîne aujourd’hui une équipe de la commune III qui est dans mon quartier. C’est en 2004 qu’on m’a confié cette équipe qui évoluait en troisième division. Lors de la saison 2005-2006, nous sommes montés en D2 où nous avons occupé la troisième place ; il en est de même cette année. Il y avait deux poules et le règlement prévoit que ce sont les deux premières équipes de chaque groupe qui jouent le carré d’as. L’équipe que je dirige était en D2 il y a 15 ans et aujourd’hui, elle se bat pour la montée en D1. J’ai espoir que ça ira un jour parce que j’ai des jeunes qui jouent bien au football.

 

Tu es originaire de quelle ville du Mali ?

Je suis de Sikasso, mais je suis né à Bamako où réside ma famille.

 

Quel était ton premier club au Burkina ?

Quand je quittais le Mali en 1986, je jouais au Djoliba où j’ai évolué en  minimes, en juniors et en seniors. C’est en décembre de la même année que je suis arrivé au Burkina. Le championnat était terminé, mais on jouait à ce moment la coupe du haut-commissaire. J’habitais au secteur 17 et feu Da Modeste qui entraînait une équipe, m’a sollicité pour intégrer son club. En 1987, j’ai signé ma première licence à l’Etoile Filante de Ouagadougou (EFO).

 

Avant d’aller en Afrique du Sud, es-tu resté fidèle au club ?

Il y a une saison où j’ai signé à l’USFA avant de revenir à l’EFO. Mais après,  j’ai eu des problèmes puisque j’ai reçu une lettre des dirigeants stellistes m’annonçant ma radiation de l’équipe. C’était en 1994.

 

Pourquoi as-tu été radié de l’équipe ?

Lors d’un match du championnat, on avait été malmené par l’ASECK au stade du 4-Aôut. Je ne me rappelle plus le score, mais toujours est-il que l’EFO était méconnaissable ce jour-là sur le terrain. On a dit que nous avons saboté  le match et cela ne m’a pas plu. J’ai donc réagi à cela et deux jours après, j’apprends par le journal l’Observateur Paalga qu’Issouf Traoré a été radié de l’EFO. Cela a coïncidé avec le passage d’un arbitre international algérien à Ouaga. Celui-ci ayant lu le journal a cherché à me rencontrer avec Moussa Dagnon et Moussa Touré. Il m’a demandé ce qui se passe exactement avec mon club et je lui ai expliqué les raisons de ma radiation. J’avais entre-temps des contacts avec des dirigeants de l’ASFA-Y, mais l’arbitre algérien m’a convaincu de venir jouer dans un club de son pays et c’est ainsi que je suis parti en Algérie.

 

Que penses-tu aujourd’hui de ton passage à l’EFO ?

L’EFO reste pour moi un grand club et je fais toujours partie de la famille. Quand je suis parti à l’USFA et qu’on avait un match à jouer contre l’EFO, quelque part ça jouait un peu sur moi. J’avais envie de me retrouver avec mes anciens coéquipiers et puis, il y avait ses supporters qui étaient dans les tribunes de même que les enfants de la porte 13 et 14, qui m’ont pris en affection. Quand j’étais encore à l’EFO, à chaque match, il y avait des vieux supporters, qui me donnaient des cartons de bonbons que j’allais distribuer à ces enfants. Pour moi, c’était une façon de les encourager à nous pousser à la victoire. Ce sont des choses qu’on ne peut pas oublier et qui restent gravées dans ma mémoire.

 

Te rappelles-tu ta première sélection en équipe nationale ?

Un joueur ne doit jamais oublier quand il a été sélectionné pour la première fois en équipe nationale. En ce qui me concerne, c’était en 1988 avec la sélection junior dirigée à l’époque par le Français Bernard Curel. C’était la coupe CEDEAO et on recevait le Sénégal à Ouaga, qui nous avait tenu en échec (1-1). Au match retour, nous sommes allés gagner par 4 à 0 ou 4 à 1. A notre retour de Dakar, l’entraîneur allemand de l’équipe senior, du nom de Peter, avait sélectionné trois juniors pour aller au Maroc dans le cadre des jeux de la francophonie. Il y avait Robert Zongo, Aubin Kaboré et moi. C’était ma première sélection avec l’équipe A.

 

Quel est le bon souvenir que tu gardes avec les Etalons ?

Je ne sais quoi dire, mais quand j’entendais que j’étais sélectionné en équipe nationale, c’était un grand bonheur pour moi et ça m’encourageait à jouer pour le Burkina. A Bamako, j’ai des amis qui se plaignaient parce que j’ai un petit  frère qui jouait en équipe nationale du Mali. Je me rappelle que lors d’un match des Etalons là-bas, des supporters ont commencé  à me traiter de traître. Mais moi, ça ne me disait rien puisqu’on m’a adopté au Burkina Faso. Pour moi, c’est le même pays.

 

Et la plus grande déception de ta carrière ?

Là, je ne peux pas du tout l’oublier. C’est la CAN 96 en Afrique du Sud où nous avions pris une gifle face à la Zambie. Je venais d’arriver de l’Algérie et c’est Vincent Yé qui m’a soufflé qu’il y avait des problèmes dans l’équipe. Avant notre premier match contre la Sierra Leone, j’ai pu remarquer cela. Il y avait des clans et je pense que dans ces conditions, une équipe même bien préparée ne peut pas obtenir de bons résultats.

 

Issouf à quel âge ?

Je suis né le 11 mai 1967.

 

Es-tu marié ?

Je suis marié et père d’une fille qui est née le 20 avril 1987. C’est l’année où j’ai signé ma première licence à l’EFO.

 

Etant au Mali, suis-tu le football burkinabè ?

J’ai des informations grâce à Aubin Kaboré et Adama Dembélé, qui m’ont informé que c’est le CFO (club de football de Ouagadougou), qui a remporté le titre cette année. Je savais qu’il était en deuxième division et était entraîné avant l’arrivée de Krol par Baya. Après sa montée en D1, quand j’ai appris qu’il a terminé en tête du championnat, je ne croyais pas. C’est à mon arrivée que j’ai eu cette confirmation. Le 4 août dernier, j’ai suivi la finale de la coupe du Faso, qui avait opposé l’USO au RCB.

J’ai aussi vu le match Sénégal # Burkina comptant pour les éliminatoires de la CAN 2008 et le résultat m’a rappelé la rencontre  contre la Zambie.  C’est incroyable ce qui est arrivé aux Etalons après le score de 1-1 à la mi-temps. Pendant la deuxième mi-temps, j’avais entre-temps bougé et quand on m’a donné le score final (5-1), j’étais abasourdi. Et pourtant, l’équipe a bien joué en première période. Elle est composée de jeunes éléments et je pense qu’avec le travail, ça peut aller. Mais je crois qu’au Burkina, il y a un problème au niveau du recrutement des entraîneurs. Il est temps de laisser l’entraîneur pendant quatre ou cinq ans travailler dans la sérénité sinon avec ces changements sans cesse, le Burkina n’ira nulle part.

 

Quels sont les deux dirigeants sportifs qui t’ont marqué au Burkina quand tu étais footballeur ?

C’est Georges Raymond Marchal et Noufou Ouédraogo. Le premier aime ce qu’il fait et quand il vient dans les vestiaires et nous regarde sans parler, nous savons ce qu’il attend de nous. Marchal est un grand monsieur et j’ai beaucoup d’estime pour lui. Quant à Noufou, c’est un mobilisateur et quand il y a un match EFO # ASFA-Y  il nous  lance un défi comme quoi l’Etoile va pâlir. S’il arrivait que l’EFO gagne son équipe, à la sortie du stade, il nous félicitait et qu’au match retour, ce ne sera pas la même chose. Noufou est un homme bien et c’est le supporter numéro 1 au Burkina Faso.

 

Entretien réalisé

par Justin Daboné

L’Observateur Paalga du 5 octobre 2007



05/10/2007
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