L'Heure du Temps (Blog d'Information sur le Burkina Faso)

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Inondation à Bama : Ils s'en souviennent encore

Inondation à Bama

Ils s'en souviennent encore

Il y a un an, exactement le 29 juillet 2007, les habitants de Bama, localité située à une trentaine de kilomètres de Bobo Dioulasso, se réveillaient les pieds dans l’eau, envahis par d’importants flots qui ont monté jusqu’à plus d’un mètre de hauteur. Les eaux avaient presque tout emporté : biens, maisons, ustensiles, habits, argent, petit bétail, etc. L’on pourrait parler de tsunami de Bama, sauf qu’ici on n’a pas, heureusement, enregistré de pertes en vies humaines, grâce à la prompte et forte mobilisation des uns et des autres.

Mais que sont devenues les populations sinistrées un an après le drame ? ; que retiennent-elles de ce qui leur est arrivé et quelles sont leurs préoccupations aujourd’hui ? ; comment vivent-elles ? Bref, c’est autant de questions que nous avons voulu cerner en nous rendant à Bama le 29 juillet dernier.

29 juillet 2008. Nous voilà à Bama, dans une des cours nouvellement reconstruites au quartier autochtone habité en majorité par des Bobo. C’est la cour de Konmon Boureima Sanou (42 ans) dit "Le Gouverneur". A vue d’oeil, tout baigne ici. Mariam Sanou, l’épouse du "Gouverneur", est en train de vendre son dolo. A côté, des enfants jouent aux cartes. Non loin des bambins est étalé sur des tablettes du poisson fumé en vente. A l’autre bout de la cour est exposé au soleil du sorgho germé destiné à la fabrication du dolo. A en juger par l’ambiance bon enfant, il ne viendrait pas un instant à l’esprit d'une personne étrangère non avertie de passage ici, de s’imaginer qu’elle a affaire à une famille sinistrée. Mais c’est bien le cas de la famille de Konmon Boureima Sanou, qui, d’ailleurs, venait juste de rentrer d’un lieu de distribution de vivres achetés grâce à l’aide de partenaires de la Haute Vienne, en France.

Jamais on a vu chose pareille

La famille de M. Sanou, forte d’une dizaine de personnes (son épouse, ses 8 enfants sauf un seul est scolarisé, et lui-même), vit en effet sous assistance depuis les inondations du 29 juillet 2007. Ce jour-là, d’importantes vagues d’eaux avaient littéralement submergé le quartier, emportant presque tout : biens, maisons, ustensiles, habits, argent, petit bétail, etc.

De mémoire à Bama, jamais, l’on n’a vu pareille catastrophe. Certes, par le passé, les habitants de Bama ont connu quelques inondations, notamment dans les années 1976 et 1992. Mais c’était sans commune mesure avec le tsunami du 29 juillet 2007.

"Le Gouverneur" s’en souvient comme si c’était hier : "Ca s’est produit vers 5 h du matin. Avant même qu’on se réveille, l’eau avait déjà envahi nos maisons. L’inondation a commencé chez nos parents qui habitent de l’autre côté du village. Quand ça a commencé chez eux, ils ont pris leurs effets pour venir se réfugier chez nous. Nous, nous les aidions à évacuer leurs affaires de chez eux. Ce qui fait qu’on ne s’est pas vite rendu compte de l’avancée de l’eau. Avant qu’on s’en aperçoive, nos habitations avaient déjà été envahies par les eaux. Et il fallait parer à l’urgence".

Konmon Boureima Sanou n’est pas le seul à se souvenir du drame, tellement il a été terrible. "Le sinistre est survenu suite à une forte pluie qui s’est abattue sur la cité dans la nuit du 28 au matin du 29 juillet 2007. Nous nous sommes retrouvés dans l’eau. Nous avons immédiatement fait appel à nos autorités, à savoir le maire et le préfet, qui, à leur tour, ont fait appel aux autorités provinciales. Le haut-commissaire et le secrétaire général de la province ont pratiquement fait toute la journée du 29 juillet dans l’eau et sous la pluie avec nous", se souvient le délégué des sinistrés.

Mêmes les autorités de la localité qui n’ont pas été directement touchées par le désastre, se rappellent avec forces détails ce qui s’est passé le 29 juillet 2007.

« Une grande pluie est tombée, et vers le petit matin du 29 juillet, nous nous sommes retrouvés dans l’eau. L’eau était montée à plus d’un mètre de hauteur. Les maisons se sont écroulées. L’eau a tout emporté. Tout est parti et la population est restée dénudée.

Il n’ y a pas eu de perte en vie humaine dès le premier jour. C’est quelques semaines après qu’une maison est tombée sur une fille de 15 ans qui y a perdu la vie", retrace le maire de Bama, Siaka Sanou. Et au préfet du département, Alain Galboni, de décrire le film des événements de la journée du 29 juillet 2007 à Bama : "Dès le petit matin du dimanche 29 juillet, j’ai été alerté par le maire et les populations. Je me suis déplacé immédiatement pour voir ce qui se passait. A mon arrivée, je voyais d’importants flots d’eau qui nous séparaient du village touché. Je suis allé tout de suite au bureau et j’ai appelé le haut–commissaire et les sapeurs-pompiers qui sont venus rapidement. Les sapeurs-pompiers ont aidé la population à faire sortir ceux qui étaient condamnés parce que les eaux continuaient à monter. Entre-temps, on a fait venir des pêcheurs traditionnels pour aider les sapeurs-pompiers à extraire les gens des eaux. C’est après tout cela qu’a commencé la prise en charge des sinistrés".Mais, qu’est- ce qui a été fait en faveur des sinistrés depuis la survenue des inondations qui ont touché plus de 8 000 personnes ?

 

Beaucoup de soutiens aux sinistrés

"Pour ce qui a été fait en faveur des sinistrés, nous ne pouvons que remercier le gouvernement burkinabè, les partenaires extérieurs qui se sont présentés lorsque nous avons lancé l’alarme. Nous remercions tout le monde : la presse, les particuliers. Il y a eu un élan de solidarité tel que jusqu’à présent la population se sent quand même à l’aise puisque supportée par les partenaires externes comme internes", explique le maire Sanou.

Le préfet Galboni, en sa qualité de président du Conseil départemental d’urgence (CODESSUR), est encore plus explicite sur la question : "Dès les premiers instants, les sinistrés ont été hébergés sur 8 sites. Et dans ces sites, ils ont été pris en charge sur le plan alimentaire, et jusqu’au 15 juillet 2008. Après cela nous les avons laissés retourner chez eux pour commencer à s’organiser, mais nous avons toujours continué à les appuyer avec l’aide des partenaires. En tout cas, un minimum a été fait pour que les gens puissent se prendre en charge. Ils on été assistés sur le plan alimentaire, et ils sont assistés actuellement afin de pouvoir cultiver. On leur a amené des semences et des intrants pour qu’ils s’en sortent. On continue de recevoir des aides au compte-gouttes dans l’optique toujours de leur permettre de se prendre en charge. Donc, quelque chose a été fait en leur faveur."

Le délégué des sinistrés ne dément pas les propos du préfet et du maire. "Nous avons reçu bien des soutiens de la part d’ONG, de particuliers, etc. Je ne peux pas citer, de peur d’en oublier, tous ceux qui nous sont venus en aide. Dès le premier jour, la Croix-Rouge burkinabè, les sapeurs-pompiers munis de pirogues, par exemple, étaient à nos côtés. Des ONG et bien d’autres structures nous sont venues en appui avec des nattes, des couvertures, des vêtements, des vivres, des fournitures scolaires. Jusqu’à présent, des structures continuent à nous venir en aide.", dit- il.

Doit-on alors conclure que tout baigne à Bama, que les sinistrés sont entièrement satisfaits de ce qui leur a été apporté comme assistance, que leurs préoccupations ont trouvé totalement satisfaction ? Loin s’en faut. Certes, ils ont reçu l’aide d’urgence nécessaire qui leur a permis, sans doute, de tenir jusque-là, mais ils ne sont pas encore sortis de l’auberge. Là- dessus, le délégué Sanou souligne : "C’est bien vrai que nous avons été beaucoup appuyés, mais nous-mêmes, nous entendions nous battre pour améliorer notre situation. Malheureusement, nous avons vécu la sécheresse après les inondations. Ce qui fait que nous traversons une crise sans précédent. Nous avons présentement beaucoup de problèmes. Les gens ont vraiment besoin de vivres pour entamer la présente campagne agricole qui a commencé aussi très tardivement. C’est maintenant que nous enregistrons régulièrement des pluies".

Angoisse et détresse en ces temps pluvieux

A ces difficultés, il faut ajouter l’épineuse question de la réinstallation des sinistrés sur un nouveau site, non inondable. La question a été soulevée depuis longtemps mais n’a jamais eu de réponse satisfaisante. Las d’attendre d’avoir les moyens de rejoindre le nouveau site , les sinistrés ont reconstruit, avec leurs propres moyens et l’aide de quelques structures caritatives, sur leur ancien site. Ils n’avaient pas le choix. La nouvelle saison pluvieuse s’approchant, il fallait bien faire quelque chose. Il fallait donc reprendre les mêmes choses et recommencer, avec tous les risques de revivre un jour les mêmes difficultés. Une situation périlleuse que le maire Sanou explique, quelque peu déçu : "Cela est dû au fait que nous n’avons pas pour le moment reçu d’appui allant dans le sens de la réinstallation des sinistrés sur le site que nous avons identifié pour les mettre à l’abri d’éventuelles inondations. Sur le site choisi pour leur réinstallation, il n’y a ni infrastructure, ni eau. Ce qui fait que les gens ne pouvaient pas y aller".

Dans les habitations nouvellement reconstruites, des difficultés se font déjà jours, sans que les occupants aient forcement les moyens d’y faire face, alors que nous ne sommes qu’en début de saison de pluies, que l’on annonce abondante, ce qui angoisse davantage les populations. Et quand l’homme est confronté à des problèmes dont il n’a pas les solutions, c’est au Tout-puissant qu’il fait naturellement recours. En cela, le délégué des sinistrés, Oumarou Sanou, a su trouver ici les mots justes pour exprimer leur détresse : "Quand il pleut, nous avons des frayeurs mais on se dit que Dieu n’acceptera plus qu’on connaisse le sort de l’année dernière."

Toujours est-il que les populations de Bama, soutenues par des partenaires de la Haute Vienne en France, ont pris l’initiative de faire des caniveaux pour faciliter l’évacuation des eaux de pluies. Ces caniveaux ont été curés par les jeunes dès le début de la saison hivernale. Les habitants de Bama sont donc prêts à jouer leur partition pour l’aboutissement du projet de réinstallation des sinistrés, et ils n’attendent que de l’aide.

Mais la réinstallation, aussi importante et capitale soit-elle, n’enchante pas tout le monde à Bama, même dans les rangs des sinistrés. Elle n’intéresse que les jeunes. Les vieux Do Sanou, chef coutumier âgé de plus de 70 ans, et de Siaka Sanou, patriarche de plus de 80 ans, pour leur part, ne sont pas du tout prêts à quitter l’ancien site, qui, à leur avis, est sacré et ne saurait faire l’objet d’aucun abandon. Pour rien au monde, soutiennent-ils, ils ne quitteront la terre de leurs ancêtres pour un nouveau site, même si on leur propose des millions.

Grégoire Bazié

Le Pays du 7 août 2008

ENCADRE

Bama, un don de la Vallée du Kou

Bama est l’un des départements les plus peuplés de la province du Houet. Sur ses quelques 1300 km2 de superficie vivent environ 80 000 âmes, réparties dans 12 villages. Presque toutes les ethnies du pays sont représentées à Bama. En plus des autochtones Bobo, l’on y trouve une forte communauté mossi, des Peulh, des Gourounsi, des Samo, des Bissas, etc. La présence de nombreuses communautés nationales à Bama est liée en partie à l’aménagement de la plaine rizicole de la Vallée du Kou qui occupe une bonne partie de l’espace départemental, et joue un rôle capital dans le développement de la localité. En effet, c’est la plaine rizicole qui a drainé des colons, venus de toutes les contrées du pays. "Bama est Bama aujourd’hui parce qu’il y a eu la plaine rizicole de la Vallée du Kou", nous assure le préfet du département, Alain Galboni, en poste depuis novembre 2006.

Tout comme on dit de l’Egypte qu’elle est un don du Nil, l’on peut aussi dire que Bama est un don de la Vallée du Kou. A Bama, on cultive presque tout : riz, maïs, mil, banane, etc. Outre l’agriculture, les populations se livrent à d’autres activités tels l’élevage, la pêche, l’artisanat, le commerce. Sur la Vallée de Kou, l’on peut vivre de son métier car, comme l’affirme si bien le préfet Galboni, "A Bama, l’agriculture et l’élevage nourrissent leur homme".

Toutefois, cela devient de moins en moins évident avec la forte pression démographique sur les ressources foncières limitées, entraînant parfois des conflits entre populations autochtones et migrants, entre cultivateurs et éleveurs, ou entre opérateurs agricoles traditionnels et nouveaux acteurs, à savoir les agro-businessmen qui se procurent de grands espaces de 60- 100 ha..

Par ailleurs, Bama qui est une zone de production céréalière et de légumes, souffre cruellement du manque d’infrastructures routières. Des villages productifs comme Tanhogoma et Ziga restent inaccessibles en saison pluvieuse. Comme quoi, le combat pour le développement ici doit aussi passer par le développement de la route.

GBB



07/08/2008
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