L'Heure du Temps (Blog d'Information sur le Burkina Faso)

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L'archevêque de Ouaga propose sa démission

Eglise catholique du Burkina

L'archevêque de Ouaga propose sa démission


Le petit de Bendégo a grandi et vieilli. Ce village non loin de Loumbila a vu naître le 29 juillet 1933 un enfant qui sera par la suite un grand homme d'Eglise. Il s'agit de Mgr Jean-Marie Untaani Compaoré. Unique garçon et fils aîné d'une famille de 5 enfants, l'archevêque de Ouagadougou a dit "oui" au Seigneur en devenant prêtre le 8 septembre 1962. Il devient évêque en 1973. Il chemine avec le cardinal Paul Zoungrana de 1973 à 1979 comme évêque auxiliaire de Ouagadougou avant d'atterrir dans le diocèse de Fada N'Gourma qu'il va diriger pendant 16 ans (de 1979 à 1995). Suite à l'admission à la retraite du cardinal, Mgr Compaoré retourne à Ouaga dont il est l'archevêque depuis 1995. Aujourd'hui, il a 75 ans. C'est à cet âge que tout évêque diocésain doit donner sa disponibilité au pape, qui prend le temps qu'il voudra pour lui trouver un successeur. C'est donc aujourd'hui, 29 juillet 2008, que cette lettre sera envoyée au pape Benoît XVI. A l'occasion de cette retraite annoncée, nous sommes allés échanger avec l'homme d'Eglise dont le franc-parler peut déranger. Mais il est convaincu de ce qu'il dit. Dans l'entretien qui suit, il dit ce qu'il pense du pouvoir actuel, de la vie de l'Eglise...

 

Que s'est-il passé dans la vie de Jean-Marie Compaoré, un certain 29 juillet 1933 ?

 

Ce n'est pas moi qui peux le dire. On m'a dit que cette date correspondait à mon jour de naissance.

 

C'est donc votre 75e anniversaire ce 29 juillet 2008 et on apprend que c'est l'âge qui vous oblige à rendre votre démission au pape ...

 

D'après le droit canon, l'évêque diocésain donne sa disponibilité au pape lorsqu'il atteint ses 75 ans. Il signifie donc à ce dernier qu'il a 75 ans et lui demande s'il lui est possible de jouir de son droit à la retraite.

 

Vous rédigerez donc cette lettre et l'adresserez au pape ?

 

Ce 29 juillet, j'enverrai effectivement une lettre au pape à travers notre Nonce apostolique ici pour donner ma disponibilité.

 

Le pape peut-il refuser votre demande ?

 

Je ne pense pas qu'il refuse mais il peut mettre encore du temps à l'accepter parce qu'un évêque qui va à la retraite n'est pas remplacé en un ou deux jours. Il y a tout un processus que le Nonce apostolique doit initier une fois qu'il a l'accord de Rome. A terme, il trouve 3 personnes épiscopables (ndlr, qui peuvent être nommées évêques) ou déjà évêques, dont les noms seront envoyés à Rome qui décidera de qui va me succéder.

 

Etes-vous le seul évêque du Burkina à être frappé cette année par les exigences du droit canon ?

 

Pour cette année, je pense que je suis seul. Avant moi, il y a eu Mgr Zéphérin Toé (Nouna - Dédougou ndlr) et Mgr Jean-Baptiste Somé (Diébougou ndlr) qui ont pris leur retraite. J'ai été nommé un mois avant Mgr Toé. Mgr Wenceslas Compaoré et Mgr Anselme Sanou sont des promotionnaires mais sont tous mes jeunes frères. Ils ont donc encore à attendre.

 

Evêque auxiliaire à Ouaga, évêque de Fada N'Gourma et enfin archevêque de Ouaga, quel a été l'étape qui vous a le plus marqué ?

 

Tout le monde sait que mon passage à Fada reste vraiment pour moi le plus significatif. Je me suis bien senti durant mes 16 années à Fada N'Gourma. Lorsqu'on m'a demandé de quitter Fada pour Ouaga, j'ai beaucoup hésité. Mais je me suis dit : "Si l'Eglise pense que ma place est à Ouaga, alors j'accepte". On ne se donne pas à l'Eglise pour être bien là où on est, mais on est d'abord un serviteur. C'est ce service que j'ai voulu accepter en revenant à Ouaga.

 

Est-ce pour tout cela que Fada a "gourmantchisé" le Mossi que vous êtes en vous collant le nom "Untaani" ?

 

Dès mon arrivée et à mon intronisation, à laquelle a assisté le chef Yemtangou de Fada, 3 noms gourmatché m'ont été donnés. Je ne me rappelle plus les deux autres mais c'est "Untaani" que j'ai retenu et conservé.

 

Pourquoi ce nom vous a-t-il particulièrement séduit ?

 

Ce nom est composé de deux mots gourmantché : "Untéinu" qui est Dieu et "Taani" qui veut dire rassembler. Untaani, c'est donc celui qui rassemble, le rassembleur. C'est comme cela que j'ai interprété les choses. A Fada, au niveau de l'Eglise catholique, les Mossi étaient plus nombreux que les Gourmantché. Je crois que le chef a pensé que peut-être mon arrivée pouvait faire en sorte que Mossé et Gourmantché cheminent harmonieusement au niveau de l'Eglise. Je suis très heureux d'avoir été de cette église du Gourma.

 

Quel est votre état de santé aujourd'hui ?

 

A 75 ans, je me rends compte que j'ai vieilli sur plusieurs plans (pas seulement sur celui physique). Sur le plan du dynamisme, on est un peu amorti ou un peu en retard parfois. Il faut que l'Eglise progresse et c'est pour cela que c'est avec joie que je vois arriver le temps pour moi de me mettre de côté pour que quelqu'un d'autre continue à parfaire ce que nous avons essayé de faire avec la grâce de Dieu.

 

Quel est l'état des lieux de la chrétienté au Burkina ?

 

L'Eglise du Burkina est vivante. Sa hiérarchie est très unie, à l'image des 13 évêques. Nos diocèses ont fait l'effort de vivre cette option qui a été prise par le Burkina en 1977, c'est-à-dire "l'Eglise-famille". Nous avons essayé d'inculturer notre Eglise en choisissant l'objectif d'implanter ici une Eglise-famille non seulement sur le modèle de la Sainte-famille, mais aussi sur celui de notre famille africaine extirpée de ses tares. Depuis ce temps, je peux dire que le Burkina est leader dans pas mal de domaines. Le dynamisme de la vie chrétienne au Burkina est reconnu et parfois envié. Les évêques ont décidé, en 2000, d'être missionnaires en envoyant des prêtres dans les pays environnants. Ce n'est pas que nous en ayons assez, mais simplement parce que nous devons aider les autres dans la mesure de notre possible.

 

Comment jugez-vous votre collaboration avec la politique ?

 

Du fait de mon nom Compaoré, on a tendance à dire que j'ai des accointances avec la politique actuelle. Dans la vie, on ne s'oppose pas pour s'opposer. En politique, il n'y a pas d'homme parfait, mais comme je l'avais dit, le président Compaoré (ndlr, Blaise) n'est pas pire qu'un autre. Il n'y a donc pas de raison pour moi d'être contre lui. Il n'y a pas de raison particulière non plus pour que je dise que je suis à 110% pour lui. Il y a eu cette polémique lorsque j'avais dit à l'occasion d'une élection présidentielle que je ne voyais pas d'autre personne que le président Compaoré. C'était vraiment en considérant toute la scène politique.

Cela a suscité un tolé. Il ne faut pas être hypocrite mais véridique. On dit que si je dis cela, tout le monde va s'aligner derrière moi. Au Burkina Faso tout le monde sait qu'il n'y a aucun chrétien qui s'aligne sur ce que les évêques disent en matière de politique. Tous les chrétiens savent qu'ils sont libres de voter qui ils veulent. Pour preuve, il y a des chrétiens qui sont dans des partis autres que celui de Blaise Compaoré.

En faisant de telles déclarations, j'avais voulu simplement jouer la vérité. Je suis à 110% pour l'alternance ; mais je ne suis pas pour l'alternance pour l'alternance. Cette idée d'alternance est vraie et fondée. L'Occident, qui fait cette pression pour l'alternance, a d'abord vécu la royauté. C'est au cours d'une certaine évolution que tout ce changement est arrivé. Il faut qu'on choisisse quelqu'un capable de présider aux destinées d'un pays. Changer pour changer n'est pas la solution. Nous sommes dans une politique où c'est la place pour la place. Je suis, certes, pour l'alternance mais en analysant la situation actuelle de mon pays, j'ai dit donc que le Burkina n'avait rien à gagner avec l'alternance.

 

Propos recueillis par Alexandre Le Grand ROUAMBA

Le Pays du 29 juillet 2008



29/07/2008
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