L'Heure du Temps (Blog d'Information sur le Burkina Faso)

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L'odyssée d'une sourde

ENEP de Loumbila

L'odyssée d'une sourde

 

Elle s’appelle Irène  Wendbénédo Zongo et fait partie de la 22e promotion de l’Ecole nationale des enseignants du primaire (ENEP) de Loumbila. Ce qui peut paraître atypique voire surprenant pour plus d’un, c’est que l’enseignante est atteinte de surdité depuis l’âge de 11 ans alors qu’elle était au Cours élémentaire deuxième année (CE2). Qui est cette jeune fille de 24 ans, première institutrice avec un tel handicap à sortir d’une ENEP ? Echanges avec Irène le 2 août 2007 au domicile d’une de ses bienfaitrices à Ouaga, Lenie Hoegen Dijkhof.

 

Si l'histoire de Wendkuni Zongo, l’infirme et orpheline du village de Yorgho dans le Boulkiemdé, paru dans notre édition du mardi 24 juillet 2007, a suscité émotion, indignation et apitoiement, entraînant du même coup une grande chaîne de solidarité avec elle, celle d’Irène Wendbénédo Zongo, nouvellement sortie de l’ENEP de Loumbila, est par contre réconfortante. Mais cet optimisme n’a pas encore effacé les dures épreuves qui ont jalonné sa vie de personne handicapée. En effet, nous confie aujourd'hui celle qui est devenue institutrice à la force du poignet si on ose dire, si on ne se moquait pas d’elle, c’est par des cailloux que certains l’interpellaient ou qu’on attirait son attention. Outre  ces scènes humiliantes, l’ignorance par les parents de certaines maladies dont sont victimes brutalement leurs enfants ou leurs proches amène certains d'eux à traiter leurs rejetons de paresseux.

Telle a été à un moment donné l'existence d’Irène Wendbénédo Zongo, originaire de Laye, qui, de manière subite, n’entendait plus rien en classe. Incompris par ses géniteurs, au départ, son état s’aggravera plus tard avec des problèmes pour se déplacer. Dès lors, son père, Alexandre G. Zongo, aujourd’hui blanchisseur à la retraite, et sa mère, Béatrice, ménagère, engagèrent une bataille avec les moyens du bord, c'est-à-dire pas grand'chose, pour sauver leur fille. Irène, qui porte fièrement une croix autour du cou, croit dur comme fer que ce sont les prières, qu’elle aurait exigées de ses parents à bout de souffle, qui ont amélioré, en définitive, sa santé.

 

Marie Thérèse Ratiau, la bonne samaritaine

 

Main de Dieu ou pas, elle a en tout cas repris le chemin de l’école, mais cette fois-ci à l’Institut des jeunes sourds du Faso où elle a toujours été meilleure élève du CE2 au CM2. Elle obtiendra son certificat d’études primaires (CEP) en 1997. Alors que les responsables de l’Institut, compte tenu du fait qu’il n’existait pas d’établissement secondaire spécialisé pour les sourds, proposaient aux parents de la jeune fille de lui faire poursuivre dans un atelier de formation de métiers, ces derniers optèrent pour qu’Irène s’inscrive dans un collège avec comme argument qu’elle est intelligente.

Finalement, la certifiée se retrouva dans un collège à Pissy avec de gros problèmes pour s’adapter au rythme des non-sourds, même avec ses prothèses auditives. Elle s’accrocha jusqu’à l’obtention de son BEPC (brevet d’études du premier cycle) en 2003. L’année suivante, elle mit le cap sur le lycée Bambata de Ouagadougou où elle s’inscrivit en seconde AC. Mais ses ennuis de santé refirent surface, ce qui l’amena à séjourner à l’hôpital Yalgado. Ce fut une période difficile pour la jeune malentendante qui confie qu’à l’époque, son médecin l’avait déclarée "atteinte de troubles mentaux". Grâce à la Fondation Liliane,  elle fut envoyée à Lomé où elle subit une intervention. De retour du pays d’Eyadéma, elle dit être retournée voir le médecin de Yalgado qui se serait confondu en excuses.

 

A Loumbila : résistances, réserves mais finalement affection...

 

C’est du côté de Ouahigouya où Irène a tenté une aventure dans l’enseignement au niveau de l’école Pella 1, qu’elle fera la rencontre de Marie Thérèse Ratiau née Zerbo de SHC (sensorial handicap coopération), basé en Belgique. Celle-ci, une fois repartie en Europe, lui promit de trouver des fonds pour lui payer les frais de formation (plus de 370 000 FCFA) dans une ENEP. Mais auparavant, il a fallu qu’Irène arrache une des 300 places convoitées par plus de 1500 candidats au test de recrutement pour le complément d’effectifs à l’ENEP. Le 18 octobre 2006, elle entrait à celle de Loumbila pour en ressortir le 28 juillet 2007 munie d’un diplôme de fin d’études. A Loumbila, indique-t-elle, tout le monde, en commençant par les premiers responsables de l’école ont, au début, manifesté de la résistance et de la réserve à son endroit, avant de l’adopter plus tard.

«Aujourd’hui, le directeur général de l’ENEP de Loumbila, Seydou Nassouri, et tous les enseignants sont contents de moi ; ils m’ont entourée de leur affection ainsi que mes camarades», s’est réjouie l’institutrice, tout en disant vouloir recourir à Seydou Nassouri, avant de déposer sa candidature pour le test d’intégration à la Fonction publique qui aura lieu le 11 août 2007. En effet, celle-ci craint d’être rejetée du fait de son handicap dans la mesure où on n'est pas vraiment habitué, et c'est un euphémisme, à voire une instit sourde. Pour l’heure, SHC Burkina et Belgique ont fêté le succès d’Irène Wendbénédo le 31 juillet 2007. Une petite collation fort sympa au cours de laquelle elle a reçu un portable. Avec cet appareil, la bénéficiaire communique avec ses correspondants par  SMS, et c'est déjà ça de gagné.

Le vœu le plus cher de l’enseignante, c’est que l’Etat burkinabè ouvre davantage les yeux sur l’avenir, en terme d’enseignement et d’instruction, des personnes handicapées qui, dit-elle, sont destinées le plus souvent aux petits métiers  quand ils ne sont pas tout bonnement au ban de la société.

 

Cyr Payim Ouédraogo

L’Observateur Paalga du 9 août 2007



08/08/2007
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