L'Heure du Temps (Blog d'Information sur le Burkina Faso)

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Le chien mord parfois la main qui l'a nourri

Paskitan

Le chien mord parfois la main qui l'a nourri

 

Après une semaine de siège, l’armée pakistanaise a fini par passer à l’assaut de la Lal Masjid, la Mosquée rouge nichée au cœur d’Islamabad, non loin du quartier des ambassades. Cette situation était devenue inéluctable suite à l’échec des négociations entreprises par des dignitaires religieux. Depuis, tout le monde savait pertinemment que l’argument de la force allait prendre une ascendance irréversible sur la force de l’argument. Et ce qui devait arriver arriva. Face à des islamistes qui refusent de se rendre aux autorités, les soldats du général-président Pervez Musharraf ont employé la manière forte pour déloger ces «fous de Dieu» qui entendaient imposer la loi islamique dans le pays.

Cette triste affaire trouve ses prémices dans la volonté affichée et farouche de l’iman Abdul Rashid Ghazi et de ses élèves coraniques d’instaurer «une loi islamique au sens rigoriste» dans la capitale pakistanaise. Pour ce faire, le leader religieux incitait ses partisans à mener une campagne moralisatrice active. Depuis, des groupes de jeunes militantes portent la burqa tandis que des talibés enlevaient et torturaient à mort des femmes accusées de prostitution. Ces fondamentalistes avaient fini par devenir un symbole du défi lancé par le mouvement à l'Etat. C’est donc pour mettre fin à cette situation que l’armée a été mise à contribution.

Après avoir montré du muscle surtout après l’échec des négociations, la grande muette pakistanaise est passée aux actes en allant à l’assaut  de la fameuse Mosquée rouge dès mardi soir. L’offensive s’est poursuivie dans la journée d’hier avec un avantage très net pour l’armée qui avait pris le contrôle de la quasi-totalité de ce complexe islamique.

Naturellement l’assaut s’est soldé par une soixantaine de morts dans le camp des fondamentalistes dont leur chef, l'imam Abdul Rashid Ghazi. Mais au moment où on traçait ces lignes, on n'avait pas encore une idée très précise de ce qu’étaient devenus les nombreux enfants et femmes dont les islamistes se servaient comme boucliers humains.  En effet, le bilan est difficile à établir d’autant plus que nul ne sait exactement combien de personnes étaient à l'intérieur du complexe quand l'assaut a commencé mardi avant l'aube. Plus de 1 200 personnes en étaient sorties pendant le siège, qui a fait suite à des accrochages le 3 juillet. Certaines sources avançaient des chiffres allant de plusieurs centaines à 2 000 personnes dans la mosquée avant l’attaque. Si l’armée a estimé à environ 300 le nombre de personnes se trouvant dans la bâtisse avant l'assaut, le chef des irréductibles, lui, avait annoncé être entouré de  plus de 1 800 fidèles, tous prêts à mourir en martyrs.

S’il y a une chose qu’il faut dénoncer avec la dernière énergie, c’est bien l’utilisation éhontée des femmes et des enfants comme boucliers humains par des gens qui, pourtant, se disent prêts à mourir.

Ce triste épisode vient rappeler la fragilité même du pouvoir du général Musharraf, qui est ainsi pris dans son propre piège. Après les attentats du 11 septembre 2001, comme par un effet magique, les Américains avaient subitement trouvé en lui des charmes et ont commencé à lui faire une cour assidue. Des avances qu’il a vite fait d’accepter alors même que son peuple, dans une écrasante majorité, n’était pas favorable à cette accointance avec des «cafres yankees». Du coup, le général s’était lancé dans la résolution de la quadrature du cercle : satisfaire les Américains sans trop froisser les siens.

C’est dans cette entreprise qu’il a dû faire des concessions aux islamistes, en ne leur menant pas la vie si dure que ça surtout que les soldats de Bush n’avaient pas encore les mollahs pakistanais dans leur ligne de mire.

Au pays de l'Oncle Sam, on ne se doutait aucunément que partout un mollah reste un mollah.

Et ce qu'il  faut dire de manière explicite, c'est que, loin d'être un pion de l'Oncle Sam, le Président pakistanais semble jouer un double rôle, c'est-à-dire au chat et à la souris entre les méchants mollahs et les impies Yankees.

C’est donc cette sorte de laisser-faire qui va contribuer à renforcer çà et là le pouvoir des leaders religieux et même à les pousser à armer leurs talibés. Avec ce qui s’est passé à la Mosquée rouge, on peut dire que finalement, c’est le chien que Musharraf a élevé qui voulait maintenant lui mordre les doigts.

Mais cet épisode n’est certainement qu’un épiphénomène comparé à ce que sont capables de faire les mollahs dans les zones tribales où l’Etat n’a pas prise sur des territoires entiers. Et c’est l’Etat qui doit  lui-même se mordre les doigts en prenant conscience de la terrible force de frappe et de tout l’arsenal de guerre que des leaders religieux ont constitué dans des mosquées et autres madrasas.

Maintenant, Islamabad pourra-t-il secouer le cocotier pour assainir ces centres islamiques d’un autre genre où, comme dans une caserne, le talibé est beaucoup plus souvent en contact avec une kalachnikov ou des explosifs plutôt qu’avec le Coran ou la tasbi (chapelet musulman) ? La vraie question est de savoir si Musharraf aura non seulement la volonté mais surtout le courage d’entamer un nettoyage des écuries d’Augias.

Ce qui est sûr, avec ce dénouement sanglant, plus que jamais, c’est la fin de la récréation entre le pouvoir et ses anciens protégés. Il faut désormais craindre un conflit ouvert avec les islamistes, et même l’embrasement généralisé du Pakistan voire de l’Afghanistan, la bretelle territoriale pour ne pas dire religieuse entre les deux pays étant très poreuse et très inflammable. Une telle perspective se révèlerait une patate très chaude qui ne va pas simplifier la tâche à un George Bush, parrain de Musharraf, qui a déjà  du mal à casser de l'Al-Qaïda en Irak.

Sans qu’on ne s’en aperçoive, cette affaire de la Mosquée rouge pourraient avoir des répercussions planétaires donnant ainsi un prétexte à des djihadistes de tout poil de reprendre le maquis. On pourrait alors assister à une redéfinition de la géostratégie mondiale. 

 

San Evariste Barro

L’Observateur Paalga du 12 juillet 2007



11/07/2007
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