L'Heure du Temps (Blog d'Information sur le Burkina Faso)

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Le fils aîné quitte la maison (Sénégal & Ascena)

Défection du Sénégal de l'ASECNA

 

Le fils aîné quitte la maison

 

Youssouf Mahamat, le directeur général de l'ASECNA, a beau se répandre en dénégations et formules diplomatiques, las, notre information parue dans une "Lettre pour Laye" du vendredi 9 novembre 2007 semble se conformer : l'aiguilleur principal  du ciel africain, l'Agence pour la sécurité de la navigation aérienne en Afrique et à Madagascar (ASECNA) traverse bel et bien une zone de turbulences.

D'abord, c'est Madagascar qui s'est retirée de la structure il y a quelques semaines de cela pour des "raisons liées aux ressources financières" et aussi au regard de l'immensité de son territoire, dont les redevances éventuelles suffisent à financer la gestion des aéroports et aérodromes du pays.

On en était là à déplorer cette défection de la Grande Ile et à penser que même si elle aura des conséquences, elles seraient minimes  (comme celles du départ de la Mauritanie de la CEDEAO), et voilà que c'est le Sénégal qui annonce le 14 novembre 2007 qu'à partir de mai 2008, il va prendre en charge  la sécurité de son espace aérien. Autrement dit qu'il quittera également l'ASECNA. Les raisons de ce lachage ont été déclinées par Farba Senghor, le ministre sénégalais des Transports terrestres et des Transports aériens en ces termes : "L'exploitation de l'espace aérien sénégalais... surtout la gestion de toutes les recettes a enregistré beaucoup d'insuffisances, décriées par un centre régional de contrôle de la navigation aérienne... Face à ces responsabilités, le Sénégal a décidé de relever le défi afin de continuer à mériter la confiance des usagers du ciel africain et de la communauté de l'aviation civile internationale, en reprenant la gestion de son espace aérien en vue de fournir un service de qualité soutenu par des équipements de pointe compétitifs et un personnel qualifié... Les partenaires sociaux marquent leur accord pour la création d'une structure qui pourrait être dénommée Aéroport du Sénégal... chargée de gérer la période transitoire vers l'aéroport de Diass, le nouvel aéroport en construction depuis avril dernier, à environ 50 km à l'est de Dakar".

Ça y est donc, le Sénégal décroche aussi de l'ASECNA, fait gravissime de la part de ce qui était la capitale de l'Afrique occidentale française (AOF),  le pays de Senghor, le président-poète, qui prônait le regroupement par cercles concentriques, pour atteindre le sommet.

Evénement gravissime également pour le pays d'Abdoulaye Wade, l'un des chantres actuels de l'avènement rapide des Etats-Unis d'Afrique, celui-là même qui pérorait pas plus tard qu'en juillet 2007 à Accra, lors du sommet des chefs d'Etat de l'Union africaine (UA), disant que "Le Sénégal est prêt à renoncer à sa souveraineté nationale pour que les Etats-Unis d'Afrique soient une réalité".

Question nodale : si le Sénégal est un partisan fieffé de l'Union africaine, pourquoi est-il en train de démanteler un outil intégrateur comme l'ASECNA ?

Ce départ sénégalais est lourd également de conséquences pour ces "travailleurs du ciel", car ce pays abrite le siège de l'institution. Ironie de l'histoire, c'est à Saint-Louis, toujours au Sénégal, en 1959, que l'ASECNA a vu le jour avec 14 membres fondateurs. De nos jours elle compte 18 pays. A ce titre, le Sénégal faisant figure de fils aîné, il devrait, en toute logique, être le dernier à manifester une volonté d'individualisme.

Or, c'est le fils aîné qui donne le mauvais exemple, même s'il est vrai que l'article 10 de la Convention de Dakar de 1974 stipule que tout Etat membre de l'ASECNA peut s'en retirer pour "assurer les services garantissant la sécurité des vols dans l'espace aérien à sa charge et gérer ou entretenir toute exploitation d'utilité aéronautique... en vertu des contrats particuliers".

Passons que le Sénégal veuille engranger des sous pour renflouer ses caisses, tenaillé qu'il est par le renchérissement des denrées de première nécessité, la crise de l'énergie... Mais qu'il ne le fasse pas sur le dos de l'ASECNA, qui est un exemple réussi d'intégration africaine !

A ce rythme, on voit les choses venir, chaque pays voudra gérer son lopin de ciel avec ce que cela comporte comme désagrément. Déjà on annonce que le Congo-Brazzaville et la Mauritanie veulent emboîter le pas au Sénégal.

A l'évidence, c'est là le syndrome Air Afrique, et certaines langues fendues au mauvais endroit susurrent que ce qui arrive à l'ASECNA serait l'œuvre d'une grande compagnie européenne qui voudrait "régner" sur le ciel africain. Vrai ou faux ? En tout cas, ce qui ressemble à un démantèlement de l'Agence n'honore pas les Africains.

Mais peut-être aussi qu'on assistera à un retour au bercail de l'enfant prodigue, et de tous ceux qui seraient tentés de le suivre, car, comme l'a rappelé Youssouf Mahamat, qui estime qu'il n'y a pas péril en la demeure, "des situations similaires ont été vécues dans le passé avec le Mali et la République centrafricaine, fort heureusement la sagesse et les impératifs opérationnels ont permis à ces Etats membres de réintégrer l'Agence". On voudrait bien le croire.

 

Zowenmanogo Dieudonné Zoungrana

L’Observateur Paalga du 16 novembre 2007



16/11/2007
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