L'Heure du Temps (Blog d'Information sur le Burkina Faso)

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Le jour où le pardon enterre la vérité

 Le jour où le pardon enterre la vérité

 

La journée dite du pardon a eu lieu et chaque année on s'évertue à exhiber son incidence sur la vie socio-politique du pays. Pour cet anniversaire, on parle d'une « accalmie sur tous les fronts », d'acceptation du pardon par une « grande partie du peuple », sauf une « infime partie » des familles de victimes, de 3 milliards 685 de F CFA versés aux victimes des violences en politique.

30 mars 2001- 30 mars 2007 : cela fait déjà six ans que s'est tenu dans la cuvette du Stade du 4 Août, la Journée nationale du pardon. Journée inédite non seulement par son motif mais aussi par les débats qui ont entouré son organisation.
Motif, car vu la situation socio politique de l'époque, des sages avaient préconisé la mise en œuvre d'un principe de sortie de crise : vérité-justice-réconciliation.
Un principe dont l'interprétation donnera lieu à des débats houleux : les uns, c'est-à-dire les autorités politiques et leurs supporters privilégiant mettre la réconciliation en première ligne, les autres, autrement dit, le Collectif et leurs partisans, rappelant qu'il faut avant tout la vérité et la justice sur les crimes politiques et économiques avant une quelconque réconciliation. Le débat a été tellement important qu'il a fait l'objet d'une étude scientifique à travers son traitement par les médias. Au sein de la presse, la bipolarisation des positions est encore ressortie. Pour notre part, cette journée comportait des ambiguïtés. Dans son rapport de fin juillet 1999, le Collège des sages indiquait la voie à suivre dont la trilogie évoquée plus haut : la voie de la vérité, celle de la justice et celle de la réconciliation. Contrairement à l'esprit de leur recommandation selon lequel on ne peut véritablement pardonner qu'à celui qui se déclare coupable- et donc la vérité d'abord, les membres du Collège des sages dont les autorités coutumières, religieuses et les anciens chefs d'Etat ont choisi la démarche du régime en place et dans cet élan, les chefs religieux ont joué sur les textes sacrés et les coutumes pour embarquer leurs fidèles. La journée dite du pardon a eu lieu et chaque année on s'évertue à exhiber son incidence sur la vie socio-politique du pays. Pour cet anniversaire, on parle d'une « accalmie sur tous les fronts », d'acceptation du pardon par une « grande partie du peuple », sauf une « infime partie » des familles de victimes, de 3 milliards 685 de F CFA versés aux victimes des violences en politique… Finalement, on ne retient que des résolutions de forme. D'abord sur cette manne financière sur laquelle se ruent beaucoup de familles, et là, il faut être éligible comme c'est le cas au niveau de l'AGOA ; ensuite, il y a ces rues et mausolées à la mémoire des disparus, enfin la victoire politique du régime en place qui a su conforter les fondements d'une démocratie sans alternance. Sur beaucoup de points, il faut noter que les questions de fond continuent de se poser. Prenons un cas : parmi les victimes de la violence en politique, il y a en bonne place, Thomas Sankara. Il y a aussi que contrairement, à certaines familles, sa famille voulait d'abord la vérité et la justice sur sa mort. Raison pour laquelle elle n'a pas pris partie pour cette JNP. Néanmoins, le pardon que les coupables ont imploré au Stade de 4 Août, pouvait avoir un effet sur le sort réservé à tous ceux là qui admirent Thomas Sankara et promeuvent ses idées. Rien que tout récemment, les œuvres de certains artistes qui consacrent un peu de leur temps à l'homme, ont fait l'objet de censure. Ils ont même reçu des menaces. Alors, voilà des hommes qui ont tué un homme, qui ont demandé pardon pour ce qu'ils ont fait mais qui refusent que des citoyens parlent de lui ; qui ne supportent pas l'évocation de son nom. C'est là l'exemple d'une hypocrisie notoire de la JNP. Ils l'ont acceptée parce que ça les arrangeait ; ils l'ont acceptée parce que ce n'était qu'un simple rituel de paroles à prononcer, des colombes à lâcher dans le ciel rougeâtre de Ouagadougou. Le reste, « on s'en fout ». Pour ce qui reste de la trilogie, notamment ses deux premières composantes- la Vérité et la Justice-, on n'en parle plus. Parce que ce n'est plus nécessaire. Le peuple « a pardonné », ça suffit ! Or, maintes fois devant les caméras, dans les colonnes de journaux, et aux tribunes du Stade du 4 Août, ils ont dit que le pardon n'est pas synonyme de déni de justice et/ou de vérité. Ils ont dit que ce n'est pas une prime à l'impunité, que ce n'est pas non plus une amnistie générale pour les tueurs. Cependant, l'histoire donne raison à ceux qui étaient persuadés que ladite journée nationale de pardon n'était qu'un échappatoire, une occasion pour le régime de se jouer des Burkinabé. Elle a surtout consolidé l'impunité parce que le catharsis social n'a pas eu lieu, parce qu'on a demandé de « pardonner » sans que personne ne se considère coupable de quoi que ce soit. Si fait que l'on peut dire avec juste raison, que les troubles sociaux et les scènes macabres auxquelles les Burkinabé sont obligés de s'habituer, ne sont que le pur produit et/ou la continuation du climat d'impunité qui règne.

Bendré du 3 avril 2007



05/04/2007
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