L'Heure du Temps (Blog d'Information sur le Burkina Faso)

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Le malade est encore convalescent

Togo

Le malade est encore convalescent

 

Le mardi 5 février dernier, le général Président Gnassingbé Eyadéma passait de vie à trépas après 38 ans passés à la tête du Togo. Au pays d'Eyadéma, où le Rassemblement du peuple togolais (RPT) fait la loi, on ne tarda pas à introniser un de ses fils, Faure qu'il s'appelle.

Stupéfaction et indignation générales de la communauté internationale, car une telle dévolution du pouvoir violait de manière flagrante les dispositions constitutionnelles en matière de succession au sommet de l’Etat. Bien entendu, cela s’est passé avec la bénédiction d’une armée acquise au clan Gnassingbé et nous avons vu à la télévision les membres du haut commandement militaire faire allégeance au président fraîchement "intronisé".

Soumis à de fortes pressions, le jeune chef d’Etat n'avait aucunement le choix et a été bien obligé de revoir sa copie, de renoncer à son mandat de président par intérim. Mais il se présentera comme unique candidat de l'ex-parti unique à l’élection présidentielle d’avril 2005 et sera déclaré sans surprise, vainqueur avec 60,6% des voix. Une consultation électorale dont la régularité a été vivement dénoncée par l’opposition. Il s’en est suivi de graves affrontements meurtriers à Lomé. Cette élection, plutôt que de réconcilier la classe politique  avec elle-même d'une part et avec le peuple de l'autre, a consacré sa division. Dans ces conditions, il était difficile à l’Union européenne de lever ses sanctions, qui frappaient  durement ce pays depuis le début des années 90, lorsque Gnassingbé père régnait tout simplement en roi sur cette "ex-Suisse d'Afrique".

Près de trois ans après la mort du timonier national et l’arrivée de Faure Gnassingbé au pouvoir, où en est le pays ?

Une chose est sûre : le Togo d’Eyadéma père n’est plus le même que celui de son fils. Doucement, avec le soutien des uns et des autres, le régime s'est démocratisé. Cela n'avait d'ailleurs rien de surprenant vu que le nouvel homme fort de Lomé, qui a fait de très bonnes études, fait preuve de plus de dispositions démocratiques que son père, qui a blanchi sous le harnais et qui se fichait comme de sa première barboteuse de donner la parole au peuple, de desserrer quelque peu son régime militarisé. C'est dire  que Faure est plus perméable à la critique, car il est l'homme de son temps, beaucoup plus à l’aise que son ex-sous-officier de la coloniale de père. Le jeune président, il est vrai, accepte et tolère plus la contradiction. Mais si Faure était plus enclin à donner un soupçon de liberté à son peuple, il faut dire qu'il ne pouvait aucunement faire autrement, vu le contexte dans lequel il est arrivé au pouvoir. L’instauration d’une dictature étant difficile pour lui, à cause de l’environnement international, de plus en plus hostile à l’émergence de petits despotes, Gnassingbé-fils ne pouvait que miser sur l’ouverture démocratique pour pouvoir tranquillement gouverner son pays.

C’est dans cet élan que pouvoir et opposition se sont accordés sur le choix d'un médiateur, Blaise Compaoré, le président du Faso. C’est ainsi que sont nés le dialogue intertogolais et cette médiation qui a permis une plus grande décrispation des rapports politiques avec à la clé un Premier ministre issu de l’opposition et un gouvernement d’union nationale. Un dégel qui a favorisé la tenue des législatives du 14 octobre dernier mais aussi et surtout la reprise de la coopération avec un partenaire stratégique, l’Union européenne, qui avait  depuis fermé le robinet financier à "l’ancienne Suisse" d’Afrique. Un geste bruxellois qui vise surtout à encourager Lomé à persévérer dans l’effort démocratique.

Deux ans après son arrivée au pouvoir, Faure Gnassingbé est en train de réussir la relance du pays à travers une démocratie apaisée et une remise de l’économie nationale  sur les rails. Il a pu, quoiqu’on dise, contenir les fougues de ses opposants.  Tout cela constitue un bon point à mettre à son actif.

Mais le fils d’Eyadéma a encore beaucoup de progrès à faire pour s’émanciper véritablement des clans qui l’entourent, qui l’ont couvé, pouponné et qui ont guidé ses premiers pas (les plus hasardeux et les plus malheureux d’ailleurs) lorsqu’il a pris les rênes du pays comme on le ferait en monarchie. Ces clans sont notamment l’armée, la famille et certaines pontes du RPT.

Le jeune président en a pleinement conscience, puisqu’il a réussi à faire d’une pierre deux coups. En effet, en déboulonnant du ministère de la Défense le colonel Kpatcha, son frère aîné, Faure a ainsi donné un coup de pied dans la fourmilière comme pour dire que désormais c’est lui le véritable patron de la famille Gnassingbé mais aussi de l’armée. Le message, on l’espère, a été bien reçu par la grande muette, puisque si le président n’est pas complaisant avec son propre frère, avec qui le sera-t-il ? Dorénavant, chacun fera attention à l'endroit où il met les pieds. Le RPT demeure une  grosse machine d’où peut poindre le poignard qui pourrait lui être fatal, mais Faure sait protéger ses arrières puisqu'il a lui aussi ses hommes dans le système.

Maintenant que le chef d’Etat togolais semble détenir pleinement toutes les cartes en main, il doit éviter de se laisser griser par ses relatifs succès mais aussi et surtout éviter la monarchisation  de son pouvoir. Il doit garder à l’esprit qu’il a été élu pour servir non une famille, un parti politique, même pas lui-même, mais tous les Togolais.

Plus que jamais, il doit retrousser ses manches avec tout le peuple en se mettant au travail, car le Togo, cet Etat qui a longtemps été malade (politiquement et économiquement), est encore un grand convalescent. Le pays n'est pas totalement tiré d'affaire et il faut continuer à lui administrer de fortes doses de démocratie et de bonne gouvernance. On pourrait le préparer à recevoir aussi une dose de ce remède encore introuvable dans beaucoup de nos démocraties bananières  : l’alternance.

En attendant, Faure doit savoir que c’est grâce à sa belle façon de conduire et de gérer son pays qu’il entrera dans l’histoire par la grande porte en réussissant à faire oublier son intrusion inopportune au palais présidentiel le 5 février 2005 !

San Evariste Barro

L’Observateur Paalga du 7 février 2008



07/02/2008
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