L'Heure du Temps (Blog d'Information sur le Burkina Faso)

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"Le souci alimentaire a triomphé" (Koffi Niamkey du PDCI à propos de Fologo)

Koffi Niamkey du PDCI à propos de Fologo

"Le souci alimentaire a triomphé"

Avoir un entretien avec l’ancien président Henri Konan Bédié (HKB) est un grand coup que les membres du Réseau informel des journalistes burkinabè (RIJ) qui étaient à Abidjan du 9 au 19 mars 2008 grâce à l’Institut Goethe, à Air Burkina et à l’ONATEL tenaient à réussir. Munis d’adresses de confrères ivoiriens, dès notre arrivée, nous multiplions les appels téléphoniques pour trouver celui-là qui pourrait nous introduire auprès de l’homme court de Daoukro. En piochant de gauche à droite, nous avons fini par obtenir le contact téléphonique de son chargé de communication, Emile Ebrottié.

L’objet de notre séjour et notre intention de rencontrer HKB lui sont exposés. "Rappelez-moi dans la soirée", répond-il. En fin d’après-midi, nous le recontactons. Rendez-vous est pris dans une station d’essence située en face de la Radiotélévision ivoirienne (RTI). Emile Ebrottié nous reçoit avec enthousiasme et demande des nouvelles de certains de nos compatriotes, dont Pascal Yemboini Thiombiano, rédacteur en chef de la TNB, qui a été son étudiant. Puis, nous sommes invités à manger dans un restaurant qui appartient à un fan du chef de l’Etat burkinabè qu’on appelle "Ami de Blaise Compaoré". Champagne et poulet "kédjénou" accompagné de riz blanc sont servis aux hôtes que nous sommes. Pendant ce dîner à l’improviste, le chargé de com téléphone au président Bédié, qui se trouvait dans son village natal, Daoukro. Il lui explique notre désir de le rencontrer pour échanger sur la crise ivoirienne et la présidentielle prochaine. Pour un problème de "calendrier trop chargé", Henri Konan Bédié lui dit d’appeler son porte-parole, Koffi Niamkey, par ailleurs secrétaire général adjoint chargé de la Formation et de la Documentation du parti, pour qu’il réponde en son nom à toutes nos questions. "A défaut de la mère, on tête la grand-mère", dit-on. C’est donc avec ce professeur titulaire de philosophie que nous nous sommes entretenus au siège du PDCI/RDA, sis à Cocody.

Un an après, quel bilan le PDCI fait de l’accord de Ouagadougou ?

• L’accord de Ouaga est un compromis réalisé entre les deux ex-belligérants de la crise. Cet accord a été conçu et mené à son terme sans que les partis politiques soient associés à sa conception. Il faut que cela soit clairement dit et entendu. Dire que nous en sommes parties prenantes, c’est nous engager à un niveau qui se situe en deçà de ce que je viens de dire.

C’est donc au terme du processus de négociation qui a conduit à la signature que nous, les partis politiques, avons été appelés à nous associer au processus, mais en tant que soutiens et non en tant qu’acteurs. Nous avons apporté notre soutien à cet accord, en allant jusqu’à faire des propositions de correctifs sur des points qui ne nous paraissaient pas clairs et qui étaient susceptibles de blocage.

C’est une contribution que le PDCI, à travers son président, a apportée. Mais notre parti s’est félicité de cet accord, dans la mesure où la négociation a été la première solution qu’il a proposée dès le déclenchement de la crise. C’est notre philosophie politique. L’accord de Ouaga a eu donc lieu. Il a été conduit par les protagonistes, qui ont mesuré la profondeur et l’ampleur de leur engagement.

Ils l’ont accompagné par un chronogramme, mais le premier chronogramme n’a pas tenu la route. Un deuxième a été mis en place à travers des accords complémentaires. Toujours est-il que le PDCI est resté ouvert et a fait un certain nombre de recommandations à l’intérieur du Rassemblement des houphouètistes et du G7.

Celles-ci ont été prises en compte par le facilitateur, Blaise Compaoré. Nous nous en félicitons et le félicitons. Mais le souhait du PDCI est que l’accord de Ouaga aboutisse à l’organisation d’élection juste, démocratique, transparente et acceptée par tous.

Aujourd’hui, nous déplorons qu’après un an, nous ne soyons pas sortis de la crise et que l’espoir suscité par l’accord de Ouaga reste toujours un espoir et que les faits n’aient pu nous apporter la satisfaction que nous attendions. Nous espérons que les protagonistes vont être gagnés par la raison et seront sensibles aux souffrances du peuple de Côte d’Ivoire, parce que la crise a coûté beaucoup aux populations.

Il faut donc qu’elle cesse, d’autant plus que les raisons n’existent plus, étant donné que la rébellion elle-même a son chef, qui se trouve être le Premier ministre de Côte d’Ivoire, donc partageant le pouvoir avec le président Gbagbo. A ce titre-là, nous considérons que nous devrons aller très vite à l’élection pour donner à notre pays les institutions les plus normalisées et les gouvernants que le peuple s’est choisis librement.

Nous n’en sommes pas là encore et le bilan de l’accord de Ouaga reste mitigé. Mais cela ne doit pas nécessairement nous conduire au désespoir, et le PDCI restera toujours aux côtés de cet accord pour apporter sa contribution afin que le succès nous visite.

Pensez-vous que l’élection présidentielle pourra se tenir le 30 juin 2008 ou faut-il un délai supplémentaire ?

• Nous ne posons pas la question en termes de délai, mais en termes de volonté politique. Si la volonté politique existe, nous pouvons en respecter les délais, puisque rien aujourd’hui dans le processus n’empêche l’élection de se tenir.

Qu’est-ce que le PDCI propose pour booster l’esprit qui a régné à Ouagadougou ?

• Pour que les dernières avancées puissent être faites, notamment au niveau de la question de l’identification, il faut que les rôles soient clairement spécifiés. L’Institut national de la statistique (INS), par exemple, ne doit pas être une source de blocage, dans la mesure où il n’a jamais travaillé à l’identification.

Cela ne relève même pas de sa compétence. Il s’occupe du recensement général de la population et de l’habitat. L’INS doit donner une vision d’ensemble de la configuration et des composantes de la population.

En octobre 1999, l’INS s’est appuyé sur un opérateur qui s’appelait IDEMATIC. C’est cet opérateur qui a fait les photos, pris les empreintes digitales qui ont servi à faire les cartes nationales d’identité. IDEMATIC a travaillé avec l’INS, qui a apporté la base de données du recensement général de 1998.

Ces données ont été croisées et remises à l’Office national d’identification (ONI), qui est, lui, chargé de l’identification. Et l’identification est une méthode pour donner une vision sur les individus, citoyens ivoiriens ou résidents.

L’INS n’a donc pas les compétences pour opérer dans le domaine de l’identification et de la biométrie . C’est pourquoi, lorsqu’en 2000, il a été question de l’identification, on a fait appel à une société qui s’appelle BR-NDI pour s’occuper de la saisie numérique des individus ; et le travail qui a été fait a été remis à IDEMATIC, qui, lui, l’a continué pour aboutir à la fabrication des cartes nationales d’identité vertes, avec la base de données dont dispose l’ONI.

Le travail d’identification qui doit nous amener à l’élection doit définir une logique qui tienne compte de ce que le législateur a créé, à savoir l’INS et l’ONI. Donc, pour la sortie de crise, deux binômes sont prévus à partir même des accords de Marcoussis : le premier binôme, c’est la Commission nationale de supervision de l’identification (CNSI), qui doit travailler avec l’ONI tandis que l’INS, chargé des statisques, doit travailler en intelligence avec la Commission électorale indépendante (CEI).

Ce sont ces binômes qu’il faut mettre en cohérence pour créer l’harmonie dans la conduite de l’opération au lieu de les opposer. Or aujourd’hui, on voit le camp présidentiel s’acharner à vouloir introduire l’INS au cœur du processus et lui confier la responsabilité exclusive de l’identification, qui n’est pas son domaine de compétence. Il y a des choses qui créent la présomption de partialité, ce qui fait que l’INS est souvent récusé.

Mais la question de l’INS a été résolue avec le choix de l’opérateur français SAGEM.

• Oui, SAGEM a été retenue, mais il n’en demeure pas moins que la définition de la coopération entre la SAGEM et l’INS n’est pas clairement tranchée. Là encore, il se pose la question de la prédominance de l’INS dans cette configuration de collaboration. Or, il faut que l’INS tienne sa place d’agence statistique et SAGEM, celle d’un opérateur technique jouissant d’une compétence en matière de biométrie.

Vous parlez de manque de volonté politique pour l’organisation de l’élection alors qu’il y a des problèmes d’ordre technique à résoudre au préalable.

• Nous pensons que SAGEM peut régler la question de l’identification dans les délais avec les moyens dont elle dispose. Si la volonté politique existe, le délai peut être réduit et raccourci. Mais le problème qu’il y a, c’est que SAGEM doit avoir le feu vert pour commencer à fabriquer les machines qui vont servir à faire l’enrôlement. Si ces machines ne sont pas faites, il y aura des difficultés. Nous sommes en mars, or il faut fabriquer les machines.

L’accord de Ouaga dans son aspect complémentaire a demandé et recommandé l’accélération du processus. Donc, si la volonté politique existe et permet d’accélérer le processus, il est clair que les délais vont être réduits.

Dans quel but est né le Rassemblement des houphouètistes pour la paix et la démocratie (RHPD) et quels vont être les rapports entre les différents partis qui sont candidats à la présidentielle ?

• Nous voulons, à travers le Manifeste que nous avons signé, valoriser l’houphouètisme, c’est-à-dire revisiter les valeurs cardinales qui ont constitué la politique du président Félix Houphouèt-Boigny et la cîme de notre pays et de notre parti.

La majeure partie des composantes du RHPD sont issues du PDCI. Ces partis se sont coalisés pour consolider le processus de paix. Nous faisons en sorte que le pays connaisse la décrispation, en freinant par exemple l’ardeur de nos militants pour éviter l’affrontement et l’explosion. Le RHPD travaille à créer les conditions de la paix sociale.

Cela donne l’image d’un parti d’opposition faible, mais il n’y a pas plus fort que les faiseurs de paix. Pour la présidentielle, les partis du RHPD, à travers leur plate-forme, ont décidé de se présenter tous à l’élection, parce que le principe de la candidature unique ne nous paraît pas une bonne stratégie.

Qu’est-ce qui se cache derrière le rapprochement entre Bédié et Ouattara ?

• Rien. Ce rapprochement exprime une volonté de paix, une volonté de créer une situation d’apaisement, de réconciliation. La Côte d’Ivoire a besoin du RDR et du PDCI, parce que nous deux représentons plus de 70% de l’électorat. Je suis même généreux, sinon c’est 80%, puisque le FPI ne représente que 10%.

Le président Bédié semble avoir créé l’ivoirité à dessein, chose qu’il refuse d’admettre. Alors quel contenu donnez-vous à ce concept ?

• Beaucoup de gens se sont faits l’écho du concept d’ivoirité, dévoyé à des fins d’intoxication contre le président Bédié et de diabolisation de son parti. Son silence et sa patience ont payé, parce le temps lui a donné raison. Nous savons que l’ivoirité était pour lui un concept culturel, qui définissait la personnalité conviviale que les Ivoiriens ont toujours présentée à tous leurs frères de la sous-région.

C’est le concept de l’hospitalité ivoirienne, la capacité d’accueil et d’intégration. Nous sommes le pays le plus intégré d’Afrique et même peut-être du monde, parce que nous sommes un des rares pays du monde, à pouvoir accepter 20% d’étrangers sur son sol en termes de taux de population. Au Burkina Faso, le taux d’étrangers ne dépasse pas 1%.

On ne peut donc pas nous accuser d’être un pays d’exclusion et de xénophobie. L’ivoirité est tout à fait le contraire de ce qu’on a voulu faire croire. L’ivoirité, c’est la volonté d’être ensemble avec tous les frères de la sous-région.

Laurent Dona Fologo ne cache pas son soutien à Laurent Gbagbo. Cela n’a-t-il pas de conséquences sur ses rapports avec le PDCI ?

• Laurent Dona Fologo, jusqu’à ces dernières années, s’est acquitté de ses cotisations. Nous pensons qu’il est habité par le sens de la logique politique et qu’il reste conséquent avec lui-même en s’affirmant et en posant les actes qui font de lui un militant du PDCI.

Seulement, nous nous interrogeons sur ses prises de position politiques, mais comme toujours, l’Afrique est ce qu’elle est : beaucoup de gens se laissent guider plus par leurs soucis alimentaires que par la force des idées. Peut-être que le sens de la responsabilité l’amènera à plus de cohésion et de conséquence, puisqu’il a occupé dans notre parti des postes importants, surtout celui de président par intérim et de secrétaire général du PDCI.

Donc il est toujours membre du parti ?

• Pour le moment, nous ne l’avons pas exclu. Le secrétaire général n’a pas encore saisi ou n’a pas éprouvé le besoin de saisir le conseil de discipline pour qu’on connaisse de son cas. C’est seulement cette instance qui, selon une procédure démocratique et régulière du parti, pourrait se prononcer sur le sort de ce militant.

Adama Ouédraogo Damiss

L’Observateur Paalga du 28 mars 2008



28/03/2008
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