L'Heure du Temps (Blog d'Information sur le Burkina Faso)

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Législatives au Séno : Le défi de l’Emir du Liptako

Séno

Le défi de l’Emir du Liptako

 

Dans le Séno, on a aussi voté hier 6 mai 2007 pour désigner les deux députés de la province  qui vont siéger au sein de l’Assemblée nationale. Il y avait dix partis politiques en lice, mais, vraisemblablement, à défaut d’un touk guili du CDP ou du PDS, les deux formations ont beaucoup de chances de fendre la poire en deux.

 

Aux dernières municipales, la mairie de Dori, jusque-là citadelle imprenable du CDP, est tombée dans l’escarcelle du Parti pour la démocratie et le socialisme (PDS), une formation de l’opposition. Alors, la question que tout le monde se pose aujourd’hui est de savoir si cette opposition va rééditer à ces législatives l’exploit des municipales. C’est là tout l’enjeu de ce scrutin à Dori.

Seules juges de l’issue de cette consultation électorale, les populations sont sorties voter très tôt le matin. En effet, dès 6 heures, on se pressait devant les différents bureaux de vote pour accomplir son devoir civique. Selon Moussa Kaboré que nous avons rencontré à l’école «A», «on est venu voter très tôt à cause de la chaleur». Normal, nous sommes au Sahel et dans la journée, c’est la norme que le thermomètre marque une température au-dessus de 40°C. C’est aussi l’avis du président du bureau de vote N°1 du secteur 2, Soulymane Barry, qui  nous a confirmé que «les gens préfèrent voter le matin ou, carrément, le soir,  quand le soleil diminue en intensité».

L’affluence monstre devant les bureaux de vote, c’est surtout dans les villages environnants que nous avons pu la constater. Que ce soit à Selbo (village d'Arba Diallo) ou à Sambonaye (village de la mère de l’Emir du Liptako) et même à Gassel Biankou, hommes, femmes et jeunes sont sortis massivement pour accomplir leur devoir citoyen.

Dans ces villages, généralement, il y avait deux files d’attente : l'une pour les hommes et l’autre pour les femmes. Certainement que cette «séparation» est basée sur des considérations religieuses ou culturelles. Et après avoir voté, les gens se retrouvaient sous un arbre pour discuter entre eux de tout et de rien. Le bureau de vote devient ainsi un lieu de rencontre entre parents qui ne se sont pas vus depuis le dernier marché.

Si au niveau de l’électorat on ne sentait pas la pression, ce n’était pas le cas du côté des leaders politiques qui, très tôt, ont commencé à sillonner la ville et les campagnes, pour se rendre compte par eux-mêmes que tout se passait bien, que leurs militants ont pu voter et que leurs représentants étaient bel et bien dans les différents bureaux de vote.

Une chose est sûre, on s’accorde à dire que jamais, l’issue d’une élection n’a été aussi incertaine que celle-ci. Les forces en présence semblent s’équivaloir, selon les observateurs de la scène politique sahélienne. Et ce n’est pas pour rien si l’Emir du Liptako, Nassourou Dicko, a quitté la Convention des forces démocratiques du Burkina (CFD/B) du ministre délégué Diemdioda Dicko pour le CDP du ministre Kader Cissé.

Avec ce retour de l’Emir, le CDP espère engranger des retombées significatives. Placé pourtant second sur la liste du CDP, l’Emir nous a confié dans son palais qu’il croit ferme   que son parti remportera les deux sièges en jeu : «Nous allons gagner». Il se refuse à émettre même l’hypothèse qu’un parti, comme le PDS, puisse contraindre le CDP au partage des sièges.

Il faut dire qu’au PDS aussi, c’est le même optimisme qu’affiche Arba Diallo : «Nous pensons que la victoire, nous l’avons déjà eue. Dieu nous l’a déjà donnée et cette élection n’est qu’une formalité». C’est pour lui une formalité d’autant plus que «l’Emir n’a pas été suivi dans sa migration par sa base. Les 25 conseillers de la CFD/B sont restés avec nous à la mairie. Mieux, ils ont refusé que l’Emir s’appuie sur eux pour battre la campagne en faveur du CDP».

A entendre ce revenant du CDP, il n’en est rien. Il assure que «les 25 conseillers sont des hommes de confiance que j’ai choisis. Après les élections législatives, vous allez voir avec qui ils sont». A notre question de savoir s’il allait, à son tour les travailler pour les retourner, il a répondu par une question : «Les travailler comment ?».

Mais est-ce que lui-même a été «travaillé» par le ministre Kader Cissé, comme le susurrent les rumeurs, dont Dori a le secret ? Dans sa cour impériale, il a tout rejeté en bloc. «Regardez-moi bien. Est-ce que quelqu’un peut me travailler ?» ?

Mais pourquoi est-il retourné au CDP alors ? «Je n’ai jamais quitté la maison. J’étais juste arrêté près de la porte. Je n’ai fait que rentrer chez moi. La CFD/B, c’est quoi ? C’est un parti de la mouvance présidentielle». L’Emir explique que c’est parce que la CFD/B, dont il était le responsable au Séno a soutenu le PDS qu'Arba Diallo est devenu maire de Dori. Mais, dit-il, «il a trahi. Il a divisé des familles, des frères. Nous, nous voulons l’union et le travail».

Tout comme l’Emir, le leader du PDS entend siéger à l’Assemblée nationale s’il est élu.

Quelle que soit l’issue de ce scrutin, on assistera certainement à un remodelage de la scène politique dans la région du Sahel en général et dans la province du Séno en particulier. En effet, si on peut imaginer les conséquences (désastreuses ?) que le départ de l’Emir aura sur la CFD/B, il y a les répercussions dommageables à l’Emir lui-même si jamais il n’est pas élu ; il y a le choc que le CDP va subir s’il ne remporte pas les deux sièges ; il y aurait aussi comme un élan brisé si le PDS sortait bredouille.

Peut-être qu’à l’heure où vous nous lisez, les urnes auront déjà livré leur secret, battant en brèche ou confirmant toutes ces conjectures.

 

San Evariste Barro

L’Observateur Paalga du 7 mai 2007

NB : Finalement, l’Emir n’a pas été élu puisque le CDP n’a eu qu’un seul siège.



08/05/2007
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