L'Heure du Temps (Blog d'Information sur le Burkina Faso)

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Législatives sénégalaises : Une victoire à la Pyrrhus

Législatives sénégalaises

Une victoire à la Pyrrhus

 

C'est un camouflet que l'écrasante majorité du corps électoral sénégalais a infligé au président Wade le dimanche 3 juin 2007 en boudant les urnes à l'occasion des élections législatives. En effet, comme le prévoyaient déjà les analystes de la scène politique du pays de la Teranga, près de 62% des votants ont vaqué à leurs occupations quotidiennes plutôt que d'aller aux urnes. L'appel au boycott lancé par l'opposition semble donc avoir été entendu.

Un coup dur pour le pape du sopi qui s'est obstiné à maintenir le scrutin à sa date initiale alors même que toute l'opposition réclamait à cor et à cri le report de ce rendez-vous électoral, le temps, d'une part, de toiletter le fichier électoral pour le débarrasser de ses scories, et, d'autre part, de revoir de façon consensuelle toute l'organisation du scrutin afin d'en garantir la transparence.

Les missions de bons offices menées par les associations, les chancelleries occidentales et les leaders religieux et coutumiers n'ont pas permis de mettre la classe politique sénégalaise d'accord sur un minimum de consensus. Face au niet catégorique du parti au pouvoir de repousser l'échéance de la consultation, la frange la plus représentative de l'opposition, comme on l'appelle, a mis à exécution sa menace de boycott.

Conséquence, on a assisté à la campagne électorale la plus terne de toute l'histoire du pays de Senghor. Elle a été menée par le Parti démocratique sénégalais (PDS) au pouvoir et des partis convives, ancrés, à vrai dire, dans la mouvance présidentielle.

Ce spectacle désolant se serait déroulé à Harare, à Conakry, à N'Djamena, à Lomé et même, dans une moindre mesure, à Ouagadougou, que nul n'en aurait été surpris. On aurait pu en effet imaginer pareille situation dans tous les pays d'Afrique noire francophone sauf au Sénégal, ce bout de terre longtemps cité comme un exemple abouti de la démocratie  africaine. On en est d'autant plus déçu que le dialogue, la compréhension et le consensus sont des valeurs qui ont toujours triomphé sur cette  terre d'hospitalité.

C'est sans doute en misant sur ces vertus légendaires que l'opposition s'est raidie, croyant qu'à la longue Wade plierait. Mais hélas !

La politique de la chaise vide n'a jamais ou rarement payé. Et devant l'ampleur de l'abstention, l'opposition dite représentative pourrait bien se mordre le doigt en pensant que c'est autant de sièges qu'elle aurait pu engranger si elle avait été fidèle au rendez-vous des urnes.

Mais l'autre camp aurait tort de pavoiser, car si victoire il y a, c'est une victoire à la Pyrrhus. Puisqu'avec de telles bêtes politiques hors de l'hémicycle, plus que jamais, les conditions d'un pays ingouvernable sont réunies, l'opposition n'ayant  plus que la rue pour se faire entendre.

En attendant les résultats officiels, il ne fait aucun doute que c'est la marée sopi qui va déferler et envahir tout le Parlement sénégalais, qui sera dans les faits une Assemblée nationale monocolore.

Dans cette situation, gorgui a tout intérêt à trouver des solutions appropriées aux problèmes les plus pressants de ses concitoyens. S'il échoue, l'histoire retiendra de lui le souvenir d'un homme d'Etat charismatique et longtemps espéré certes, mais indécis, naviguant donc à vue et forcément se laissant porter par le courant. La suppression puis la restauration du Sénat étant un des exemples les plus récents en la matière.

Dans tous les cas, beaucoup de gens s'accordent à reconnaître que depuis l'avènement du PDS au pouvoir, la démocratie a fortement reculé. La répression n'a épargné personne, à commencer par les hommes politiques de l'opposition et les  journalistes. Même dans son propre camp, le vieux n'a pas hésité à brandir le fouet et à utiliser des juges acquis afin de régler des problèmes purement politiciens quand, par exemple, son ex-bras droit, Idrissa Seck, a eu la fâcheuse idée d'afficher clairement son désir de devenir calife à la place du calife. A partir de cet instant, tous ceux qui croyaient que le célèbre chauve, parce qu'il a longtemps végété dans l'opposition, allait accepter de jouer à fond et en toute circonstance la carte de la démocratie, ont dû  déchanter.

Au regard de cette déconvenue électorale, Wade va-t-il, par un de ses coups de théâtre dont il a le secret, décider de dissoudre d'ici-là l'Assemblée en vue d'une meilleure reconfiguration ?  Rien n'est moins sûr. Il est vrai que généralement, on dissout le Parlement dans l'espoir de se donner une majorité plus confortable. N'empêche, le Sénégal pourrait nous donner une bonne leçon de sagesse  politique en montrant qu'on peut dissoudre pour mieux rééquilibrer les forces.

San Evariste Barro

L'Observateur Paalga du 7 juin 2007

 

 



06/06/2007
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