L'Heure du Temps (Blog d'Information sur le Burkina Faso)

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Les marmites vides crient famine

Vie chère

Les marmites vides crient famine

 

En dépit de la "lettre confidentielle" du ministre du Travail et de la Sécurité sociale, Jérôme Bougouma, adressée aux organisations syndicales le 8 mai 2008, les exhortant à surseoir à leur préavis de grève, les travailleurs du public et du privé observent, depuis le mardi dernier, 72 heures de débrayage. La journée du 14 a été marquée par une marche qui a draîné des milliers de manifestants, couverts et ustensiles de cuisine en main, suivie d'un meeting à la Bourse du travail.

 

La lettre du ministre du Travail et de la Sécurité sociale, Jérôme Bougouma, aux centrales syndicales en date du 8 mai 2008 est, selon celles-ci, "une lettre très confidentielle", qui a été par la suite publiée abondamment par la presse. Cette correspondance invitait les organisations syndicales à suspendre le mot d'ordre de grève des 13, 14 et 15 de ce mois, jusqu'aux prochaines négociations en septembre prochain.

En réponse à cette lettre, le 9 mai, les syndicats ont été clairs : "Nous maintenons notre mot d'ordre de grève".

Hier donc, on était à la deuxième journée du lock-out consacré à la marche-meeting. C'est une marée humaine qui a pris le départ, à 9h devant la Bourse du travail de Ouagadougou pour suivre l'itinéraire suivant : avenue de la Nation - avenue Dimdolobsom - rue Tiendrébéogo- Didier, avenue de l'armée - avenue de la BCEAO.

Pendant deux heures, ils ont parcouru une distance d'environ 6 km avant de se retrouver à la Bourse du travail pour le meeting. Cette marche s'est singularisée des précédentes parce qu'elle a gagné en symbole : en effet, les marcheurs tenaient, entre autres, des sacs de riz vides, des casseroles, des plats, des cuillers, des marmites, des couvercles, des boîtes de tomate vides, des louches, des spatules qu'ils utilisaient comme des instruments de musique dans un bruit indescriptible. L'usage de ses objets s'explique par la volonté des grévistes de signifier au gouvernement que le peuple a faim.

Pour l'occasion, des slogans n'ont pas manqué : "Augmentation des prix du riz, de l'huile, du savon, du lait, ça suffit !" ; "La vie chère n'aura pas notre chair" ; "On a faim et soif", "Viima ya kanga" qui veut dire que la vie est dure ; "A Tertius mana yellé", pour accuser le Premier ministre, Tertius Zongo, d'être à la base de cette situation, etc.

En signe d'adhésion au mouvement, des riverains ne se sont pas fait prier pour exhiber les ustensiles de cuisine vides.

Face à la conspuation des manifestants, certains riverains, en tenue à l'effigie du chef de l'Etat, se sont vite déshabillés  ou se sont éclipsés.

Pour la même raison, l'Ecole nationale de la douane a rabattu son portail. Tous les commerces en bordure de l'itinéraire avaient baissé leur grille.

Après ce mouvement, sans incidents, les révoltés ont regagné la Bourse du travail autour de 11 heures. Les leaders syndicaux ont pris, l'un après l'autre, la parole pour saluer la mobilisation des militants et multiplier les phrases chocs. "Le relèvement du pouvoir d'achat est une urgence vitale pour permettre aux travailleurs de vivre dignement sans faim", a lancé le secrétaire général de la CGT-B, Tolé Sagnon, avant d'ajouter : "Ça va changer, car nous ne voulons pas mourir".

Son camarade de Force ouvrière, Joseph Tiendrébéogo, n'a pas été moins percutant : "le président dort et l'Assemblée nationale somnole. Si on ne peut pas aller à Kossyam (NDLR : nouvelle présidence du Faso), nous irons voir Pinga (NDLR pour désigner le président de l'Assemblée nationale, Roch Marc Christian Kaboré, parce que le roc veut dire "pinga" en mooré)". Paul Kaboré des syndicats libres, lui, fera cette confidence aux militants : "Quand on a évoqué l'éventualité d'aller à Kossyam, quatre ministres m'ont appelé pour me demander pourquoi. Kossyam appartient aux 14 millions de Burkinabè". El hadj Mamadou Nama de l'USTB, connu pour sa verve, n'a pas manqué de scander "Nous sommes en sursis de mort, pourquoi il y a seulement deux personnes qui importent le riz ? Il y a une collusion entre les milieux d'affaires et le pouvoir ; nous sommes à l'étape 2 de notre lutte, il y a encore les étapes 3, 4, 5 jusqu'à 10, il faut maintenant mettre fin à cette légèreté blâmable".

 

Des villes mortes si...

 

Le président du mois, Jean Mathias Liliou, a mis l'accent sur les prix des produits de première nécessité : "Le sac de riz se négocie à 20 000 F, le litre d'huile dont le prix suggéré est 750 F est vendu à 900 F ; la boîte de lait Nido de 400 g coûte 2500 F alors que le gouvernement a fixé son prix à 1900 F ; la boule de savon Fanico est vendue à 475 F et non à 300 F ; le maïs, que le gouvernement dit avoir subventionné pour un prix social de 9000 F, est vendu sur le marché à 20 000 F et enfin le sac de ciment, qui était à 4750 F, est aujourd'hui à 6250 F".

Face à ce triste tableau, le pouvoir doit, selon lui, comprendre qu'il est vraiment fini, le temps des discours, des promesses sans lendemains et de la diversion. C'est pourquoi il a conclu en ces termes : "D'ores et déjà, nous appelons nos militants, les travailleuses et les travailleurs des secteurs public, parapublic, privé, les élèves et les étudiants, la jeunesse, les paysans, les petits et les moyens commerçants, les artisans, les vendeuses de fruits et légumes à s'engager dès à présent dans la préparation de journées villes mortes, que la Coalition organisera si le gouvernement ne répond pas favorablement à sa plate-forme d'actions". Il faut souligner que le mouvement de lutte contre la vie chère regroupe les syndicats et les autres associations, réseaux et mouvements de la société civile. Le moins que l'on puisse dire, c'est que la mobilisation ne faiblit pas, et trouver des solutions à cette crise est une urgence.

En tout cas, la symbolique de la journée d'hier ne doit laisser personne indifférent.

 

Abdou Karim Sawadogo

L’Observateur Paalga du 15 mai 2008



15/05/2008
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