L'Heure du Temps (Blog d'Information sur le Burkina Faso)

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Limitation du mandat présidentiel : "Il se trame quelque chose"

Limitation du mandat présidentiel

"Il se trame quelque chose"

"Qu'est-ce qui se trame encore autour de l'article 35 de la Constitution burkinabè ?" Telle est la question que se pose Tahirou Barry, juriste, dans la réflexion suivante.

Le président du groupe Rayi's Rayi, Jean Tiendrebéogo, s'est répandu dans la presse à travers un article qu'il m'a été donné de parcourir dans le Pays n° 3954 du 14 septembre 2007.

Au détours d'une dénonciation des conditions d'élections consulaires au Burkina, l'auteur a rué dans les brancards contre l'article 37 de la Constitution en écrivant ce qui suit :

" Dans la même logique, nous disions que l'article 37 de la Constitution limitant le mandat présidentiel doit être supprimé parce qu'il est source de conflits stériles."

Cet avis, rendu public au nom de la liberté d'opinion garantie par l'article 8 de cette même constitution, sonne comme une réaction à fleur de peau.

Une opinion livrée de façon laconique sur une question aussi importante suscite tout de même certaines interrogations.

S'agit-il d'un véritable cri du cœur ou simplement d'une mise en scène délibérée à des fins inavouées et inavouables ?

S'il s'agit d'un souhait émis de bonne foi, il y a lieu d'inviter le groupe Rayi's à revisiter l'histoire récente de notre pays.

En effet, l'article 37 originaire de 1991 qui limitait les mandats présidentiels à deux pour une durée de 7 ans chacun a été réexaminé par le législateur de 1997 qui a fait voler en éclat la limitation.

A cette époque, on a eu droit à toutes les contorsions langagières pour justifier ce revirement.

Cela a contribué à détériorer le climat de sérénité et de confiance qui prévalait encore au sein de la classe politique.

On se rappelle de l'émotion suscitée par les images de la sortie de l'hémicycle de feu Joseph Ki Zerbo et des députés de son parti pour ne pas être, selon eux, témoins d'une page noire de notre démocratie.

Il a fallu que notre pays se précipite dans une crise politique et sociale sans précédent à la suite du drame de Sapouy pour que le législateur restaure l'esprit de cet article à travers la loi 3-2000 AN du 11 avril 2000 qui dispose que " le président du Faso est élu pour 5 ans au suffrage universel direct, égal et secret. Il est rééligible une fois. "

Si par contre, l'écrit est une mise en scène, il prend l'allure d'un bal de sorciers qui s'organise autour de cette disposition qui fait, pour l'heure, la fierté de notre démocratie. En ouvrant déjà ce front, on se livre à un jeu périlleux. On n'a pas besoin de faire une heure de science politique pour savoir les désastres des mandats illimités. Il suffit d'observer la situation des pays ayant fait cette expérience pour mesurer la profondeur des blessures subies : du Congo (ex/Zaïre) à la Côte d'Ivoire en passant par le Togo, le Mali et la Guinée, etc. Toutes les gloires et réputations engrangées par ces chefs "invincibles" se sont dégonflées comme des ballons de baudruche au soir de leur long règne avec son corollaire de tragédie nationale. "Le pouvoir corrompt l'homme", avait averti Acton, et Montesquieu de préciser que "tout homme qui a du pouvoir a tendance à en abuser". Cela est une évidence : tout pouvoir exercé dans la durée est suicidaire et ébranle les fondements même de la démocratie.

Au Burkina, le chef d'Etat actuel fêtera ses vingt ans au pouvoir le 15 octobre 2007, un événement qui, semble-t- il, sera célébré. Ce temps devrait suffire pour réaliser ce qu'on projette et même réclamer aux Burkinabè une fière chandelle pour services rendus. Tout autre mandat sollicité sera, au regard de l'évolution du contexte burkinabè, porteur de risque politique. Je parie que derrière les apparences policées qu'affichent les lieutenants politiques du chef, se cachent des préoccupations sérieuses et légitimes sur l'avenir du régime. Il serait d'ailleurs étonnant que nombre des fidèles du chef veuillent encore, rechausser de bonne foi les gants pour le défendre après l'épuisement de ses mandats. L'idylle pourrait bien se transformer en un requiem.

L'article 35 de la Constitution burkinabè est le fruit d'un accouchement difficile. S'il est revisité, il est certain que le peuple burkinabè qui a beaucoup souffert et appris ne boira plus le calice de l'indifférence et de l'allégeance jusqu'à la lie.

Tahirou BARRY, juriste

Le Pays du 21 septembre 2007



21/09/2007
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