L'Heure du Temps (Blog d'Information sur le Burkina Faso)

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PAI : Le mois des longs couteaux

PAI

Le mois des longs couteaux

 

La confection et l’invalidation de certaines listes (10 sur 25) de candidature du Parti africain de l’indépendance (PAI) aux législatives de mai 2007 ont permis de montrer au grand jour la crise de confiance qui couvait entre des membres du Bureau exécutif central (BEC) de ce parti. Le détonateur a été le coup porté dans la presse par Théodule Dah le 17 mars 2007 lors de la rencontre de la CENI avec les partis politiques : à cette occasion, Théodule Dah s’en prenait vertement à des cadres du PAI, notamment à Toundoun Sessouma, qu’il a accusé d’avoir tripatouillé les listes du parti.

 

Quelques jours plus tard, le 21 mars, dans une réponse du berger à la bergère, les mis en cause accusaient à leur tour Soumane Touré, le secrétaire général du parti, d’en être le fossoyeur pour avoir gardé par-devers lui des cautions de candidatures et trituré à sa guise des listes.

 

Depuis, le malaise et la difficulté de cohabitation entre les deux camps étaient devenus un véritable secret de polichinelle. Dans les cercles politiques, on ne se posait plus la question de savoir si la rupture interviendrait, mais quand est-ce qu’elle aurait lieu. Et l’absence d’Alphonse Bonou et de Toundoun Sessouma à la commémoration, à Fada, du 32e anniversaire du décès d’Amirou Thiombiano, fondateur du PAI, était très révélatrice.

 

Finalement, le clash tant attendu s’est produit le 3 avril 2007 où, dans une correspondance adressée au secrétaire général, Alphonse Bonou, Toundoun Sessouma et trois autres camarades lui ont annoncé leur départ du PAI.

Entre autres griefs, ils reprochent à Soumane Touré sa gestion familiale du parti, la déstabilisation de nombre de ses camarades du BEC, la création de structures parallèles, l’usurpation de fonction : encaissement des subventions et cotisations, alors qu’il n’est pas trésorier…

 

La rupture consommée, reste maintenant à savoir où est-ce que les démissionnaires vont poser leurs baluchons ; ou s’ils vont créer une autre formation politique. On sera situé certainement d’ici peu.

Mais en attendant, on peut noter que c’est dommage que cette situation se soit produite. Et s’il y a une personne qui doit bien rire sous cap, c’est incontestablement Philippe Ouédraogo, lui qui dispute à Soumane le PAI depuis 1998. Ce contentieux est toujours pendant devant la justice.

 

Ce coup de poignard intervient à une dizaine de jours de la campagne des législatives. Il est donc légitime de se demander quelle prestation le clan Soumane pourra faire à l’occasion de ce grand rendez-vous électoral avec une telle saignée de cadres de premier plan du parti. De plus, avec l’invalidation des listes du PAI dans une zone comme le Mouhoun, on est impatient de savoir comment  le parti va s'y prendre pour réaliser un bon score quand on sait que, selon une analyse des derniers scrutins, cette région est un véritable grenier à voix du PAI, qui y a l'écrasante majorité de ses électeurs.

 

Bien sûr que les commentaires iront bon train sur ces démissions ; et ceux qui voient le diable partout vont trouver la main invisible du CDP dans ce schisme politique. On serait tenté de le penser, parce que durant la présente législature, le président du PAI, à l’hémicycle, a souvent eu des critiques très acerbes vis-à-vis du pouvoir exécutif, dont il était pourtant un allié. Il y a aussi le maintien de la candidature de Soumane à la présidentielle de novembre 2005 que le CDP n’a certainement pas aimé.

 

C’est vrai aussi que la proximité pour ne pas dire la complicité qu’a Alphonse Bonou avec Salif Diallo, dont il est le conseiller technique au niveau ministériel, laisse perplexe plus d’une personnes, et pour beaucoup, ce n’était qu’une question de temps, car, pour eux, Bonou finirait, tôt ou tard par quitter Soumane, pas forcément pour le CDP, mais pourquoi pas pour un parti de la mouvance présidentielle.

 

C’est évidemment le PAI qui sortira affaibli de cette guerre fratricide, de ce mois de longs couteaux (1) au cours duquel chaque camp a essayé de nuire le plus possible à l’autre dans le but de contrôler ou de renforcer son contrôle sur le parti. Ces déchirements sont la preuve que seule la bonne gestion du parti est le gage de sa stabilité et de sa force. D’autres partis, gérés à la petite semaine, devraient tirer leçon de cette affaire du PAI pour changer, car ça n’arrive pas qu’aux autres.

 

San Evariste Barro

 

Notes : (1) on fait ici référence à la nuit des longs couteaux :  dans la nuit du 29 juin 1934, Adolf Hitler décida d'éliminer, avec l'aide des SS, Ernst Röhm et les chefs de la SA. Cette nuit près de deux mille morts ; elle marqua la volonté d'Hitler d'éliminer les rivaux potentiels à l'intérieur du parti nazi et de se concilier les milieux conservateurs traditionnels.



05/04/2007
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