L'Heure du Temps (Blog d'Information sur le Burkina Faso)

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Procès Newton Ahmed Barry # Sidwaya : Reporté au 26 en l'absence du prévenu

Procès Newton Ahmed Barry # Sidwaya

Reporté au 26 en l'absence du prévenu

 

Le procès pour diffamation que Newton Ahmed Barry, rédacteur en chef de l'Evénement, a intenté contre le quotidien d'Etat Sidwaya a été appelé hier à la barre du tribunal correctionnel de Ouagadougou. En l’absence du prévenu, Jean Paul Konseibo, codirecteur de publication de Sidwaya, son avocat a demandé et obtenu le renvoi du dossier au 26 novembre 2007. Fait marquant de cette matinée d'audience, la cassette de l'équipe de reportage de la télévision nationale, qui a filmé une partie des débats préliminaires, a été confisquée.

 

Tout est parti d'un élément de Kantigui intitulé «un journaliste burkinabè sous les verrous à Lomé» paru dans la livraison du quotidien d'Etat Sidwaya du mercredi 22 août 2007. On y lisait ceci "...De sources bien informées, la vérité est que notre confrère, l'une des grandes plumes de la place, a acheté une voiture avec un confrère béninois et, sans régler les frais d'achat du véhicule, a tenté de fuir par le Togo. Abus de confiance ? Alertée, la police togolaise a mis la main sur le fugitif. Celle-ci l'a gardé à vue à Lomé, conformément à la procédure en la matière. Kantigui s'est vu expliquer que face à une affaire de droit commercial privé qui frise la délinquance, que peuvent faire les autorités publiques burkinabè qui, malgré leur bonne volonté, pourraient être accusées de non-assistance à un journaliste en danger".

Il se trouve que le rédacteur en chef de "L'Evénement", Newton Ahmed Barry, qui s'est rendu à Lomé en vacances avec sa famille le 18 août 2007, a été "enlevé" et amené au commissariat central de ladite ville le 19 août. Par la suite, il apprendra qu'en fait, il a été interpellé pour une affaire de voiture qui l'opposait à son ami Lucien Messan. De retour au pays, notre confrère s'est indigné du fait qu'on ait voulu "braconner son honneur" dans la presse, et plusieurs articles ont été écrits de part et d'autre sur ce sujet. C'est donc pour laver son honneur que le red.chef du bimensuel a déposé une plainte pour diffamation contre Sidwaya, laquelle plainte a été communiquée à l'incriminé le 18 octobre 2007.

 

Le dossier avait "disparu"

 

Hier, les journalistes se sont donc retrouvés à la Chambre correctionnelle du tribunal de grande instance de Ouagadougou pour ce procès singulier, en ce sens qu'il oppose deux (2) confrères. Si le plaignant et ses conseils sont venus peu avant l'heure, c'est-à-dire à 8 heures, c'est 30 mn après l'audience que des confrères de Sidwaya ont fait leur entrée dans la salle. Il s'agissait de  : Zacharia Yéyé, Jean-Philippe Tougouma ; Pierre Tiergou Dabiré et Paul Ismaël Bicaba. Le tribunal, présidé par Ibrahim Séré, a commencé, comme d'habitude, à éplucher les dossiers inscrits à l'ordre du jour pour en renvoyer certains et maintenir d'autres. Surprise des hommes de médias à la fin de cet exercice : le tribunal ne cite pas le dossier qui les concerne. Maîtres Prosper Farama et Appolinaire Kyelem, pour le compte du plaignant, relèvent cette incohérence et l'audience est suspendue à 8h 55 pour voir le cas du dossier "disparu".

Finalement, le dossier RP 720, c’est-à-dire l’affaire ministère public contre Jean Paul Konseibo avec Newton Ahmed Barry comme partie civile, a été appelé sur le coup de 9h30. Mais avant d’aller plus loin dans notre narration, il serait bon de présenter  les parties impliquées dans cette affaire.

Quotidien d’Etat, Sidwaya a pour directeur de publication le ministre de la Culture, du Tourisme et de la Communication, qui est actuellement Filippe Sawadogo. Mais dans la pratique, le journal est géré par un codirecteur de publication, qui est en même temps le directeur général des éditions Sidwaya. Ce dernier, présentement, s’appelle Jean Paul Konseibo et il a qualité, en lieu et place du ministre, de répondre au nom de Sidwaya devant la justice et les autorités de tous ordres. Quant à Newton Ahmed Barry, il est rédacteur en chef de L’Evénement, un bimensuel qui n’est pas toujours tendre avec le régime en place et c'est ce qui, pour certains, donne une connotation politique à l'affaire. Le quotidien d’Etat est défendu par le cabinet Me Benoît Sawaodogo, représenté à l’audience par Me Patricia Sawadogo. Les conseils de Newton Ahmed Barry, comme indiqué plus haut, sont Mes Apollinaire Kyélem et Prosper Farama. Le président de l’audience, on le sait déjà, est Ibrahim Séré.

 

Il y a eu des procès ici, mais on ne vous a pas vus

 

Avant d’entrer dans le vif du sujet, le président Séré demande aux parties s’il y a des observations à faire. C’est là que Me Patricia va requérir auprès du tribunal le renvoi du dossier à lundi prochain, 19 novembre. Elle estime qu’elle disposera ainsi d’assez de temps pour prendre connaissance du fond de l’affaire et, par conséquent, pour mieux organiser la défense de son client, surtout que c’est tout récemment que le cabinet Benoît Sawadogo a été constitué dans ce dossier. Comme autre argument pour demander le renvoi du procès, elle signale «l’absence du prévenu, Jean Paul Konseibo, qui est présentement en formation à Bobo-Dioulasso pour une semaine».

Alors qu’on s’attendait à ce que débutent véritablement les joutes oratoires, le président du tribunal, comme s’il venait de s’en rendre compte, va demander au caméraman Hubert Kaboré de la Télévision nationale du Burkina (TNB) d’arrêter de filmer dans la salle. Il est vrai que ce dernier était allé jusqu’à pénétrer dans le prétoire pour faire son travail. Pourtant, il avait filmé sans être inquiété depuis 8h25, heure de l’arrivée de l’équipe de reportage de la nationale du «Plaisir partagé».

Le président a demandé l’avis du procureur sur la question. Pour ce dernier, «Il y a eu des procès ici, mais on n’a pas vu la télé. Je ne sais pas à quelle fin ces images sont filmées, surtout qu’il y a la présomption d’innocence. En ce qui me concerne, je n’ai pas connaissance d’une demande d’autorisation quelconque pour le faire».

Et le président du tribunal de trancher : «Dans ce cas, on confisque la caméra». Mais le procureur estime qu’on ne peut le faire, car «c’est un bien de l’Etat. On peut prendre le support des images». Alors le président demande que la cassette soit confisquée. Profitant de ce que le procureur avait dit, Viviane Tiendrébéogo, la journaliste responsable de l’équipe de reportage, fera aussi savoir que «la cassette aussi est un bien de l’Etat».

Seulement, elle n’est pas suivie par le président, qui lui rétorque que «conformément aux dispositions légales, on ne peut pas filmer un procès. Par conséquent, on va confisquer la cassette». La journaliste propose alors que tant qu’à confisquer la cassette, il faut aussi confisquer la caméra.

Mais face aux injonctions du tribunal, elle a fini par céder et a remis la cassette en quittant, avec son équipe, la salle d’audiences.

Enfin, l’audience peut se poursuivre !

 

Une marque d'irrespect pour le tribunal

 

Me Kyélem n’est pas pour, car, dit-il, «le 19, j’ai une autre audience». Il est contre le renvoi non seulement parce qu’il n’est pas libre le 19, mais aussi parce que «la citation à comparaître a été remise à Jean-Paul Konseibo il y a pratiquement un mois. De ce fait, il pouvait prendre des dispositions pour voir son avocat». Au passage, il fait remarquer au président de l’audience que «si c’est vrai que Konseibo est en formation à Bobo, c’est là une marque d'irrespect, qu’il manifeste à l’égard de votre juridiction. Mon client, Newton Ahmed Barry, devait être depuis le début du mois en France pour une formation, mais il y a renoncé afin de pouvoir répondre présent au tribunal. Monsieur le président, on ne peut pas de façon cavalière diffamer un collègue et ensuite dire qu’on est à Bobo en formation. Ce n’est pas sérieux».

S’engouffrant dans la brèche, Me Farama précise à son tour que selon la loi, «il faut 20 jours entre la date de la remise de la citation et l’audience. Ce délai est fixé pour permettre au prévenu de se constituer un avocat s’il le désire». Pour Me Farama, il faut maintenir cette audience, car «supposons que Jean Paul Konseibo soit hors du pays pour 3 mois. Est-ce que pour cela on va continuer à renvoyer indéfiniment le procès ? Si Konseibo est parti à Bobo, c’est qu’il estime que ce procès est secondaire  pour lui».

Sur ces entrefaites, Patricia Sawadogo revient à la charge pour marteler une fois encore qu’elle n’a pas eu accès au dossier et que son client n’a eu qu’une assignation sans pièces. Raison pour laquelle «le cabinet Benoît Sawadogo demande le report pour mieux voir le dossier et être en mesure de défendre notre client. On demande une semaine, car d’ici là, la formation de Jean Paul Konseibo sera finie. Nous pensons que le renvoi d’une semaine ne viole pas l’article 132, qui dit qu’il faut un mois entre le dépôt de la plainte et l’audience».

De l’avis du président du tribunal, Ibrahim Séré,  «on peut juger» même si le prévenu n’est pas là. Un point de vue que ne partage pas le conseil de ce dernier, pour qui on ne peut pas débattre, «puisque Jean Paul Konseibo est le premier responsable» du journal. «Cela suppose qu’il y a un second responsable», a déclaré le président en lui répondant du tac au tac.

Intervenant à son tour dans le débat, le parquet s’est montré solidaire du tribunal en déclarant que «le renvoi ne s’impose pas, car le prévenu a reçu la citation. S’il ne peut pas comparaître, il doit écrire au tribunal pour l’en informer. On doit respecter la loi. L’Etat aussi doit respecter la loi. Je pense que les conseils de la partie civile ont raison. C’est de façon biaisée que l’autre partie demande le renvoi du procès. Le tribunal a un mois pour délibérer. Si on renvoi le dossier et à la prochaine date c’est Newton qui est absent pour une raison ou une autre, va-t-on continuer à repousser le procès ? Malgré tout, le tribunal peut statuer et voir si les motifs du renvoi sont sérieux. En tous les cas, je me remets aux sages décisions du tribunal».

 

Nous ne  fuyons pas le débat

 

Pour Me Patricia Sawadogo, «le renvoi n’est pas un signe d’irrespect ni une manœuvre pour se soustraire à la justice. Mais nous, conseils, on n’a pas été en mesure d’avoir accès au dossier. Sinon, on n’a nullement l’intention de fuir le débat».

Mais le tribunal fait remarquer tout de même que Jean Paul Konseibo ne veut pas venir au procès. Me Patricia persiste que le renvoi est nécessaire, car présentement «on n’est pas en mesure de défendre notre client, puisqu’on n’a pas eu accès au dossier. On demande le renvoi, ce n’est pas une stratégie du dilatoire».

En réponse à cela, Me Apollinaire Kyélem soutient que «ma consoeur dit qu’elle n’a pas eu le dossier, mais il n’y a rien dans le dossier. Jean Paul Konseibo a un journal, il peut produire les originaux à ses conseils. Mais je fais remarquer que l’Administration est une continuité et même si Jean Paul Konseibo n’est pas là, on peut juger l’affaire. Si le prévenu avait été déféré par exemple à la Maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou (MACO), c’est sûr que Sidwaya allait déléguer une autre personne à cette formation à Bobo. Il doit en être de même pour ce procès. Il faut rétablir la hiérarchie des choses. Une autre personne peut représenter Konseibo».

Pour Me Prosper Farama, «les arguments de notre consoeur sont inopérants. Mais on vient de se concerter avec notre client. Il nous a dit qu’il veut le débat contradictoire avec Jean Paul Konseibo afin que ce dernier lui dise en quoi il a volé une voiture. Pour cette raison, nous sommes prêts à accepter le renvoi du dossier».

 C’est sur cette concession des avocats de la partie civile que, à 10h05, le dossier a été renvoyé finalement au lundi 26 novembre 2007 à la demande du conseil du prévenu.

 

San Evariste Barro

Abdou Karim Sawadogo

L’Observateur Paalga du 13 novembre 2007



13/11/2007
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