L'Heure du Temps (Blog d'Information sur le Burkina Faso)

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"Qui sème le vent récolte la tempête" (Refondateur du CDP)

Refondateur du CDP

"Qui sème le vent récolte la tempête"

 

La suspension qui frappe les refondateurs du CDP n’est qu’amplement méritée, selon Théodore W. Seyni Syan qui se présente comme un ancien militant de la CNPP-PSD. Dans ce long article, qui ne manque pas d’intérêt, il fait la genèse de la CNPP-PSD, explique comment ce parti s’est abordé dans le CDP, les honneurs que les anciens ténors ont tiré de cette fusion et comment leur égoïsme les a perdu en les coupant des militants de base. Lisez plutôt.

 

"Qui sème le vent, récolte la tempête". Ce proverbe bien connu de chez nous, s'applique parfaitement au scénario d'un film politique burkinabé, vieux de près de douze ans, dont l'épilogue vient d'avoir lieu dernièrement avec la suspension des ex-leaders de la CNPP-PSD (Pierre Tapsoba, Oubkiri Marc Yao, Moussa Boly, Tao Hamadou et Mathieu Ouédraogo) des instances du CDP jusqu'au prochain congrès du parti. Voici le récit de ce film.

Dans la continuité de la dissolution du Front populaire et l'avènement de la Constitution du 2 juin 1991, moi et un certain nombre de camarades avions été approchés pour militer dans un parti d'obédience social démocratique, membre de l'international socialiste. Militants convaincus et fiers des idéaux socialistes, tels la liberté, l'égalité, la solidarité, l'action commune dans le respect et le souci des autres, l'épanouissement individuel, l'organisation sociale où les citoyens doivent pouvoir peser sur les décisions collectives, le droit citoyen d'exercer une influence sur l'agencement et la répartition de la production, l'organisation et les conditions du travail, nous voulions militer dans une formation politique où les valeurs
démocratiques sont comprises comme pouvant régir tous les niveaux de la société pour que celles-ci soit organisée sans rapport de domination ou de soumission, sans différences de classes, sans préjugés ou discriminations. Nous optâmes donc pour compter parmi les cadres de la CNPP-PSD de Pierre Tapsoba et du Professeur Joseph Ki-Zerbo.

 

"Notre seconde crise identitaire"

 

Aux élections législatives du 24 mai 1992, notre parti a obtenu 13 élus sur 106 et devenait ainsi la principale formation politique de l'opposition du moment. Ces illustres élus à l'Assemblée des députés du peuple d'alors allaient brillamment représenter notre courant politique de gauche, réformiste et non marxiste. A travers des interventions de grande classe à l'image de celles de Marc Yao et du Dr Paré, ces élus ont fait la fierté de tous les sociaux démocrates du Burkina Faso et donner des leçons de démocratie pluraliste à notre hémicycle. Par des analyses éminemment riches, ils ont su enseigner à leurs pairs et aux démocrates de notre pays, les fondements essentiels de notre idéologie à savoir la formation d'une société fondée sur les idéaux démocratiques et sur l'égalité de tous les citoyens. Cet clan de solidarité et ces belles leçons d'intelligence politique seront brusquement interrompus le 14 juillet 1994, par cet arrêt de la chambre constitutionnelle qui permettait à neuf de nos treize députés de démissionner pour créer un nouveau parti, le Parti pour la démocratie et le progrès (PDP) qui n'existait pas lors des élections de mai 1992. Nous devions désormais choisir entre un socialisme révolutionnaire du Pr Ki-Zerbo et un socialisme réformiste aux relents parlementaristes du Dr Pierre Tapsoba. Nous affrontions ainsi notre première crise identitaire de militantisme. Fallait-il choisir la culture politique qui allie pluralisme social, modération politique, négociation et concertation ou fallait-il aller du côté de la culture politique à idéologie composite de tradition communiste et revendiquant les principes du socialisme démocratique tel que fixés par l'international socialiste.

Nous entreprîmes de poursuivre notre roule avec la CNPP-PSD et de continuer cette rupture avec le communisme tout en plaçant notre démarche sous le signe du pluralisme politique alliant initiative privée et impulsion de l'Etat. Mais en terme de pourcentage, nous étions moins nombreux que nos camarades fidèles de la ligne traditionnelle d'aspiration socialiste imprégnée de syndicalisme.

En février 1996, sous l'impulsion de l'ODP-MT, parti majoritaire, notre formation politique acceptait la proposition de s'autodissoudre dans un grand parti social démocrate dénommé CDP, qui adopterait explicitement la démocratie pluraliste, opposerait à l'économie de marché les revendications sociales et privilégierait le rôle de l'Etat. Ce fut, Monsieur le Directeur, le tournant le plus décisif de l'histoire de notre parti. Les ténors (Pierre Tapsoba, Moussa Boly, Yao Marc, Alfred Kaboré, Mathieu Ouédraogo, etc.) convoquèrent un congrès extraordinaire au cours duquel, la question de la dissolution dans le CDP sera débattue. Au fil des débats et des interventions, l'unanimité se dégagea pour accepter cette fusion. Mais pour des militants convaincus que nous étions, notre formation n'était pas bien préparée à cette situation nouvelle. Plusieurs questions se posaient : Les ex-communistes étaient-ils suffisamment préparés pour faire des concessions sur les champs idéologiques chers à la démocratie pluraliste tels que l'égalité des chances, la direction démocratique de l'économie nationale ? Comment se calculaient les différents quotas de participation ? Quelle était la garantie de protection des militants absorbés par le nouveau mégaparti ? Bref, toute une série de questions qui n'ont jamais eu de réponses. Ce fut, à vrai dire, notre seconde crise identitaire de militantisme. Chacun de nous essaya de s'accommoder comme il peut à cette nouvelle situation. Mais beaucoup d'entre nous (qui étions restés à la CNNP-PSD et n'avions pas suivi le Pr Ki-Zerbo en 1994), n'avaient pas voulu la fusion. Ces derniers réintégreront le PDP-PS, rejoindront d'autres formations politiques ou cesseront tout simplement de militer.        

 

"Ils n'ont jamais promu un militant de l'ex-CNPP"

 

Aux législatives de 1997, le parti majoritaire organisa un touk-guili. Le CDP dans lequel notre parti s'était désormais absout obtint 101 sièges sur 111. Le PDP-PS obtint 4 sièges et se plaça comme la principale formation politique d'opposition du Burkina Faso. Ces résultats n'ont pas permis de faire le bilan de la fusion de notre parti dans le CDP. Une fois de plus, des anciens militants de la CNPP vont déserter le CDP. Le principal facteur de la nouvelle désertion des militants portera essentiellement sur leur abandon par nos anciens ténors. Devenus ministres, ambassadeurs ou députés, ils ne se souciaient plus des militants qui les avaient accompagnés au parti de Roch Kaboré. Tour à tour, nos anciens leaders ont effectivement été à la tête de certains ministères (Pierre Tapsoba, ministre des Transports et ministre de la Santé, Mathieu Ouédraogo, ministre de l'Enseignement de base). Ils ont également occupé de hautes responsabilités à l'hémicycle (Marc Yao, 1er vice-président de l'Assemblée nationale, Moussa Boly, premier questeur). A part eux, aucun autre militant n'a occupé des postes de responsabilité (aucun ambassadeur, aucun haut-commissaire, aucun préfet, aucun DREBA, aucun DPEBA, aucun DPA, aucun poste de commandement digne de ce nom). Même pour les simples demandes de mutations de nos camarades qui voulaient rejoindre leurs conjoints, c'était un parcours du combattant. Durant leur passage aux postes de responsabilités, ils n'ont jamais promu un militant de l'ex-CNPP.     

 

"Sans le savoir, ils étaient devenus minoritaires"

 

Aux législatives de 2002, une partie des derniers militants de la CNPP-PSD de 1994 allait rejoindre la CNDP, un courant CNPPiste radical qui quittera le navire CDP pour refonder une nouvelle formation politique. Ce parti obtint au total 2 sièges au Plateau central et au Centre-Est. L'autre partie de derniers militants résignés et englués dans le CDP va se retrouvée, qui dans le PDP-PS, qui dans des partis sankaristes, qui dans des partis engagés comme ceux du Pr Bado ou du Dr Paré, qui dans les deux PAI de Soumane Touré et de Philippe Ouédraogo. Les résultats de ces élections justifient bien mon argumentaire.

Aux législatives de 2007, il n'y avait plus de militants CNPP-PSD que les seuls anciens leaders du parti. L'aile CNPP-PSD n'avait plus à proprement parler de militants et par voie de conséquence, aucun responsable dans les structures locales du parti. Il va s'en suivre que nos ténors ne pouvaient pas être bien notés par les militants de base. Comme il fallait s'y attendre, aucun d'eux n'a obtenu de bonnes appréciations. Evidemment, ils s'en sont pris aux malheureux collèges électoraux chargés d'apprécier les candidats, mais le mal était plus profond que ces aspects superficiels de la méthode de désignation des candidatures. Ils vont reposer leurs critiques sur la question de la représentativité au niveau des instances suprêmes du CDP pour s'offusquer de leur mauvais classement sur les listes définitives. Sans le savoir, nos anciens ténors étaient devenus minoritaires. Leur refus de participer sur les listes CDP à ces législatives de 2007 va contribuer à les éloigner davantage des militants du parti. Ils n'ont pas certes quitté les hautes instances du CDP, mais leur poids avait complété diminué et leur présence était devenue presque anonyme.

C'est généralement le triste sort réservé aux leaders politiques qui n'ont de préoccupations que leurs propres intérêts.

Puis arriva mai 2008 avec son lot de refondation du CDP et de mémorandum. Nous, anciens militants CNPP-PSD, sommes mieux placés que quiconque pour débattre de questions sous-jacentes à ce fameux mémorandum des soi-disant refondateurs du CDP. Et pour imiter nos anciens ténors, nous avons également un mémorandum à l'adresse de nos anciens dirigeants, un mémorandum qui se résumera en quatre grands points :

 

"Ils doivent être traînés poings et pieds liés devant le tribunal de l'histoire"

 

Premièrement : Les anciens leaders de la CNPP-PSD que sont Pierre Tapsoba, Marc Yao, Moussa Boly et autres sont les principaux responsables de cette crise identitaire militante que de nombreuses personnes ont vécue au cours de leur expérience politique. Pour des intérêts autres que ceux de la sociale démocratie, du pluralisme politique et social, ils nous ont volé notre attachement et notre militantisme sincère. Ils nous ont transportés très loin de nos traditions idéologiques, et de notre centre de gravité. Ils nous ont séparés de notre vraie base politique. Nous avions perdu la connotation moderniste de nos ambitions politiques qui visaient à mener une politique dite réaliste ou d'accompagnement marquée par une culture de gouvernement. Ils nous ont volé notre âme, notre souffle spirituel, notre liberté individuelle si chère à tous les socialistes du monde.

Deuxièmement : Au nom du parti et en notre nom à tous, ils ont passé des accords sans se soucier de l'avenir politique des uns et des autres. Ils ont profité des avantages que procurait un tel accord. Nous leur exigeons aujourd'hui un droit d'inventaire.

Troisièmement : L'histoire retiendra qu'ils ont contribué, par leurs actions que l'on pourrait qualifier de situationnistes, d'opportunistes et de réactionnaires, à diviser l'opposition burkinabé, à l'affaiblir et à lutter contre l'alternance dans notre pays.

Enfin, ils doivent être traînés poings et pieds liés devant le tribunal de l'histoire pour y payer de leur forfait, de leurs agapes politiques et de leur traîtrise de l'international socialisme.

Quant à ce qui leur arrivé aujourd'hui au CDP, il faut avoir le courage de dire que cela était tout à fait prévisible. L'Observateur paalga, en sa parution n°7150 du 10 juin 2008, l'a si bien relevé : si l'on disait aux partisans de la CNPP qu'en se sabordant le 5 février 1996 dans le CDP, ils se faisaient sépouka, ils auraient sans doute répondu par la négative. A cette pensée japonaise, j'ajoute une autre pensée burkinabé qui dit : celui qui fait de bons achats, reçoit un bon pourboire.

Tout en m'excusant de la longueur de mon récit et de la violence de certaines images du film, je vous prie d'agréer, Monsieur le Directeur, l'assurance de ma considération distinguée.

 

W. Théodore Seyni Syan

Ancien militant CNPP-PSD

Ouagadougou - secteur 16

L’Observateur Paalga du 7 août 2008



07/08/2008
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