L'Heure du Temps (Blog d'Information sur le Burkina Faso)

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Retour à la normale

Bobo-Dioulasso

 Retour à la normale

 

Bobo-Dioulasso semble avoir retrouvé son rythme habituel avec la reprise effective des activités socio-économiques. L'affluence remarquable dans le centre- ville où chacun vaquait tranquillement à ses occupations durant le week-end a fait dire à certains que les émeutes des 20 et 21 février 2008 relèvent désormais du passé. Mais il n’en demeure pas moins que ces violentes manifestations organisées dans le cadre de la lutte contre la vie chère vont laisser indubitablement des souvenirs douloureux  aussi bien pour la ville qui a enregistré d’importants dégâts matériels, que pour des habitants qui ont vu leurs biens endommagés ou pillés par des vandales. 

 

La vie a repris son cours normal à Bobo-Dioulasso où le week- end qui vient de s’achever a été des plus paisibles pour la population. C’est  le constat que l’on pouvait faire en sillonnant les rues de la zone commerciale et même des secteurs environnants où la plupart des magasins qui avaient  leurs portes cadenassées sont de nouveau ouverts au public. L’affluence était beaucoup plus considérable au marché central, qui grouillait de monde. Ce qui donnait plutôt l’impression d’une période d’avant-fête ; après les émeutes qui ont paralysé le centre commercial pendant environ trois jours, c’était la ruée vers les produits de première nécessité pour de nombreuses familles qui étaient pratiquement en rupture de stock. Et tant mieux pour les commerçants qui renouaient, avec beaucoup de bonheur, avec leurs activités quotidiennes. Néanmoins,  les évènements malheureux des jours précédents continuent d’alimenter les conversations.

Et la déclaration du ministre de l’Economie et des Finances  semble avoir laissé un arrière-goût amer à de nombreux commerçants.

 

Les explications peu rassurantes du ministre des Finances

 

Dépêché en effet à Bobo-Dioulasso au lendemain des violentes manifestations pour une rencontre avec les opérateurs économiques, Jean-Baptiste Compaoré, qui était accompagné de son homologue de l’Administration territoriale et de la Décentralisation ainsi que de celui de la Sécurité, a affirmé qu’aucune taxe, patente ou impôt n’avait connu d’augmentation, avant de préciser : «Le problème se situe au niveau de l’application stricte des textes en vigueur qui réduit la marge bénéficiaire des commerçants. Le gouvernement, d’ailleurs, est en train de travailler pour y remédier». "Faux", rétorquent des marchands que nous avons rencontrés au marché central de Bobo,  qui disent être surpris par de tels propos. L’un d’eux, Guité Abdoulaye, qui relève de la division fiscale Houet 2, nous invite sous son hangar et nous exhibe des fiches d’imposition à la contribution du secteur informel avant de dire ceci : «L’année passée, comme vous pouvez le voir sur ce papier qui m’a été remis le 21 mars 2007 par les agents des impôts, j’étais astreint à payer la somme de 35 000 F CFA. Cette année, j’ai reçu le même type de document le 24 janvier 2008 avec un montant de 320 000 F CFA. Et lorsque j’ai voulu comprendre avec l’agent fiscal, il m’a fait savoir que nous sommes désormais soumis aux textes en vigueur. Et avec ça, le ministre dit qu’il n'y a pas eu d’augmentation». Même son de cloche pour Tioro Moussa de la division fiscale de Konsa qui dit être passé de 8 000 F en 2007 à 40 000 F en 2008. Nos échanges au sujet des augmentations commençaient déjà à provoquer un gigantesque attroupement et à irriter certains commerçants. Ce qui nous a obligé à nous exfiltrer pour poursuivre notre randonnée. Nous voilà à la direction  des douanes de l’Ouest, qui a payé l’un des plus lourds tributs dans ce mouvement de colère de la population. Ici, on s’affairait à recoller les morceaux pour reprendre  au plus vite le travail.

 

Nous avons une obligation de recettes mensuelles

 

Car pour son directeur régional, Joseph Kietyeta, «depuis hier (l’interview a été réalisée samedi), on s’emploie à remettre un peu d’ordre en essayant de récupérer ce qui peut encore l’être et on espère que dès lundi nous serons à nouveau opérationnels». Faisant le point de la situation, le directeur régional de l’Ouest, qui était assisté de Nana Issa, chef de division de Bobo, a surtout déploré ces actes de vandalisme et cet acharnement contre son personnel mais aussi ses services qui, dit-il, ont une obligation de recettes mensuelles. Mais l’espoir reste permis pour Joseph Kietyeta qui nous apprend que «Bobo Gare devrait faire au bas mot 2, 3 milliards de F CFA par mois et à la date du 20 février, plus de 2 milliards avaient été déjà encaissés et reversés à qui de droit. Nous allons tout mettre en œuvre pour reprendre le service le plus tôt possible bien que des agents soient encore sous le choc des violences, des pertes ou des dégâts qu’ils ont subis».

Outre la douane, certaines administrations, publiques comme privées, avaient repris du service durant le week-end. Il en était de même pour les établissements scolaires qui ont vu le mot d’ordre de fermeture levé par le gouvernorat des Hauts-Bassins. Ces récents incidents qui ont provoqué une stupeur généralisée ont, par ailleurs, contraint de nombreux organisateurs à un report ou à l’annulation pure et simple des activités qui devraient meubler le week-end écoulé des Bobolais. Et cela par mesure de précaution ou même par compassion à la douleur des victimes des émeutes. Au nombre de celles-ci, l’enregistrement de l’émission télévisée "All Floz" ou encore le festival Zamlelu pour la promotion de la culture bobo mandarè. Maître Gilbert Ouédraogo et ses camarades de l'ADF-RDA, qui avaient également rendez-vous à Bobo pour leur congrès les 23 et 24 février 2008, ont dû surseoir à leur mouvement au regard de la tension sociale qui a prévalu à Sya. Il n'y avait que les génies du CDP/Houet à voir autrement les choses pour vouloir organiser samedi une marche dite de soutien à Blaise Compaoré par suite des évènements des 20 et 21 février à Bobo. Quelle trouvaille pour des militants "chercheurs de nom"  ou en manque de popularité ! Fort heureusement que le mouvement a été annulé au dernier moment.

 

Jonas Apollinaire Kaboré

L’Observateur Paalga du 25 février 2008

 

 

Encadré

Des Bobolais s'expriment

 

Seydou Traoré, président des hôteliers. Les émeutes de la semaine dernière sont à déplorer, parce que les dégâts qui ont eu lieu n’arrangent personne. Nous sommes tous des fils de ce pays et nous devons plutôt nous donner la main pour le bâtir. Il est vrai que le coût de la vie est très élevé et qu’il est bien normal d’attirer l’attention des autorités sur les souffrances de la population, mais pas de cette façon. Ces évènements, qui ont eu lieu à un mois de la semaine nationale de la culture, vont certainement causer aux hôteliers d’énormes préjudices. Surtout que l’information a été relayée par des médias internationaux. Cela pourrait décourager des visiteurs à se rendre à Bobo pour la SNC. Et nous savons bien que l’avenir de ce pays passe aussi par le développement du tourisme. Et c’est dommage que ce soit encore nous qui contribuons à donner une mauvaise image de notre pays à l’extérieur.

Maintenant, il appartient aux autorités de se pencher sérieusement sur les conditions de vie des populations qui ne font que se dégrader au fil des années.  Il faut aussi entreprendre au plus vite des actions pour rassurer ceux qui veulent venir à Bobo  pour qu’ils fassent leur déplacement en toute quiétude.

 

Yoni Richard. Ces évènements constituent un signal fort pour l’Etat, qui doit désormais recentrer les choses et accepter de discuter avec la société civile pour comprendre les difficultés, les problèmes et les préoccupations réelles des citoyens. Nous vivons une situation où il faut vraiment un débat citoyen pour mieux analyser les choses et trouver ensemble des solutions. Mais avec ce qui s’est passé, on ne peut que déplorer les casses qui ont eu lieu. Cette marche a plutôt profité aux vandales et aux casseurs. Mais, je crois en toute honnêteté qu’il y a un malaise qui est là et il appartient désormais aux autorités de réfléchir et d'en trouver la solution.

 

Esther Zingué. Marcher contre la vie chère, c’est normal. Parce qu’aujourd’hui plus rien ne peut s’acheter ici à Bobo. Les gens ne peuvent plus continuer de souffrir de cette façon. Seulement, c’est regrettable ce qui s’est passé avec les boutiques qui ont été pillées. Les gens ont fait trop de dégâts et ce n’est pas bien. Cette marche a été très mal organisée et cela a permis à des vandales de s’infiltrer pour faire des dégâts. Nous sommes tous prêts à marcher contre la vie chère mais pas pour des casses ou des vols.

 

Yaro Drissa, CNSS. C’est tout simplement désolant ce qui s’est passé. Nous avons au départ cru à une marche pacifique et nous étions de cœur avec les marcheurs. Parce que la vie chère, nous la ressentons tous. Mais quand ça s’est transformé en vandalisme, nous étions tous choqués. J’ai personnellement été témoin d’une scène de pillage, et cela m’a fait très mal. Cette façon de faire est à proscrire pour des revendications somme toute légitimes. Après ces émeutes, il appartient maintenant à l’Etat de faire quelque chose. Il faut qu’il accepte de surseoir à certaines taxes pour permettre à ceux qui se débrouillent de continuer à survivre. Comment peut-on envoyer à quelqu’un qui payait 10 000 F CFA une imposition de 50 000 F CFA ? C’est peut-être lui demander de mettre la clé sous le paillasson pour aller grossir le nombre des chômeurs. Les gens n’en peuvent plus, il faut que l’Etat fasse des efforts.

 

                                                                        Propos recueillis par

J.A.K.



25/02/2008
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