L'Heure du Temps (Blog d'Information sur le Burkina Faso)

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Si on ne peut plus se fier au gendarme...

Si on ne peut plus se fier au gendarme...

 

Neuf (09) personnes croupissent à la Maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou (MACO) en attendant d’être jugées pour fraudes et tentatives de fraudes aux concours directs de recrutement de la Fonction publique, organisés du 6 au 15 août 2007 au Burkina Faso. L’information a été rendue publique le 20 août dernier au cours d’une conférence de presse par Seydou Bouda, le premier responsable de la Fonction publique et de la Réforme de l’Etat. L’identité des présumés fraudeurs n’a pas été révélée même si l’on sait qu’il y a parmi eux deux jeunes gens et sept agents publics dont un gendarme. La fraude aurait été vite circonscrite si bien qu’il ne serait pas nécessaire, selon le ministre, de reprendre le concours de la douane, dont les épreuves, soit dit en passant, ont été la cible des maîtres-fraudeurs. Mais enfin !

Le moins qu’on puisse dire, c’est que ça commence à prendre les contours d’une tradition bien burkinabè. Il y a péril en la demeure, et, tous, on devrait s’en inquiéter, car persister sur cette voie, c’est courir tout droit à la catastrophe. Et nos aïeux, c’est sûr, n'en finissent pas de se tourner et retourner dans leur tombe. Il y a vraiment de quoi, car depuis le diagnostic de l’agonie puis le constat de la mort de la morale au Faso, les “hommes intègres” sont de plus en plus nombreux à ne plus craindre Dieu ni les ancêtres, n'ayant pour seule code de conduite que cette ruineuse assertion qui veut que “la fin justifie les moyens”.

Depuis, on assiste impuissant au printemps de la fraude. Le mal a trouvé ici un terreau si fertile qu’il pousse pratiquement à l’occasion de chaque examen ou concours, à chaque attribution de marché public, de bourses d’études, de stages à l’étranger et même parfois de participation à un séminaire.

Comme une gangrène, la maladie touche aussi le secteur privé, où le phénomène est en passe d’être la règle. Les avis de recrutements lancés par certaines grandes entreprises financières et commerciales de la place ne sont très souvent que de la poudre au yeux pour donner une forme légale à la cooptation de certains postulants, parrainés par tel ou tel gourou du monde des affaires, de la politique ou de l’Administration…

Il en est ainsi depuis un certain temps au Faso, où chaque année nous réserve son lot de fraudeurs. 2007 n'a pas fait exception à la règle, et au plan scolaire, les fraudes les plus emblématiques ont été la “marée noire” au BEPC surtout à Ouaga et à Bobo, et l'écoulement du “pétrole”  à Ouahigouya à l’occasion de l’administration des épreuves du baccalauréat. Si rien que pour obtenir un diplôme, on fraude, il est plus qu’évident que la tentation est encore plus grande lorsqu’il s’agit de décrocher un emploi.

Mais quoi qu'on dise, l'heure est grave, et plutôt que d'en rire, on devrait en pleurer. Si rien n'est fait contre, dans notre pays on aura des diplômés en médecine qui ignorent royalement le b.a.-ba du métier, des professeurs de français qui confondent compléments d'objet direct et indirect, des diplômés de comptabilité qui pourront à peine déchiffrer un bilan.

La courte échelle dans les concours et les attributions de marchés publics ne servira qu'à ruiner les plus méritants et à desservir le peuple.

On le disait tantôt, la session 2007 des concours directs de la Fonction publique a été gravement entachée de fraudes surtout dans les épreuves de la très prisée douane. On pouvait s’y attendre d’autant plus que le nombre de candidats était 40 fois supérieur à celui des postes à pourvoir  et parce que beaucoup de nos compatriotes se sont depuis déjà bien longtemps laissé gagner par la facilité. En effet, aux 89 concours autorisés prenaient part quelque 323 000 candidats pour seulement moins de 8 500 places. L’enquête diligentée par les services de sécurité a permis d’appréhender, rappelons-le, 9 personnes, à savoir deux jeunes qui recevaient par fax les copies des épreuves de douane (à Ouahigouya), sept agents publics de l’Etat dont un gendarme. Ce dernier a été arrêté pour avoir acheté des épreuves. L’implication de cet officier de police judiciaire est un autre signe de l’ampleur de ce pernicieux cancer qui touche gravement les corps constitués de l’Etat.

Un gendarme ! qui l'eût cru ?

Il y a quelques années encore, on pouvait donner au gendarme le bon Dieu sans confession. On avait confiance en ce corps d'élite, qui le méritait bien. N'y accédaient en effet que des éléments de notre société qui étaient physiquement et intellectuellement aptes, mais surtout irréprochables au plan moral.

Plus rien de tout cela de nos jours, car ce corps aussi a été gagné par cette gangrène sociale : "les affaires"

En effet, si  de par le passé la peur du gendarme était le commencement de la sagesse, on ne peut plus en dire autant aujourd’hui, tant çà et là, des histoires foisonnent où des éléments des forces de défense et de sécurité s’acoquinent avec les malfrats pour délester de leurs biens les honnêtes citoyens. La récurrence d'une telle complicité, qu’elle soit passive ou active, entame très sérieusement le capital crédit  des hommes de tenue.

A Kaya, c’est un chef de brigade qui se transforme en armurier pour bazarder à des civils les armes de sa caserne ; ailleurs c’est un autre  qui loue son arme aux bandits. Dans un autre endroit du Burkina, c’est encore un autre qui modifie son acte de naissance pour mieux profiter de sa "jeunesse".  Chez les corps habillés (police, douane, eaux et forêts), le constat n'est guère reluisant.

On voudrait bien croire le lieutenant-colonel Ali K. Bouda, représentant de la gendarmerie dans le comité de pilotage des concours, quand il s'égosille à répéter  qu'il s'agit de "cas isolés" et qu'il y a des brebis galeuses. Mais vraiment, il y a fort à craindre que le ver soit déjà dans le fruit.

Le Faso, naguère propre comme la Haute-Volta, connaît de nos jours et de façon dramatique des maux tels la corruption, la concussion, le népotisme, la fraude à grande échelle.

La situation est d'autant plus critique que le poisson, comme on dit, pourrit par la tête.

En effet, c'est peu dire que d'affirmer que nos responsables politiques et du monde des affaires ne donnent pas toujours le bon exemple. La corruption dans ces hautes sphères de décision ressemble à s'y méprendre à un sport national.

C’est pour cela qu’il est grand temps de prendre le taureau par les cornes. Profiter de l’arrivée du nouveau Premier ministre pour secouer le cocotier afin d’en déloger à jamais toutes  les brebis galeuses.

Plus que jamais, il est grand temps de changer la manière de traiter les cas de fraude afin de dissuader toute velléité. Pour cela, il faut en finir avec les procès aux allures de huis clos, les peines plancher, les grâces présidentielles inopportunes, la non-divulgation des identités des fraudeurs appréhendés. Sur ce dernier point en effet, il faut convenir que les fraudeurs aux examens et concours sont aussi nuisibles que les autres délinquants que nos forces de l'ordre sont promptes à présenter, ardoise au cou, aux médias. Alors soyons sans faiblesse pour des sanctions dissuasives.

 

La rédaction

L’Observateur Paalga du 27 août 2007



27/08/2007
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