L'Heure du Temps (Blog d'Information sur le Burkina Faso)

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Simon peut-il réussir la fermeture des chambres de passe ?

Fermeture des chambres de passe

Simon peut-il réussir ?

De l’année passée à nos jours, le virevoltant maire de Ouagadougou a entrepris une lutte sans merci contre les maisons de passe et leurs tenanciers, dont l’activité est réprimée par le code pénal. C’est dire que le bourgmestre est à cheval sur la loi. En outre, il est soutenu de fait par nombre d’associations faisant la promotion du civisme et de la morale. C’est dire qu’ici aussi, l’homme de l’hôtel de Ville répond à des attentes.

Ce faisant, nul ne devrait trouver à redire dans son action, car un élu est là pour veiller à l’application de la loi et pour faire ce que ses électeurs veulent qu’il fasse. A l’heure où les citoyens sont écœurés par ce que nombre de gouvernants font de la loi et de leurs attentes à eux, l’action de Simon Compaoré dans ce cas-ci se passe de commentaire en termes de pertinence. De la part de ce maire, ce n’est guère étonnant, car il est volontaire (voire volontariste), chérit sa ville et la veut propre au sens propre comme au sens figuré.

Cependant, est-ce pour autant que dans la lutte contre les chambres de passe, il n’y a pas de place pour une vision différente voire contradictoire ? Nous ne le pensons pas et certainement que Simon Compaoré lui-même ne le pense pas.

Les raisons suivantes nous fondent à penser et à défendre ce que nous venons de dire :

 le maire est simplement un "primus inter pares" (premier parmi des égaux) parce qu’il est un humain comme nous et n’est là où il est là que parce que nous le voulons. Sa légitimité n’est ni divine ni liée aux facultés dignes d’un quelconque génie des Carpates ;

 nous sommes en démocratie et plaise à qui veut contredire le président du Faso, le président de l’Assemblée nationale, le Premier ministre, un ministre ou un maire de leur faire ;

 les actions au profit de la communauté de la part d’un maire doivent procéder par priorisation ;

 enfin, le combat en cours rappelle cette autre bataille perdue par la Révolution démocratique et populaire dans le domaine de la lutte contre la prostitution.

Volonté certaine mais pouvoir hypothétique

Comme nous l’avons dit, la volonté ne manque pas à Simon Compaoré, la loi est de son côté et une frange non négligeable de la société civile et de l’opinion publique est de son côté.

Toutefois, cela ne garantit pas, à notre sens, la victoire finale. Certes, aucune des victoires que nous enregistrons dans notre lutte quotidienne pour la vie n’est jamais gagnée d’avance, mais en termes de probabilité, nous pouvons prévoir, par exemple, que nos chances sont supérieures à un demi ou qu’elles tendent vers un. Dans cette hypothèse, nous prenons alors le risque de nous lancer dans l’aventure.

Peut-être que dans le cas du Conseil municipal, dont le maire est le premier responsable, les données disponibles permettent d’être optimistes. Mais ne disposant pas de ces données et estimant qu’en démocratie, les points de vue différents ou contraires à ceux de l’autorité mettent à la disposition de celle-ci d’autres éclairages, nous pensons que la justesse du principe de la lutte contre les chambres de passe n’en garantit pas la victoire. Pire, pour nous, cette lutte est inutilement "énergivore".

Vers un combat d’arrière-garde

Dans cette perspective, nous exposons dans les lignes qui suivent ce qui fonde notre conviction :

 pour nous, la lutte contre les chambres de passe est, pour sûre, une des priorités autour desquelles la communauté urbaine doit s’accorder, car dans ce pays et dans cette ville, tout est prioritaire. Or, dans un groupe social où tout est prioritaire, il faut établir une liste (croissante ou décroissante) des priorités parmi les priorités. Si chacun de nous se livre à cet exercice, il s’apercevra que la lutte menée aujourd’hui par le Conseil municipal n’est pas une priorité des priorités.

En effet, celle-ci ne peut pas passer avant :

 le curage des caniveaux en ce début d’hivernage. L’insuffisance des moyens ne peut-elle pas être comblée, au moins en partie, par l’implication des populations et des entreprises, dont la plupart ne daignent même pas déboucher les portions de fossé situées à leur devanture ; sans oublier que leurs agents et leurs visiteurs (et certains passants) contribuent à les boucher en y jetant des ordures ?

 l’entretien ou la réfection des voies.

Avec les prévisions météo optimistes pour cette saison, nul doute que certaines parties de Ouagadougou seront vite inaccessibles. Et que dire des ramasseurs de sable qui écument nos rues et qui commettent ainsi des actes d’autant plus criminels que leurs forfaits sont sources d’accidents (parfois mortels) ?

 la réflexion prospective sur les mutations sociologiques et sociopsychologiques de la ville de Ouagadougou. Autrement dit, remarquant qu’en cas de crise sociale ou politique, des bandes de loubards, de casseurs et de vandales incontrôlées font irruption dans la rue de manière régulière, il est pertinent de commanditer une étude pour savoir pourquoi les canaux traditionnels de la contestation (que sont les syndicats) ne sont plus les cadres usités par ces catégories sociales. Les réponses à cette question peuvent permettre d’élaborer des politiques en conséquence.

En fait, la fermeture des chambres de passe ne résoud aucun problème. Elles sont là parce qu’elles satisfont un besoin (certes immoral). Et ce n’est pas en les fermant qu’on dissipe le besoin comme par enchantement.

Et comme le besoin ne se dissipe pas, le diabolisme de la nature humaine lui permettra de trouver d’autres astuces pour parvenir aux mêmes fins. Alors, Monsieur le Maire, courage, mais ne vous faites pas d’illusions.

Z.K.

L’Observateur Paalga du 4 juin 2008



04/06/2008
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