L'Heure du Temps (Blog d'Information sur le Burkina Faso)

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Tertius aura-t-il les coudées franches ?

Formation du nouveau gouvernement

Tertius aura-t-il les coudées franches ?

 

 

Tard dans la nuit du 10 au 11 juin 2007, le premier gouvernement du nouveau Premier ministre, Tertius Zongo, a été rendu public. C'était la fin d'un long suspense, car, sauf erreur de notre part, jamais gouvernement sous la IVe République n'avait pris autant de temps pour se mettre en place. Le jeu en valait certainement la chandelle dans la  mesure où selon des sources concordantes, le chef du gouvernement voulait vraiment former une équipe à lui, exception faite des ministrables que devait lui suggérer le Président du Faso.

 

"La formation du nouveau gouvernement, écrivions-nous la semaine dernière, permettra de se faire une idée moins vague des marges de manœuvre du Premier ministre et de sa volonté de relever les défis qui se présentent à lui". Aujourd'hui, peut-on dire que Tertius Zongo dispose d'une réelle marge de manœuvre pour agir à sa guise ?

La réponse à cette interrogation est sans doute difficile, car, même s'il s'agissait de Blaise Compaoré, on ne saurait dire de manière péremptoire qu'il lui est permis de tout faire à sa guise. En effet, quelle que soit la position de l'individu au sein d'un système, il est certain que ce dernier est à même, dans bien de cas, de s'imposer à lui.

Toutefois, si l'expression "avoir les coudées franches" existe, c'est que, dans une perspective relative, l'individu peut disposer, dans un système auquel il appartient, d'une marge de manœuvre en fonction des liens qu'il a avec les autres individus, ses supérieurs, ses collègues, ses subordonnés, de sa personnalité, de ses compétences.

Aussi aborderons-nous le cas du tout nouveau Premier ministre dans cette logique. Pas que nous le connaissions suffisamment pour nous lancer dans une description détaillée de sa personnalité, de ses compétences et de l'influence qu'il peut exercer, par exemple, sur Blaise Compaoré, Roch Marc Christian Kaboré (dont on disait être  l'homme),  Salif Diallo... Mais parce qu'à partir de son passage au gouvernement et à l'ambassade du Burkina à Washington DC, l'on peut disposer d'un minimum d'informations pour en dire quelque chose.

 

Avant la formation du gouvernement

 

Pour apprécier la marge de manœuvre de Tertius Zongo, il faut, nous semble-t-il, remonter à la période d'avant la formation du nouveau gouvernement, et faire le tour des spéculations et des rumeurs relatives aux contours de son équipe. Certes, certaines de ces spéculations et rumeurs étaient vraiment fantaisistes. Par contre,   il y en avait qui, honnêtement, tenaient la route au regard de la trempe de ceux de qui elles provenaient et vu la composition actuelle du  gouvernement.

Ainsi, il était prêté au nouveau chef du gouvernement l'intention de se passer des services de Salif Diallo, d'Alain Yoda, de Kader Cissé, etc., en plus de ceux qui sont déjà passés à la trappe. Or, ces gens-là ne sont pas n'importe qui dans le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) et dans le système de gouvernance de la IVe République : Salif Diallo est un bonze, les autres des mini-bonzes.

Les intéressés en étaient, semble-t-il, mécontents. Le CDP également dont les gros bonnets se seraient réunis plus d'une fois pour que pareille vague de limogeages n'ait pas lieu. Blaise Compaoré aurait ainsi reçu certains de ces patrons du parti majoritaire et aurait tempéré les choses en proposant à Tertius Zongo des solutions de compromis. L'équipe gouvernementale serait alors l'expression du compromis minimal.

 

Une fois la composition de l'équipe rendue publique

 

Le compromis minimal a donc, s'il est avéré, profité à Salif Diallo (qui garde son rang de ministre d'Etat et sa fonction de   ministre chargé de l'Agriculture) et surtout à Alain Yoda (qui devient ministre d'Etat). Les Kader Cissé, Seydou Bouda (eh oui, lui aussi, après avoir été pressenti Premier ministre et ministre en charge du Budget, a failli ne pas faire partie du gouvernement), etc., sont également restés.

Les questions fondamentales qui se posent aujourd'hui sont les suivantes : à la lumière des intentions de départ prêtées au Premier ministre, quelle sera son attitude vis-à-vis de ceux qu'il n'est pas parvenu à évincer ? A l'inverse, comment se comporteront ces derniers face à Tertius Zongo ? Quel accueil le CDP réservera-t-il à celui-ci à l'Assemblée nationale où ce parti est supramajoritaire ? Bien que Roch Marc Christian Kaboré soit (presque) de nature tempéré, pourra-t-il empêcher quelque député ayant quitté le gouvernement du fait de Tertius Zongo de lui chercher noise ? D'un autre côté, le président de l'Assemblée nationale pourra-t-il être un bouclier solide pour Tertius Zongo face aux députés qui lui en voudraient pour avoir tenté d'éconduire leurs parrains ou mentors ?

 

Un poison mortel au Burkina : la rancune

 

On le sait, les rancunes concernant les disputes pour le pouvoir sont tenaces. Elles le sont davantage au Burkina pour des raisons culturelles (misère morale) et économiques (pauvreté matérielle) ; tant et si bien qu'il faut envisager le pire pour Tertius Zongo, même s'il   faut secrètement espérer le meilleur (pour lui   et) pour le Burkina ; même si, Blaise Compaoré étant au-dessus du lot, il peut disposer d'un parapluie d'acier pour se protéger des éventuelles bombes de ceux qu'il a osé défier.

A quelques différences près, cette situation nous rappelle celle de Paramanga Ernest Yonli quand il avait voulu s'affranchir de celui que le tout Burkina considérait comme son tuteur (à savoir Salif). Accusé d'avoir préféré François Compaoré à Salif Diallo, il en a vu des vertes et des pas mûres. Alors, de même donc que P.E. Yonli a voulu prendre des libertés, et en a probablement pris pour son grade, de même, T. Zongo, en voulant se débarrasser de l'establishment du CDP et des gardiens du temple, pourrait en payer le prix en termes de marge de manœuvre.

A moins que :

- Blaise Compaoré le soutienne à fond ;

- ceux qui sont restés au gouvernement et ceux qui en sont partis reviennent à la raison ;

- R.M.C. Kaboré ajoute sa quote-part d'homme de dialogue dans la balance.

Après tout, personne n'est né Premier ministre ou ministre, et personne ne devrait penser être à ce poste ad vitam aeternam si tant est que c'est pour servir le pays.

 

Z.K.

L’Observateur Paalga du 13 juin 2007



13/06/2007
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