L'Heure du Temps (Blog d'Information sur le Burkina Faso)

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Tertius Zongo devant les députés : La rupture dans le fond et la forme

Tertius Zongo devant les députés

La rupture dans le fond et la forme

Il est 17h 45, le Premier ministre est chaudement applaudi par les 101 députés présents de l'hémicycle. Son premier passage semble avoir été réussi. Il a impressionné par le ton de son discours, le choix de ses mots pour caractériser la situation nationale et surtout son empressement à aller à l'action et aux résultats. C'est un discours de rupture dans le ton et dans le fond. C'est sur le terrain des actes qu'il est désormais attendu.

Le grand oral de Tertius Zongo a duré près de deux heures de temps. Il a conclu son discours par un "Dieu bénisse le Burkina", réminiscence de son séjour américain où il fut ambassadeur pendant quelques années. Le diagnostic fait par le Premier ministre devant l'assemblée nationale ce 4 octobre 2007 est d'une telle lucidité que venant d'un Premier ministre burkinabè, il n'a pas manqué de susciter quelques surprises dans l'auditoire. On aurait dit un opposant qui critique l'incurie d'un gouvernement. En fait, ce n'était que pour mieux décliner les défis qui l'attendent lui et son gouvernement.

La pauvreté a reculé certes de près de 6 pour cent entre 2003 et 2006. Son taux est passé de 46,4 à 40,8 et pendant la dernière décennie, le taux de croissance moyen de l'économie burkinabè a été de 6%. On pourrait s'en réjouir, selon le Premier ministre mais face à la réalité du terrain et les défis à relever "le chemin qui reste à parcourir nous impose à tous beaucoup de modestie" et Tertius Zongo de dépeindre le tableau économique et social du Faso.

Sur la croissance économique, il n'est pas satisfait. Il y a 41% de personnes qui sont encore victimes de la pauvreté. Trop, estime le premier ministre.

La faute à la structure actuelle de notre économie qui, en un demi-siècle "n'a pratiquement pas changé" et à la pluviométrie, "une variable explicative de notre croissance". Il fait le constat que les produits locaux ont peu de valeur ajoutée parce que non transformés, alors qu'ils constituent une bonne partie des exportations.

L'industrie, embryonnaire est toujours limitée par le coût excessif des facteurs de production avec un marché étroit et peu compétitif. Le secteur des services est quant à lui miné par la bureaucratie , une sur-réglementation et une pression fiscale sans discernement" toute chose qui encourage l' informalisation de l'économie.

Sur la qualité et la quantité des infrastructures, le Premier ministre n'est pas satisfait. Le chômage, la qualité du service public, l'accès encore limité des citoyens au système judiciaire, la corruption sont autant de zones d'ombres que le Premier ministre a relevées et invité tous les Burkinabè à l'action, à rompre avec "la dictature des mauvaises habitudes", le fatalisme et le scepticisme.

Pourtant, il dit ne pas faire de promesses démagogiques, malgré la hauteur des enjeux et les défis urgents. Il entend donc approfondir les réformes, moderniser l'appareil de l'Etat et l'économie nationale en vue de la création des richesses.

Le temps de l'action....

Il a indiqué les axes de sa politique qui s'appuieront sur les orientations suivantes : une économie ouverte et compétitive porteuse de croissance et de qualité et d'emplois; la création de conditions d'épanouissement et la valorisation du capital humain,; le renforcement de l'autorité de l'Etat et la promotion de la gouvernance partagée et le rayonnement international du Burkina et son leadership dans le concert des Nations.

Malgré ses ambitions pour le Burkina, l'homme se veut réaliste. S'il engage l'Etat face à ses responsabilités, le Premier ministre n'oublie pas certaines pesanteurs qui pourraient freiner son action: la structure de notre économie, l'organisation du système des finances publiques peuvent l'action des pouvoirs publics.

Les objectifs du gouvernement sont une croissance de plus de 6%, réduire le taux de pauvreté à 35% en 2015. Pour lui, seule une croissance à deux chiffres est nécessaire pour réduire substantiellement le chômage. La maîtrise de l'inflation, la rationalisation des dépenses publiques et la simplification du système fiscal en le rendant incitatif. Le Premier ministre a évoqué une relecture de certains codes: impôts, investissement, douanes...) visant à élargir l'assiette fiscale.

Transformer les produits locaux

L'agriculture, l'élevage et les mines sont des piliers de l'économie nationale. Le coton qui fait vivre environ 17% de la population a retenu l'attention de Tertius Zongo. Il a annoncé l'assainissement de la situation financière de la filière et l'approfondissement de sa restructuration. L'accent sera mis sur la transformation sur place. D'ici 2015, le Burkina Faso compte transformer sur place 25% de son coton. Un projet sera lancé à ce sujet et concernera le Mali et le Burkina Faso. Au titre de l'intensification agricole, la mécanisation sera renforcée. L'annonce de la construction d'un pôle industriel textile a été faite par le Premier ministre. Celui-ci va intégrer des unités de tricotage, de confection et de finition dans la future zone franche agro-industrielle de Samandéni . Un fonds de mécanisation agricole est prévu et va contribuer à faire passer le taux d'utilisation des machines de 30% à 75% en 2015. La production de riz est visée avec un objectif de 800 mille tonnes en 2015. L'élevage compte pour 12% dans le PIB et pour 20% dans les recettes d'exportation. L'exportation concerne le bétail sur pied, toute chose qui n'offre pas de plus-value. Il représente 26% des revenus des populations. Là également, le Premier ministre engage son gouvernement sur la transformation avec la création et la modernisation des infrastructures de production, de transformation et de la distribution des produits animaux.

Au plan minier, la dynamique créée avec l'adoption du nouveau code minier en 2003 sera renforcée. Cinq mines ont été ouvertes et Tertius Zongo a annoncé la construction de trois autres entre 2009 et 2010.

2000 emplois nouveaux sont attendus de ces projets, L'organisation de l'extraction artisanale de l'or qui compte près de 200 mille personnes est au menu des chantiers du nouveau gouvernement qui veut accroître la contribution de ce sous-secteur à la croissance et à la lutte contre la pauvreté.

Le coût des facteurs sont un goulot d'étranglement que le gouvernement compte lever à travers le développement des infrastructures (transports, énergie, environnement, eau assainissement et télécommunication). Dans le souci d'attirer de nouveaux investisseurs, le gouvernement s'est engagé à mettre en oeuvre les recommandations de ses concertations avec le secteur privé. Il s'agit d'améliorer l'environnement des affaires.

Au titre des actions concrètes dans le domaine de l'eau par exemple, le Premier ministre a annoncé, l'extension de l'"opération 50 mille branchements" d'eau aux autres centres urbains, faire bénéficier de l'eau potable à près de 4 millions de personnes en milieu rural.

Vous avez dit gouvernance?

Avant même son discours de politique générale, le Premier ministre avait déjà donné le ton lors de l'assemblée générale des société d'Etat et des établissements publics de l'Etat. Il y avait interpellé les gestionnaires de la chose publique. Rigueur et transparence avaient été ses maîtres mots. Devant la représentation nationale, il a explicité sa vision. Les responsables publics vont désormais rendre compte de leur gestion. Selon lui, la lutte contre la corruption ne sera que "gesticulation" si les agents ne font preuve ni de responsabilité ni de transparence. Les fautifs seront sanctionnés par la Justice.

Il a annoncé la création d'une structure autonome organisée en corps. Entre autres mesures annoncées, le renforcement des effectifs de la Cour des comptes; le renforcement de la communication sur les questions de gouvernance et la publication des résultats des investigations et, surtout, la création d'une structure de suivi de l'exécution des conclusions des différents corps de contrôle.

Il a terminé son discours par la promotion du genre dont les évocations " porteuses d'Afrique", "colonne vertébrale de la Nation" lui ont valu des applaudissements. Pour les 7 millions de femmes, le gouvernement de Tertius Zongo prévoit d'améliorer le statut économique, social et juridique et d'élargir l'accès à l'éducation, à la formation et aux sphères de décision.

A la fin de sa prestation, le président de l'Assemblée nationale lui a donné acte des objectifs que son gouvernement s'est fixés. Et Maintenant, on pourrait dire, comme au cinéma : "action !" Dans notre édition de lundi, nous vous proposerons quelques réactions d'hommes politiques recueillies à chaud.

Abdoulaye TAO

Le Pays du 5 octobre 2007



05/10/2007
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