L'Heure du Temps (Blog d'Information sur le Burkina Faso)

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Trop direct, le french doctor

Bernard Kouchner à Bagdad

Trop direct, le french doctor

 

 

Le voyage s'était pourtant déroulé sans encombre. Trois ans et demi après l'invasion américaine de l'Irak, un ministre français des Affaires étrangères se rendait à Bagdad.

Qui se rappelle la position antiguerre qu'avait affichée la France chiraquienne mesure l'ampleur du virage diplomatique qu'entend opérer Nicolas Sarkozy, dont l'atlantisme est bien connu.

Finie donc, l'opposition frontale à la politique belliqueuse des faucons de Washington. Oubliées également, les récriminations lyriques d'un Dominique de Villepin, alors locataire du Quai-d'Orsay. Place à des relations apaisées et normalisées avec le grand frère américain, qu'il faut dès lors aider à se soustraire du bourbier dans lequel il s'est volontairement enlisé.

La personnalité du nouveau chef de la diplomatie française ajoutait au panache et au symbole de l'opération.

Bernard Kouchner est en effet l'un des fondateurs en 1971 de Médecins sans frontières et en 1979 de Médecins du monde. Il est en outre précurseur et concepteur du droit d'ingérence humanitaire. On se souvient de l'homme crapahutant, sac de riz à l'épaule, sur les plages de Mogadiscio lors de l'expédition américaine "restore hope" (déjà !), qui avait tourné à la débâcle pour les boys.

On apercevra ensuite sa frêle silhouette au Kossovo, où il fut haut représentant des Nations unies et administrateur de la région. C'est donc un vétéran des foyers de tension, blanchi sous le harnais, que le nouveau locataire de l'Elysée a débauché du Parti socialiste, pour en faire le premier de ses diplomates.

Le hic, c'est que le docteur Kouchner, qui passe pour être l'une des personnalités les plus aimées des Français, n'est pas toujours très diplomate, et c'est peu dire. Peu à l'aise dans la langue de bois, il est aussi connu pour son franc-parler.

Et c'est peut-être ce "vilain défaut", pour un diplomate, qui l'a rattrapé alors qu'il venait de réussir son examen de passage, à Bagdad s'il vous plaît !

Dans un entretien accordé au journal "Newsweek", Bernard Kouchner a ouvertement pris ses distances avec le chef du gouvernement irakien, Nouri al-Maliki, affirmant avoir déclaré à son homologue américaine, Condoleeza Rice, que ce dernier "doit être remplacé".

Un dialogue mal engagé par le premier responsable du Quai-d'Orsay, qui a osé dire tout haut ce que bien d'autres pensent tout bas.

Tout ce monde sait, en effet, depuis de nombreuses semaines, que le Premier ministre Al Maliki se trouve dans une impasse : son gouvernement se réduit comme peau de chagrin, au gré des multiples défections et des incessants tiraillements entre ses différentes composantes ethno-religieuses (chiites, sunnites jurdes...).

Et même son parrain américain, qui l'a fait roi, se désespère. La question alors se pose de savoir jusqu'à quand ce gouvernement survivra ou plutôt quand son chef rendra-t-il le tablier, dans un climat chaque jour plus délétère.

Ainsi, ce que d'autres n'ont pas osé dire, en tout cas pas aussi ouvertement, le French doctor l'a exprimé franchement et par voie de presse.

Une thérapie de choc qui a fait bondir l'impuissant mais irascible Premier ministre irakien. Celui-ci a exigé aussitôt des excuses publiques de la part du gaffeur. C'est chose faite depuis hier, et Bernard Kouchner a tenu à souligner "qu'il s'agissait de propos que j'ai entendus dans la bouche de mes interlocuteurs irakiens". Et le ministre français de poursuivre que "si le Premier ministre, M. Maliki, veut que je m'excuse d'avoir interféré dans les affaires irakiennes de façon aussi directe, je le fais volontiers".

Bien sûr, pour certains, ces excuses peuvent paraître presque humiliantes pour un ministre obligé de se dédire en l'espace d'une semaine. Ses ex-camarades socialistes n'ont d'ailleurs pas manqué l'occasion qui leur était ainsi offerte de vilipender "l'amateurisme le plus complet" du célèbre transfuge.

Mais on peut aussi percevoir dans ce mea culpa une forme d'humilité, qui consiste, fût-on ministre de la République, à reconnaître ses erreurs et à faire amende honorable.

Cela participe même d'une certaine grandeur d'esprit dont peu savent faire montre à un tel niveau de responsabilité.

Resté fidèle à lui-même, celui qui a toujours affirmé que "mon pays, c'est le monde" a pu compter, dans cette épreuve, sur le soutien de Nicolas Sarkozy qui lui a renouvelé sa confiance.

 

H. Marie Ouédraogo

L’Observateur Paalga du 28 août 2007



28/08/2007
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