L'Heure du Temps (Blog d'Information sur le Burkina Faso)

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Un intrus nommé Ben Barka

Rencontre Sarko-M6

Un intrus nommé Ben Barka

 

Claude Guéant l’avait plus ou moins annoncé avant que cela ne soit officiel, le président français Nicolas Sarkozy va entamer une visite au Maroc. Chose faite, puisque depuis lundi dernier et ce, jusqu'à mercredi, le locataire de l’Elysée sera l’hôte du roi Mohamed VI.

Une visite qui avait du reste suscité un petit débat relatif à la présence ou non de celle qui était encore «première dame» de France même si cette appellation «la rase» ; on aura compris, pour la première fois un chef d’Etat français se rend chez son «ami le roi» sans son épouse. En effet, une tradition bien établie veut qu’un tel déplacement se fasse à deux mais voilà que Cécilia  en a décidé autrement et comme «c’est la partie non négociable» de Sarkozy…

Voilà donc un président français esseulé en compagnie de M6 pour 96 heures d’une  visite d’Etat. Et à l’évidence un déplacement fructueux pour les deux pays vu sous l’angle économique :l’Hexagone a signé pour au moins deux milliards d’euros de contrats civils et militaires dont les  plus colossaux  sont  sans conteste la réalisation d’une ligne de train à grande vitesse (TGV) entre Tanger et Casablanca et la vente d’une frégate polyvalente de classe FREMM.

Trois entreprises françaises peuvent déjà remercier Sarko pour ce voyage qui leur fera engranger beaucoup de «tunes», notamment  Alstom, la SNCF et Réseau ferré de France. En effet, les signatures sur le protocole d’accord  de Karim Ghellab, ministre des transports du Maroc et de Jean-Louis Borloo, ministre français de l’écologie, du développement et de l’aménagement durables valent leur pesant de milliards.

Seule fausse note à ce volet économique, le fait que Sarkozy n’ait pas réussi à refourguer les fameuses rafales (avions de combat) de son ami Serges Dassault aux Marocains ces derniers préférant les bombardiers américains F16. Normal ; du reste le Maroc est le premier bénéficiaire de l’aide française (200 millions d’Euros par an) et la France est le premier partenaire commercial du royaume chérifien. Economiquement donc, la coopération Nord Sud ou plutôt pour emprunter un jargon cher à Sarko entre l’Europe et les pays de la méditerranée se porte à merveille et ce n’est pas lui qui s’en plaindra même si le Maroc n’est pas la Turquie.

Tout aurait donc été parfait dans cette visite si le fantôme de l’opposant marocain Medhi Ben Barka ne s’y était pas intrusé. En effet, est-ce un hasard ou un calcul délibéré, alors que l’avion de Sarkozy venait à peine d’atterrir au Maroc voilà que le juge français Patrick Ramaël, instructeur du dossier Ben Barka, signait 5 mandats d’arrêt internationaux contre des personnalités du royaume notamment le général Hosni Bensilimane, tout puissant patron de la gendarmerie royale,  Abdel Kader Kadiri, ex-patron de la direction générale des études et de la documentation (DGED, les renseignements militaires), Miloud Tounsi (membre présumé du commando qui aurait enlevé Ben Barka, Boubker Hassoumi (agent du Cab 1, unité ultra sécrète marocain) et Abdledak Achaachi également membre du Cab1.

Certes ces mandats d’arrêts ne seront effectifs qu’une fois que la chancellerie aura donné son feu vert , alors le Bureau central excroissance d’Interpol en France pourra alors exécuté la décision. On en est encore mais certains ne peuvent manquer de se poser la question de cette concomitance de la visite sarkozienne et la délivrance de ces mandats d’arrêts.

C’est vrai que depuis 42 ans que l’opposant marocain a disparu et jusqu’à présent, malgré certains documents qui circulent, les langues qui se délient au compte gouttes et même un film dédié à l’illustre disparu, la vérité reste opaque sur les circonstances de la mort de Ben Barka. En effet, de tels mandats ne peuvent manquer de susciter des interrogations surtout que selon certaines sources, les services secrets français ne sont pas blancs comme neige dans cette ténébreuse affaire.

Pourquoi alors que Sarko et M6 se rencontrent, un juge indexe  nommément des Marocains ? Désir d’un «petit juge» de marquer un coup médiatique ? Ou encore volonté des deux premiers magistrats d’apurer un contentieux qui n’a que trop durer et qui empoisonnent les relations franco-marocaines ? Possible quand on connaît le tempérament de Sarko et pour peu qu’on l’écoute. Si on ajoute à cela la méthode du jeune roi qui depuis 2004 a entrepris une sorte de  «déhassanisation» (assises de la commission éthique et vérité, limogeage de Driss Basri..), on peut subodorer qu’il y a une volonté de trouver une catharsis définitive à cette histoire.

En tout cas, ce n'est pas la famille du disparu qui s’en plaindra ;déjà son fils Bachir a salué l’action du juge Ramaël, ni les Marocains dans leur ensemble qui gardent une bonne image de ce panafricaniste et surtout altermondialiste avant la lettre que fut Ben Barka. On peut toujours épiloguer à l’envi que ce sera la justice des forts du moment, mais un mauvais procès dans le cas d’espèce ne vaut-elle pas mieux que cette situation statique vielle d’une quarantaine d’années ?

 

Zowenmanogo Dieudonné Zoungrana

L’Observateur Paalga 24 octobre 2007



24/10/2007
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