Arrestation de Moussa Kaka au Niger : Tandja se trompe de combat
Arrestation de Moussa Kaka au Niger
Tandja se trompe de combat
Pauvres journalistes !
A voir les hommes de médias maltraités par-ci par-là à travers le monde, il est à penser qu'ils sont devenus les souffre-douleurs des pouvoirs en place. La situation que vit notre confrère Moussa Kaka à Niamey en est l'exemple parfait.
En effet, depuis le 20 septembre 2007, Moussa Kaka, le correspondant de Radio France internationale (RFI) à Niamey au Niger, croupit dans une cellule de la gendarmerie. Il est poursuivi pour «atteinte à la sûreté de l’Etat» par les autorités en place pour ses présumés liens avec les rebelles touaregs du Mouvement des Nigériens pour la justice (MNJ), qui redonnent depuis février 2007 du fil à retordre à l’armée de Mamadou Tandja au nord du pays.
Selon le procureur général, Adama Harouna, le journaliste aurait eu ces derniers temps (août-septembre) des conversations téléphoniques avec les rebelles sur leurs activités et leurs relations avec la rébellion touareg du Mali. C’est dire que le téléphone du correspondant est depuis sous écoute. Ce qui est du reste un fait illégal qui, pis est, reste difficile à justifier.
De passage à Paris, le porte-parole du gouvernement nigérien a déclaré que Niamey détenait des preuves susceptibles de confondre Moussa Kaka, qui se serait comporté comme un conseiller des rebelles tandis que RFI aurait été leur porte-voix. Malheureusement, personne ne connaît le contenu de ces fameuses «preuves». Du coup, il est difficile de porter un jugement digne d'intérêt sur leur validité.
Mais, de prime abord, on peut s’étonner de ce que Niamey accuse Moussa Kaka de collusion avec la rébellion. En effet, en tant que journaliste, c’est normal qu’il déploie des initiatives pour entrer en contact avec les rebelles pour pouvoir réaliser ses reportages dans le but d’informer largement le public. En outre, du fait même qu’il soit le correspondant de RFI, une radio dont la voix porte loin, on peut aisément imaginer que les combattants du MNJ aient fait eux-mêmes les premiers pas vers lui. Et puis, c’est une pratique courante, aujourd’hui, quand il y a un conflit, chaque camp cherche à gagner la bataille de la communication en allant lui-même vers les organes de presse pour une médiatisation de ses actions. Et on ne peut pas jeter la pierre à un journaliste qui, dans le cadre de son travail, a eu des contacts avec une rébellion.
Parce qu'il a agi de la sorte, on peut penser que Mamadou Tandja, qui a depuis quelques années du mal à casser du rebelle, est enclin à s’en prendre à des gens qui n’ont rien à voir avec ses adversaires. Rien qu’en juillet, c’était un arrêté d’expulsions qui visait deux membres d'AREVA au Niger, le directeur (Dominique Pin) et un conseiller à la sécurité. Des expulsions liées à un soutien présumé de ce groupe français aux rebelles. Aujourd’hui, c’est la détention pour Moussa Kaka. Tout se passe comme si Niamey, au lieu de régler ses comptes avec les rebelles, qui sont source d'insomnie parce qu'ils ne cessent de faire des dégâts au sein de l'armée nigérienne, deverse toute sa colère noire sur de pauvres civils sans défense. Dans nos traditions africaines, un adage ne dit-il pas qu'un gamin, faute de régler ses comptes avec le caillou qui lui a fait perdre l'équilibre, ne doit pas s'en prendre à l'endroit où il est tombé ?
Le moins qu’on puisse dire est que sous l’ère Tandja, le correspondant de RFI ne connaît pas de répit, harcelé qu’il est par un régime qui ne rate jamais une seule occasion de le mettre aux arrêts. Déjà en 2002 et en 2004, il avait goûté aux geôles du colonel-président pour les mêmes raisons : être entré en contact avec les rebelles. Autant dire que l’histoire se répète.
Mais plutôt que de s’acharner sur un pauvre «gratte-papier», Mamadou Tandja gagnerait à reconnaître au plus vite l’effectivité de la rébellion et à travailler à amorcer un dialogue avec des insurgés qui sont loin d’être, contrairement à ce que prétendent les autorités du pays, «une simple bande de bandits armés, de voleurs et de trafiquants de drogue». Si officiellement les rebelles sont considérés comme de simples bandits, on ne comprend pas la gymnastique faite par Tandja et les siens pour persister dans l'accusation d’atteinte à la sûreté de l’Etat contre notre confrère car, à ce qu’on sache, la déstabilisation et le contrôle d’une portion ou de tout le territoire d’un pays sont des objectifs que peuvent se fixer seulement des rebelles mais pas des bandits.
Négocier avec les insoumis du Nord, c’est franchement ce que les autorités ont de mieux à faire car le Niger, pays pauvre et très endetté, gagnerait à utiliser ses ressources pour lutter contre le sous-développement plutôt qu'à les investir dans la traque aux rebelles, combat à l’issue incertaine.
San Evariste Barro
L’Observateur Paalga du 27 septembre 2007
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