L'Heure du Temps (Blog d'Information sur le Burkina Faso)

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Comment conjurer la guerre des clans au CDP/Mouhoun

CDP/MOUHOUN

Comment conjurer la guerre des clans ?

Les élections municipales et législatives de 2006 et de 2007 ont favorisé le retour des vieux démons au CDP Mouhoun. On ne s'est pas haché mais la barque a tangué et a même chaviré dans les eaux du fleuve Mouhoun, donnant naissance au CDP 1, au CDP 2 et au CDP 3. Cette lutte de tendances au sein de ce parti majoritaire a radicalisé les positions de certains militants au point que d'autres ont ramé à contre-courant. Ces politiciens continuent de s'entre-déchirer après les joutes électorales et le pire est à craindre avec le prochain renouvellement des structures. Cette guerre de leadership influe négativement sur le développement de la province du Mouhoun. Comment parvenir à un retour à l'entente, à la paix et la cohésion entre militants d'une part, et fils d'autre part ? Des militants du CDP et des personnes ressources s'expriment à ce propos.

Ismaël Kondé, membre de la section : "Il faut absolument organiser une table ronde avec des débats francs. Quoi qu'on dise au niveau de la base, le parti n'a pas de problème. Les militants de base sont déterminés. Le véritable problème se situe au niveau du sommet. On est là, les gens organisent des choses au sommet qui nous mélangent et nous divisent. Pour moi, il est impérieux d'organiser un forum de réconciliation avec la participation de tous les acteurs (opérateurs économiques, autorités coutumières et religieuses et anciens du parti qui semblent oubliés). Il faut associer tout le monde de sorte que les débats soient fructueux et constructifs, toute chose qui nous permettra de repartir sur de nouvelles bases. Sinon, quelle que que soit la personne qui tiendra les rênes du parti dans la province, tant qu'il n'y aura ni franchise, ni cohésion ni débats francs entre militants, la situation conflictuelle restera en l'état. Je profite de vos colonnes pour lancer ce cri du coeur à l'endroit des fils et filles de la province du Mouhoun, quelle que soit leur appartenance politique religieuse ou ethnique. A commencer par le commissaire politique régional, les députés du parti, les membres du gouvernement, militants du parti de la province pour organiser le plus tôt possible le forum. Il faut nécessairement crever l'abcès. La situation conflictuelle freine énormément le développement de la province, alors que nous avons tous les atouts. Il faudra nécessairement mettre fin à ces querelles, ces divergences et faire fi de toutes considérations subjectives pour ne songer qu'à l'intérêt général du parti et de la province. Quoi qu'on dise, nous avons de grands opérateurs économiques qui sont incontournables et qui sont prêts à consentir le sacrifice. Il suffit de trouver la bonne approche."

Gabriel Millogo, membre du bureau politique national : "Dans la dynamique de tout parti politique, il y a des groupuscules qui se forment et qui se font des crocs-en-jambe ou qui se glissent des peaux de banane pour une affaire de positionnement. Mais c'est lorsque, justement, dans la lutte de positionnement les positions deviennent radicalistes, extrémistes qu'on en arrive à la création de groupes sectaires. Et ces groupes sectaires passent le plus souvent leur temps à se combattre au lieu de se positionner réellement sur le terrain face à l'adversaire. Le CDP Mouhoun, comme toute formation politique locale, n'échappe pas à cette règle. Au cours de l'évolution du parti au Mouhoun, des événements sont survenus, qui ont plus au moins divisé les militants en des groupes antagonistes. Bien qu'on ait essayé de colmater, au fur et à mesure il faut avouer que chaque fois qu'il y a une joute électorale liée soit au choix du bureau provincial soit au choix des députés ou des maires, les luttes qui s'étaient plus ou moins apaisées ont resurgi avec force. Je crois qu'aujourd'hui le problème fondamental, c'est de savoir si on est dans un parti pour que celui-ci gagne afin que chacun profite de ce que va faire le parti ou alors si on y est pour des intérêts individuels et égoïstes. Je crois que c'est ce qui fait la différence entre le militant et le sympathisant. Aujourd'hui, il faut avoir le courage et l'humilité de dire que notre parti à beaucoup de sympathisants mais peu de militants. Beaucoup ne savent pas faire violence sur eux-mêmes lorsqu'ils sont mis en minorité pour dire que j'ai été mis en minorité, j'appartiens au parti, j'aime le parti, je dois combattre pour que celui-ci se positionne, peut-être que demain moi qui suis mis en minorité vais resurgir. Pour dire vrai, c'est un problème d'éducation politique. Sinon le CDP est très bien implanté mais malheureusement les petites querelles qui, généralement, sont menées par de petits groupes sont répercutées jusque dans les hameaux, ce qui fait qu'on arrive à des situations où on ne comprend plus. Des villages qu'on maîtrisait, brutalement, vous échappent. Le problème fondamental est un problème de formation politique, d'éducation politique. Il faut que les gens comprennent ce qu'est un parti. Lorsque les gens auront maîtrisé cette logique, que tu sois au bas de l'échelle ou en haut, ta combativité et ton militantisme doivent demeurer les mêmes. Mais dès que tu étais en haut et que tu te retrouves en bas, ton militantisme s'émousse, tu deviens un sympathisant et non un militant. Dans le cas particulier du Mouhoun, il faut que les acteurs politiques s'essayent ensemble, fassent un diagnostic historique, quelles sont les principales causes de la division et voir comment les résoudre, parvenir à une réconciliation et arriver à un minimum de consensus où tout le monde se retrouve pour travailler véritablement. Même en étant de potentiels adversaires, qu'on puisse travailler à l'assise du parti. C'est vrai qu'il y a la dure lutte entre la légalité et la légitimité mais cela ne devrait pas fondamentalement changer les choses. Le niveau d'instruction des militants les fait tomber souvent dans des attitudes sectaires où, dans une moindre mesure, ethnicisme. Sinon un militant bien formé est au-dessus de toutes ces conjectures."

Jean Kéré de Privat, observateur de la scène politique : "Il y a des discordances de point de vue qui font que souvent les gens n'arrivent pas à se comprendre. Je crois que ce qui exacerbe ces incompréhensions, c'est la guerre de leadership. Un certain nombre de personnes pensent qu'il faudra que ce soient elles qui dirigent les choses. Tant que ce n'est pas le cas, toute action ou initiative entreprise par d'autres personnes est jugée mauvaise. Mais les choses ne devraient pas être vues de cette manière. Je suis d'accord que les dissensions existent un peu partout dans les partis. Ce n'est pas au CDP seulement. Les contradictions au CDP Mouhoun font partie d'une dynamique de ce grand parti. Seulement, que faut-il faire pour que cette dynamique puisse être efficace à tout moment ? Lorsque cette dynamique n'arrive pas à unir à tout moment les gens, c'est une dynamique négative. Les gens devraient apprendre à se dire que quel que soit la situation, nous devons à un moment de la vie arrêter la guerre de leadership et voir quels sont les objectifs poursuivis. Ce n'est pas parce qu'on est pas au-devant de la scène politique qu'on doit travailler à nuire au parti. Et lorsque le parti prend des décisions à l'échelle supérieure, il faut que les gens acceptent de s'y conformer. C'est pourquoi je dis que je suis d'accord avec certaines personnes qui ont quitté le parti pour rejoindre d'autres partis de la mouvance présidentielle, parce qu'elles sont honnêtes. Par contre ceux qui sont dans le parti et qui le combattent, c'est mauvais. Dans une famille lorsqu'il y a des problèmes il faut trouver des voies et moyens pour les résoudre. Et je crois que nous sommes en train de prendre des contacts pour voir comment nous asseoir ensemble pour discuter après cette "guerre" que nous avons eu à nous faire pendant la campagne. Il y a eu de part et d'autre des manquements, des égarements et des écarts de langage. En tout cas ce forum permettra de crever l'abcès. Ceux qui ont tort, on le leur dira et ceux qui ont raison sauront raison garder. S'il y a des reproches à faire, on se dira la vérité. Ce que nous devons comprendre au Mouhoun, c'est que dans la vie, que ce soit dans un parti politique ou une organisation sociale, lorsque vous arrivez à un certain niveau, il faut savoir ce qu'il faut faire. La politique ne doit pas diviser les populations. Et à partir du moment où les gens ne vont pas accepter d'être tolérants en matière de politique, vous allez continuer à vous faire la guerre. De mon point de vue, ça n'a pas beaucoup bougé à Dédougou. Si aujourd'hui cette ville prend feu, tout le monde en pâtira. Il est temps donc de voir comment réparer la maison."

Sa Majesté Albert Lombo Dayo, chef de canton de Dédougou : "L'union fait la force, dit–on. De ce point de vue, la province a besoin de tous ses bras valides de ses fils pour parvenir à un développement harmonieux. C'est regrettable que depuis les joutes électorales jusqu' à nos jours on sente véritablement un manque de cohésion entre fils de la province. Cela se ressent négativement sur les activités de développement. Nous devrions pouvoir nous retrouver autour d'un minimum. Malheureusement on a l'impression que c'est la désunion qui règne en maître. Avec cette situation, il est difficile d'avancer. Paradoxalement, tout le monde prétend agir pour le développement. C'est un peu contradictoire ! Un autre point notable est que la calomnie et la diffamation sont les pratiques les plus répandues et c'est vraiment regrettable. Nous avions voulu qu'après les élections tous les acteurs, quelle que soit leur appartenance politique, religieuse ou ethnique s'asseyent autour d'une même table pour des échanges fructueux et constructifs. Au-delà de la politique, il y a la considération humaine qu'il faut voir. La politique ne devrait pas constituer un frein aux relations sociales. En politique, on ne peut pas avoir les mêmes points de vue, mais il y a un minimum qui doit pouvoir nous réunir, malgré les divergences, pour promouvoir le développement. Sans cela, tout est voué à l'échec. Néanmoins, nous allons oeuvrer dans le sens de la cohésion. La paix, l'entente et la cohésion doivent être le dénominateur commun dans cette ville cosmopolite. S'il plaît à Dieu, nous allons y parvenir. Nous allons travailler avec l'appui et le soutien de tous à changer les mentalités pour remédier à certaines tares qui freinent le développement. Chaque citoyen devrait faire violence sur lui-même et consentir des sacrifices pour le développement."

Abou Séré, ressortissant du Mouhoun : "A l'heure de la décentralisation, chacun devrait se dire que le chef de famille a réparti le lopin de terre entre les différents fils et chacun doit mettre du sien pour qu'à la récolte on engrange beaucoup de grains. Pour moi, les petites querelles intestines n'ont pas leur sens. Je lance un appel à tous les fils et filles de la province, quelle que soit leur appartenance politique, pour se donner la main pour rebâtir le grenier du Mouhoun qui est aujourd'hui vide. Ce n'est pas la peine de dire ceci ou cela. Pourquoi chacun irait de son côté ? Pour paraphraser un écrivain ivoirien je dirai que l'intellectuel n'est rien s' il n'est pas une étincelle au sein de son peuple. Une étincelle, rien qu'une étincelle, une étincelle tout de même. Je pense que nous arriverons vraiment à nous donner la main pour qu'à l'heure du bilan nos enfants ne nous demandent pas de rendre des comptes."

Mme Koura Maïmouna Marie Louise, conseillère municipale : "Le CDP Mouhoun est le reflet du CDP sur le plan national. Lorsque dans le CDP il y a plusieurs clans, il va de soit que cela se répercute au niveau régional provincial et même villageois. Au Mouhoun, ce sont nos militants qui nous divisent. Ceux qui veulent nous aider à battre la campagne choisissent un clan qu'ils aident au détriment d'un autre. Cela crée forcément la division. Pour parvenir à la réconciliation, il va falloir que nos militants fassent une table ronde pour échanger et s'entendre sur un minimum. Une fois qu'ils s'entendent il va de soit que cela se ressente à la base. Si ceux qui nous supportent conjuguaient leurs efforts pour supporter le candidat désigné par le parti, il n'y aurait pas de problème. Malheureusement, le plus souvent le candidat choisi par la hiérarchie du parti est contesté à la base qui se déconnecte et qui crée la division. Les élections municipales législatives en sont une parfaite illustration, de sorte que les militants ne savent plus à quel saint se vouer. Au temps de l'ODP/MT nous ne connaissions pas cette situation. En tout cas pour parvenir à la réconciliation, il faut nécessairement organiser un forum au cours duquel des sujets de développement seront débattus dans l'intérêt de la province. La politique, c'est la politique, mais il y a certaines luttes qui ne disent pas leur nom qui se sont greffées. Si nous voulons nous entendre, il faut qu'à chaque niveau on clarifie les choses. La base, par exemple, peut organiser une rencontre et inviter surtout les opérateurs économiques pour leur dire qu'on est fatigué et qu'on veut la cohésion, la paix et l'entente. La vraie cohésion, c'est aussi le respect des textes et de la discipline du parti. Au Mouhoun, nous avons le CDP1, le CDP 2 et le CDP3. Ça ne va pas ! Le parti est en train de s'effriter, et nos militants d'être récupérés par d'autres formations politiques de sorte qu'il y a une hémorragie au sein du parti. Notre objectif, c'est de développer la province. Cela passe nécessairement par l'entente, la paix et la cohésion."

Propos recueillis par Serge COULIBALY

Le Pays du septembre 2007



10/09/2007
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