L'Heure du Temps (Blog d'Information sur le Burkina Faso)

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Retour sur la dernière messe de Chirac

Sommet Afrique/France

Retour sur la dernière messe de Chirac

 

Une curiosité  typiquement africaine : à Cannes, ils étaient en effet 48 pays  présents sur  les 53 que compte le continent. Une participation qui pourrait faire pâlir de jalousie tous ceux qui  se démènent pour donner une  âme  à l'Union africaine (UA).

 

Mais ils sont ainsi faits, les princes qui nous gouvernent : toujours décidés à traîner les pieds lorsqu'il s'agit de donner de la substance à l'organisation politique continentale, l'UA, mais prompts à se bousculer au portillon lorsque le grand chef blanc sonne le tocsin de la palabre franco-africaine.

 

Mais comme on s'y attendait  plus ou moins, la Guinée,  qui s'est mise objectivement au  ban de la communauté internationale, du fait de la boucherie humaine qui s'y déroule depuis que les populations ont crié leur ras-le-bol, était absente au sommet de Cannes.

 

Autres absences remarquées, celles des présidents sud-africain, Thabo Mbeki ; ivoirien, Laurent Gbagbo ; et Zimbabwéen,  Robert Mugabe. Si l'absence de Mbeki  surprend quelque peu les analystes  politiques, il  n'en  est pas  autant en  ce qui concerne  les deux derniers cités.

 

En effet,  c'est peu dire  que d'affirmer que le socialiste  Gbagbo entretient, depuis  presque toujours, des rapports exécrables  avec la droite française et particulièrement avec Chirac. L'adversité entre les deux  hommes est telle que personne ne s'attendait à ce que  Gbagbo honorât de sa  présence cette messe franco-africaine.

 

Le président ivoirien, qui ne souhaiterait aucunement voir, même en peinture, Chirac, ne  semble demander qu'une chose : le voir  quitter les affaires d'Etat au plus vite. Quant  à Robert Mugabe, ils n'étaient pas nombreux à parier un dollar zimbabwéen dévalué sur sa probable  venue à Cannes.

 

En effet,  depuis  l'indépendance de son pays en 1980, cet octogénaire, par sa gestion approximative  des affaires de l'Etat et le déficit démocratique qu'il entretient à souhait, a fini par se mettre à dos toute la communauté internationale.

 

Et c'est ainsi que  Robert Mugabe a réussi le tour  de force d'être l'un des rares hommes d'Etat africains interdits de  séjour en Europe, en raison des  violations répétées des droits de l'homme dans son pays où, désormais, la suivie de l'immense majorité  de la population se conjugue  au présent.

 

Et parmi les dirigeants africains dont la présence à Cannes  n'était aucunement acquise d'avance, figure, en bonne place, l'Algérien Abdelazize  Bouteflika, dont le pays entretient des relations tumultueuses avec l'ex-métropole, en raison du passé colonial.

 

Hormis  Bouteflika, citons le Djiboutien Ismaèl Oumar  Guèlleh qui, en dépit de ses démêlés  avec  la justice française, qui souhaite  l'entendre  dans l'instruction de l'affaire de l'assassinat, en 1995 à Djibouti, du  magistrat Bernard Borel, est effectivement venu à Cannes.

 

Une autre présence et non des moindres, celle du  président soudanais, Omar El Bechir, dont le régime est sous pression  internationale en raison du conflit dans la province soudanaise du Darfour.

 

C'est dire donc  qu'il avait raison d'être heureux, Chirac, tant  la participation était conséquente à cette grande foire de Cannes.

Mais  jusqu'au bout, le successeur de Mitterrand aura laissé  planer un grand  suspense sur son éventuelle  candidature à la présidentielle française.

 

Passé maître  dans l'art de sortir de petits mots à doses homéopathiques dans le but ultime  de faire perdurer les supputations, Chirac, lors de son discours de clôture de ce 24e Sommet, confiera : "C'est mon  dernier sommet  pour cette année".

 

Ce qui laisse croire qu'il  pourrait être présent, en tant que président de la République, à  la 25e messe  franco-africaine, qui aura pour cadre le  Caire, en Egypte. Pourrait-il donc être de nouveau candidat et tirer son épingle du jeu à quelques  semaines de la tenue de la présidentielle hexagonale ?

 

Le doute est permis, car, à moins de vouloir  subir une humiliation et sortir  de la scène  politique  par la  petite porte, on ne voit pas comment Chirac peut, de nouveau, se positionner, surtout lorsqu'on sait que hormis Dominique de Villepin et Jean-Louis  Debré qui  font de la résistance, ses principaux lieutenants  ont depuis longtemps pris fait et cause pour son "ennemi intime", Nicolas Sarkhozy.

 

Cette volonté de Chirac d'entretenir jusqu'au bout  le suspense n'aura donc été autre chose qu'une boutade, que  Sarkho  aurait prise certainement pour une plaisanterie de mauvais goût. D'ailleurs, aucun homme d'Etat africain ne mise encore un seul franc CFA sur la reconduction du président Chirac à la magistrature suprême de son pays.

 

En  tout cas, à entendre certains dirigeants africains bien  au  fait de la politique française, la retraite de Chirac ne fait plus l'ombre d'un doute. C'est dans cette logique que les présidents  Blaise Compaoré et Amadou Toumani Touré diront qu'ils  vont "regretter" la touche personnelle, faite de  chaleur humaine,  de Jacques Chirac.

 

C'est certainement en raison de son départ de l'Elysée que celui-ci a tenu, malgré  les critiques acerbes, à  défendre son bilan  africain à l'ouverture du 24e sommet France/Afrique. Pour lui, "le continent  noir ne  sera jamais un partenaire comme un autre, et c'est pour cela  que, depuis 12 ans, j'ai tenu à ce que la France  accompagne les évolutions du continent dans un esprit nouveau".

 

Mieux, Chirac  revendiquera "ses liens personnels, tissés de  longue date  avec nombre de chefs d'Etat africains"  et dira que  "la France continuera de respecter les accords de défense qui la lient à plusieurs pays africains et, mieux, prendra ses responsabilités vis-à-vis de l'Afrique".

 

Mais  pourra-t-il en être toujours  ainsi après son départ ?

Ici aussi, le doute est permis lorsqu'on sait que déjà,  Segolène Royal, l'une des deux personnalités en bonne position pour lui succéder, s'est prononcée pour "une clarification" et, si besoin, "une renégociation" de certains des accords qui lient la France à l'Afrique.

 

Et à quelques nuances près,  la position de l'autre poids  lourd de la présidentielle, Nicolas Sarkhozy, serait identique.

C'est dire que le départ de Chirac tournera sans nul doute cette page  jaunie des relations franco-africaines.

 

En attendant, Cannes aura permis, au moins, de parler  de l'inextricable crise du Darfour, sur lequel  un accord aura été signé, presque au forceps, entre le Soudan, le Tchad  et la Centrafrique ; ces deux derniers accusent Khartoum d'aider les rébellions hostiles à leur régime ; et on sait que, de son côté, le Soudan accuse le Tchad d'attiser les braises au Darfour.

 

A Cannes, les trois protagonistes ont donc signé un accord, même si aucun observateur ne se fait guère d'illusion sur la vraie portée de cet "arrangement   amiable". Bref, à Cannes, on a dit la messe franco-africaine, tout en pointant du doigt "l'intérêt croissant des puissances émergentes (Chine, Inde,  Brésil,) pour les matières premières africaines".

 

Comme on le voit, ce n'est pas seulement le départ de Chirac qui pourrait bouleverser l'ancestrale donne franco-africaine.

Il y a aussi et surtout l'intérêt renouvelé pour le continent noir de la part de ces "puissances émergentes", dont la Chine  reste, sans nul doute, la plus tenace adversaire de la France.

 

Mais il était  dit, depuis, que  lorsque la Chine se réveillerait, le monde tremblerait. C'est ainsi que face à la percée  de l'Empire du milieu sur le continent noir, la vieille France  tremble de toute sa  carcasse.

 

Et les Africains restent dans l'expectative, car la Chine, c'est tout de même une équation à plusieurs inconnues.           

La Rédaction

Source, L’Observateur Paalga du 19 février 2007

 



19/02/2007
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