Village de Dayoubsi : Un héros nommé Moïse
Dayoubsi
Un héros nommé Moïse
A 17 ans seulement, Moïse Tassembédo peut revendiquer une place de choix dans le cercle restreint des héros de la nation.
Dans son village natal de Dayoubsi, commune rurale de Komsilga dans le Kadiogo, il est aujourd'hui la fierté de tous et pour cause.
Devant les autorités, les sapeurs-pompiers et les parents désespérés, Moïse a risqué sa vie pour sauver un enfant de 3 ans tombé dans un trou de 40 m de profondeur et de 30 cm de diamètre, abandonné par une société de forage.
C'est cet exploit que nous conte ici un témoin de cette expédition inédite du 8 juin 2007.
Monsieur le directeur de publication, je vous demande de publier cet écrit.
Recevez d'abord monsieur le Directeur toutes mes félicitations pour le travail que vous abattez, non seulement pour informer, mais surtout pour éduquer le peuple.
Cet écrit que je me fais le devoir et le plaisir de publier dans les colonnes de votre journal, relève d'une situation émotionnelle et pour laquelle j'interpelle les autorités,
même au plus haut niveau. Si j'ai attendu jusqu'aujourd'hui pour m'exprimer, c'est parce que j'ai cru que des voix plus indiquées allaient en faire l'écho dans la presse. Comme cela ne s'est pas produit, j'estime que les médias n'ont pas été touchés pour faire un article sur cet acte d'héroïsme qui s'est produit dans la commune rurale de Komsilga, ce qui, à coup sûr, allait contribuer à dénoncer certaines pratiques qui se passent dans notre pays et par là, contribuer à terme au changement des mentalités des concitoyens.
Le spectacle qui s'y est produit est édifiant, tant il y a des individus qui risquent leur vie pour corriger de graves bévues que d'autres font au mépris du bon sens
et de la vie des autres.
La stupeur
Tenez ! Le vendredi 08/06/2007 à Dayoubsi, village situé à environ 15 kilomètres au sud de Ouagadougou dans la commune rurale de Komsilga, un enfant d'environ 3
ans, sorti avec ses frères pour s'amuser dans les alentours de la cour, tombe dans un trou. Les autres courent et alertent les parents. Tout le village et même les passants
informés, convergèrent vers les lieux croyant porter secours. Vaine tentative ! On alerta l'autorité locale et surtout les sapeurs- pompiers qui répondent promptement avec tout ce qu'ils ont comme matériel pour des cas de ce genre. Les sapeurs ont imaginé tout, sauf le cas d'un trou de forage d'environ 40 mètres de profondeur et de 30 cm de diamètre, abandonné en plein air dans le village par de «vaillants» techniciens ou ingénieurs en forage, après des recherches infructueuses d'eau de boisson. Le désarroi était au comble. Le père de l'infortuné, pris de psychose et de désespoir, s'évada dans la brousse pendant que la mère est au fond de sa case en implorant au Tout-Puissant sa grâce. Nul ne pouvait retenir ses larmes lorsque l'enfant, du fond de sa loge, appelle avec espoir en ces termes : "maa !
maa..." espérant que sa mère lui porterait secours. Les sapeurs informèrent la hiérarchie de la situation qui semblait soutenir qu'il n'y a pas de mission impossible
pour un militaire, et vint à la rescousse. Délicate mission. Que peut-on faire ? Se demandent les sauveteurs. Il faut donc créer les initiatives et au plus vite, car le
matériel disponible ne correspond pas aux besoins et que le mystérieux résiste toujours à ce probable manque d'air. Quelle stupeur ! On imaginait tout. On encourageait les enfants de corpulence mince à tenter l'expédition souterraine. Pas de volontaires et même ceux qui ont été proposés, sont dissuadés par leurs proches et disparaissent dans la nature. Au moment où tout le monde était désespéré, un jeune d'environ 17 ans, béni de Dieu, courageux, valeureux et habité par un esprit patriotique se proposa de tenter l'aventure au risque de sa vie, car, dit-il, ce trou ne doit pas être la dernière demeure de cet enfant qui continue à espérer secours. Bien que son oncle s'oppose farouchement à son projet, Moïse, comme le nom de l'autre, décida de faire quelque chose. Advienne que pourra ! «Je vendrai ma vie pour lui», dira-t-il. Son oncle, désabusé, promit de s'en prendre aux complices si Moïse ne ressort pas indemne de cette expédition. On alerta la police locale pour assurer la sécurité car l'issue de la mission est incertaine. L'expéditionnaire, à coup sûr, allait davantage obstruer la circulation de l'air, ce qui compliquerait davantage la situation.
Silence de mort
On introduisit d'abord une lampe à l'aide d'une corde pour éclairer la zone. Ensuite, on envoya une autre corde à nœud qui devait servir à pêcher l'enfant. Enfin, Moïse
Tassembédo put maintenant se porter en martyr. On attacha ses pieds et, en position de plongeur professionnel, il commença son voyage à la «APPOLO 12», mais sous terre, sans aucune oxygénation, les risques d'asphyxie sont grands.
On assura une communication sans interruption avec lui durant tout le parcours afin de le repêcher dès que la situation le commanderait. Quinze minutes environ après,
la cible est atteinte «Je l'ai attaché» ! dit-il. Applaudissements en surface.
Le retour du héros et du mystérieux. La liaison est toujours assurée. A mi chemin, et brusquement, la communication se coupe. Quelle panique ! Les professionnels savent que les deux se trouvent dans une situation difficile. Il faut vite les sortir de là.
Moïse étant évanoui, la pêche devint compliquée. Vingt et une minutes après que Moïse se fut introduit dans le trou, il retrouve enfin la surface de la terre avec son
compagnon la langue pendante. Les sapeurs-pompiers se mettent à l'oeuvre pour la réanimation. Après des séances intenses, les deux retrouvèrent la vie. «Et l'enfant ?»
(la première phrase que Moïse marmonna après sa réanimation). «II est sorti», répond l'assistance. Le sourire retrouve enfin les lèvres. «Embarquez, et vite à
Charles-de-Gaulle» ! Ordonna le chef de mission des sapeurs.
Ainsi, un martyr, un héros national s'est révélé à Komsilga. Quel miracle ! L'inertie de Moïse a compliqué le retour. Il retrouvera les siens avec des lésions multiples et une luxation de l'épaule droite. Quelle soirée que celle du 08 Juin 2007 à Dayoubsi !
Imaginez que Moïse eût refusé cette mission. Qu'allait devenir cet enfant ? Ce trou aurait été sa dernière demeure sûrement, laissant toute l'assistance : parents, passants, voisins et surtout les sapeurs-pompiers dans un froid glacial.
La question que l'on peut se poser est celle-ci comment des gens bien, peuvent-ils abandonner une telle excavation dans la nature ?" Ce qui est sûr, si car tel cas est
constaté à Dayoubsi, des cas similaires pourraient se trouver sur la trajectoire de ces individus à la conscience peu douteuse. Il faudrait que des enquêtes puissent être
menées en vue de situer les responsabilités, et, éventuellement prendre des sanctions. Une action judiciaire pourrait être menée en vue de dédommager la famille de la victime qui a subi un grand préjudice.
Tous coupables
Au-delà de tout ça, il faudra que les gens prennent conscience de la pauvreté de la masse laborieuse. Il serait méchant et mécréant de notre part, de compliquer
davantage leur vie en leur créant des situations de ce genre.
Moïse, lui, aura posé un acte indélébile dans la famille de l'infortuné et partant, toute la nation entière. A 17 ans, et en héros, il a sauvé une vie dans une situation
désespérée. Il mériterait aussi des mêmes distinctions que d'autres, lui qui a risqué sa vie pour sauver cet enfant dont l'avenir (qui en sait trop ?), pourrait rimer avec
patriotisme et sauveur de ce pays. Nous en appelons à la responsabilité de tous ceux qui effectuent des travaux de forage. Soyez conscient de ce que vous faites. A nos autorités et responsables, qu'ils soient vigilants et rigoureux pour parer à toutes les éventualités similaires. Quant à Moïse, il mériterait une décoration et une prise en charge, lui qui a accompli un acte héroïque, justifiant ainsi cet adage qui dit «qu'aux âmes bien nés, la valeur n'attend point le nombre des années». J'en appelle aussi à la collaboration entre les médias et les sapeurs pompiers pour dénoncer ces genres de choses qui sont certainement légion ça et là dans notre pays.
Merci pour l'attention qu'on prêtera à Moïse.
Nonguierma Denis
L’Observateur Paalga du 26 juin 2007
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