L'Heure du Temps (Blog d'Information sur le Burkina Faso)

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Chaîne des bars Kundé : Ambiance après la tempête

Chaîne des bars Kundé

Ambiance après la tempête

 

Vendredi 16 mars. Une foule de révoltés, suite à la découverte de deux corps mutilés, saccage et pille quatre bars des chaînes Kundé sous prétexte que l’auteur présumé des crimes, Modibo Maïga, en serait copropriétaire. Par mesure de sécurité, le reste des « maquis » est temporairement fermé. L’orage passé, le son des Kundé (guitares en mooré) recommence à monter sur les quatre coins de la capitale. Etat de l’ambiance, ce samedi 24 mars, lendemain de la réouverture de ces bistrots.

 

Samedi dernier donc, au Faso Kundé (berceau de tous les Kundé), à l’heure où tous les chats sont gris. Les énormes baffles crachent à percer les tympans, les sonorités musicales en vogue. Sur la piste, des mélomanes se trémoussent fiévreusement. Tout au tour, des serveuses, badges admirablement accrochés à la poitrine, peinent à se frayer le chemin. Les clients sont là et les verres commencent à manquer. Preuve s’il en était, que le pouvoir d’attraction des Kundé est resté intact. Du moins, presqu’intact.

« Qui l’eut cru ? », s’interroge, ravi, un des superviseurs des lieux. En tout cas pas grand monde, au regard de la gravité des rumeurs qui faisaient état de l’implication d’un des responsables de la chaîne dans l’affaire des meurtres abominables qui ont fait frémir d’indignation toute la ville de Ouagadougou.

Rappel des faits. Le 13 mars 2007, Oumarou Bambo Maré et Sampané Bancé sont assassinés au cours d’une affaire de vente d’un camion « 10 tonnes ». Un et deux jours après, les corps mutilés sont retrouvés respectivement aux environs du village de Bassinko et dans le barrage de Boulmiougou. Les rumeurs les plus folles s’emparent de tout Ouagadougou. Le vendredi 16, une foule de révoltés crie vengeance et opte de se faire justice. Quatre bars des chaînes Kundé sont alors saccagés et pillés par une horde de vandales. Mais à tort.

Le principal suspect, Modibo Maïga (le vendeur du véhicule et dont la 4x4 personnelle a été retrouvée avec des traces de sang à l’intérieur), et son supposé acolyte sont appréhendés par la police pendant qu’un autre présumé complice, du nom de Hamadou Zampaligré, réussit à quitter le pays et serait actuellement au Togo.

Les quatre copropriétaires, qui ont toujours clamé leur innocence, crient à la machination et déposent une plainte contre X. Le dommage matériel est estimé à une dizaine de millions de francs CFA et le préjudice moral suffisamment grave pour écorner l’image de marque que s’était faite la chaîne. Les kundé survivront-ils à cette épreuve ? La question hante les esprits. Le personnel, lui, ne désespère pas.

« Je suis très confiant en l’avenir des Kundé. Ils ont détruit nos matériels mais notre courage et notre détermination restent intacts », ne cesse de répéter Aziz Djiguemdé, ancien gérant du Kundé de la cité an II (saccagé), actuellement en service à celui de Boulmiougou. Du chiffre d’affaires journalier, il n’en dira rien pour raison de secret commercial, se contentant de déclarer : « Ce qui est sûr, les Kundé rapportent grâce à l’esprit d’initiative de leurs responsables et au mode de gestion appliqué sur l’ensemble de la chaîne ».

Mêmes types de propos tenus quelques heures auparavant par le gérant du « maquis » le « Pélican » situé au quartier Paspanga : « Je travaille avec Madi Konfé,[ le directeur commercial des Kundé] il y a de cela plus de 10 ans. Croyez-moi, ce monsieur- là, c’est un génie en matière de marketing et il a à son compteur plus de 35 ans d’expérience dans la gestion des débits de boisson », souligne avec insistance Jean-Baptiste Bougouma. Mais malgré l’optimisme affiché face à l’éventuelle reconquête du prestige des Kundé, il reconnaît que la maison a accusé le coup :

« Ce soir, il y a assez de monde mais ce n’est pas la même affluence que nous connaissions d’habitude. Mais le fait remarquable c’est que je constate la présence de nombreuses nouvelles têtes », ajoute-t-il. Dans cet autre maillon de la chaîne, difficile de déceler le moindre effet négatif des chaudes journées des 16 et 17 mars derniers. Le DJ balance le morceau « C’est Dieu qui nous protège », dernier-né du groupe ivoirien Espoir 2000.

La piste est prise d’assaut. On entend des cris « le Kundé vivra ». Les clients continuent d’affluer. Les uns pour renouer avec l’ambiance dont ils ont été privés durant les six jours de fermeture ; les autres, en signe de solidarité avec ceux qu’ils considèrent avec condescendance comme « victime de la jalousie des gens ». « Depuis que la rumeur s’est répandue, en aucun moment je n’ai cru à la culpabilité des responsables des Kundé. Des esprits faibles parlent de wack pour expliquer le succès retentissant de ces bars- là.

Si wack il y a, c’est la propreté, la qualité du service et il faut se l’avouer, la présence de nombreuses belles serveuses », nous crie à l’oreille ce client rencontré au « music hall » et qui a souhaité gardé l’anonymat. L’onde de choc de la secousse de ce « vendredi noir s’est même répercutée au-delà des frontières du pays. En atteste ce message de solidarité et de compassion du Français Pierre Castel, président fondateur du groupe de brasserie qui porte son nom, parvenu dans les bureaux du siège de la Chaîne.

Au Kundé du secteur 12, l’ambiance est ici assurée par l’orchestre AFUNIE (Afrique unie) de l’auteur-compositeur Tall Moutaga. Depuis 7 mois que celui-ci est lié par un contrat d’animation avec le bar, il se sent suffisamment bien placé pour parler du secret de l’ascendance fulgurante de l’œuvre de ses partenaires : « Voici des garçons qui ont pris le risque de faire de gros investissements dans les débits de boisson et qui ont su faire preuve de rigueur dans la gestion.

Maintenant que ça commence à rapporter, on met de côté leurs valeurs personnelles pour ensuite crier à l’occultisme. Aujourd’hui, la restauration et les bars sont un créneau pour qui saura en faire son domaine d’activité, », s’indigne notre musicien, avant d’interpeller les autorités de police judiciaire à faire rapidement la lumière sur cette affaire de meurtres. « Seul moyen de blanchir tout ceux dont les noms ont été injustement salis », tranche-t-il, net.

En attendant les résultats des enquêtes et la suite judiciaire qui leur en sera accordée, on est tenté, au terme du présent reportage, d’affirmer avec les quelque mille employés de la maison, que « la chaîne des kundé vivra », phrase devenue, depuis ces derniers jours, le credo sacramentel de toute la maison.

Alain Saint Robespierre

L’Observateur Paalga du 27 mars 2007

 



27/03/2007
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