Accès aux crédits : Chasse-trappe des banquiers
Accès aux crédits
Chasse-trappe des banquiers
Dans notre pays, l'accès aux crédits dans les banques et institutions financières demeure un problème pour la majorité des citoyens.
Malgré les réflexions multiples sur le sujet, la problématique demeure. Alexandre Somé, à travers les lignes qui suivent, apporte son analyse critique sur cette question d'importance.
Suite aux débats du 28 octobre 2007 relatifs aux conditions limitant l'accès aux crédits dans les banques et institutions financières au Burkina Faso, je m'invite, à travers ces quelques lignes, pour faire une certaine analyse et revenir sur quelques aspects qui, de mon point de vue, ont pu être suffisamment abordés.
Avant tout propos, je voudrais, tout d'abord, féliciter les initiateurs de tels échanges, qui participent de façon évidente à l'évolution d'un certain nombre de choses dans notre pays. A mon avis, on a besoin réellement de ce genre d'échanges, qui, normalement, devraient permettre d'orienter et d'amorcer de façon dynamique le développement de notre pays. Toutefois, cette vision des choses n'est possible que si ces échanges ont une suite réelle. En effet, à quoi serviraient de tels échanges si les conclusions auxquelles on aboutit ne sont pas mises en application de façon concrète ? On peut même aboutir exactement au contraire de l'effet recherché ; la frustration due au fait qu'on a l'impression d'être dans un gouffre alors que, d'après ces échanges, des solutions semblent possibles constitue un réel danger à l'avenir. Je suis persuadé que les initiateurs ont la volonté de faire avancer les choses. Pour cela, je souhaite et je prie pour qu'ils aient la force nécessaire de prendre des décisions et de veiller par d'autres moyens (par exemple des assises) à leur concrétisation.
Abordant les points d'analyse, je voudrais m'appuyer sur les assises Gouvernement/Secteur privé qui, pour moi, constituent une base essentielle du développement de notre cher pays. Que Dieu protège le Burkina Faso et toutes les autorités de ce pays.
Je voudrais premièrement m'adresser à Monsieur le P-DG de
Qui court plus de risques ?
En second lieu, j'aimerais m'adresser à toutes les banques et institutions financières et aux maisons d'assurances.
Comment expliquez-vous le fait que quand vous accordez un prêt vous preniez en plus des frais de dossier (qui sont trop élevés), de l'assurance et des garanties nécessaires un taux annuel de près de 14% alors que quand quelqu'un dépose son argent dans vos institutions, il n'a que 4% de taux d'intérêt l'an, sans la moindre garantie d'ailleurs d'avoir son argent en temps voulu ? Voulez-vous dire que quand quelqu'un dépose son argent chez vous, c'est vous qui courrez plus de risques que l'épargnant ?
Il semblerait que la plupart de nos institutions bancaires et financières soient en surliquidité (cela a d'ailleurs été reconnu par vous tous lors de l'émission écofinances du 28 octobre dernier) ; vous êtes-vous déjà posé une seule fois la question de savoir pourquoi ?
En réalité, vos conditions de prêt sont exécrables et font que la population à revenu moyen ne peut jamais se baser sur vous pour investir. Ceux qui s'y sont essayés sont tout simplement devenus des assistés perpétuels de votre part pour tenter de s'accrocher à la vie, ou du moins au bar, puisque c'est seulement ce à quoi ils peuvent accéder avec les minables montants qu'ils reçoivent. Cela ressemble, pour ma part, à un assassinat insidieux. En réalité, tous ceux des salariés qui se sont familiarisés à vos prêts (en fait ce sont pratiquement tous les fonctionnaires parce qu'ils n'ont pas le choix et vous le savez aussi) se sont retrouvés dans un cercle vicieux, dans une misère effrayante.
Partons de la base que le revenu moyen du salarié burkinabé est de 100 000 FCFA (ce qui est vraiment irréaliste). Supposons que ce salarié relativement bien payé veuille contracter un prêt de cinq ans pour acquérir une parcelle ou pour démarrer la construction au cas où il serait déjà propriétaire d'un terrain. Partons du taux d'intérêt annuel de 14% à appliquer au prêt avec toutes les garanties sans possibilités de non-remboursement pour le contractant, ce qui est la réalité pour les salariés.
- La quotité cessible annuelle représente environ 400 000 FCFA. Sur 5 ans, la quotité totale, c'est-à-dire le montant que la banque peut et va lui "couper", est de 2 000 000 FCFA. Voyons, avec ce taux, quel montant reviendrait au salarié à qui la banque retiendrait de son salaire les 2 000 000 de francs en cinq ans :
- la première année, le salarié paierait 14% de
- la seconde année, il paierait 14 % de 80% de 2 000 000 FCFA ;
- la troisième année, il paierait 14 % de 60% de 2 000 000 FCFA ;
- la quatrième année, il paierait 14 % de 40% de 2 000 000 FCFA ;
- la cinquième année, il paierait 14 % de 20% de 2 000 000 FCFA.
Il faut que l'Etat garantisse
En résumé, le salarié paierait au bout de cinq ans 42% des 2 000 000 FCFA au titre des intérêts. Si, à cela, on ajoute les frais de dossier, les frais d'assurance (on ne sait d'ailleurs pas à quoi sert l'assurance) et
Quant à la banque, elle se retrouverait avec plus de 840 000 FCFA et l'Etat près de 150 000 FCFA. Que peut-il faire avec 1 000 000 FCFA ? Il aurait eu par exemple 1 500 000 FCFA à 1 750 000 FCFA qu'il pourrait s'acheter une parcelle ou faire une fondation d'un bâtiment qu'il poursuivra après cinq ans. Mais hélas ! Et comme il ne peut rien faire de bien sérieux avec le montant qu'il percevra, il se paie une moto (heureusement que maintenant on en a à 400 000 FCFA) qu'il faudra changer avant cinq ans, il paie à moitié les frais de scolarité, et le reste va au bar. Et après ? Il va à
Enfin, ma troisième et dernière réflexion s'adresse à l'Etat : j'ai un grief contre l'Etat dans la mesure où sur le prêt contracté par les salariés, qui sont déjà assez mal payés eu égard au coût de la vie, il fait supporter une TVA sur le taux d'intérêt des prêts par les salariés comme s'ils avaient vendu quelque chose en contractant le prêt. Je souhaite que l'Etat révise sa position par rapport à cette pratique.
Aussi, l'Etat devrait veiller à éviter que des salariés (fonctionnaires ou non) puissent prendre des engagements officiels jusqu'au-delà de l'acceptable. J'en parle parce qu'il y a aujourd'hui des salariés qui sont tellement engagés qu'il n'ont presque plus rien qui leur reste sur le bulletin de salaire en fin de mois, et ce, de façon officielle. Bien sûr, il y a des gens qui ont des engagements inconnus et personne n'y peut quelque chose.
Par ailleurs, il serait souhaitable que l'Etat s'implique dans les opérations bancaires, en sa qualité de régulateur de la vie nationale, sans se substituer à qui que ce soit, mais en jouant pleinement son rôle pour que l'assurance serve par exemple à quelque chose.
Une mauvaise conception de la vie
Enfin, parfois on en arrive à se demander pourquoi tant de difficultés. Pour ce qui est des salariés fonctionnaires, il y a de nombreuses raisons telles une très mauvaise conception de la vie de la part de bon nombre de nos concitoyens, qui pensent que la vie est très facile (on se paie une voiture avec un salaire de 60 000 FCFA et on fait 80% de la vie au bar, puisqu'on ne va à la maison que pour dormir). On peut citer aussi une difficulté réelle et qui, pour ma part, est la cause essentielle de ces difficultés : les frais pharmaceutiques qui sont entièrement supportés à 100%. Ceux-là qui essaient d'être les plus "sérieux" que possible se voient souvent ramener au même niveau que la première catégorie, dont le niveau de conscience élimine les frais de pharmacie de leur famille comme faisant partie des obligations. C'est vraiment un problème réel et il m'est arrivé personnellement de vouloir proposer aux fonctionnaires une mutuelle générale de santé à notre profit. Seulement, au regard des risques à prendre et de la taille d'une telle organisation, de toutes les façons, elle devrait être financée en partie par les bénéficiaires avec très certainement la contribution de l'Etat. Je profite de la présente pour suggérer à l'Etat d'y penser, car cela pourrait rendre les travailleurs plus tranquilles et beaucoup plus productifs (à suivre)...
Finalement, au regard de tout ce qui précède, il est clairement établi qu'un salarié qui a 100 000 FCFA de salaire mensuel est normalement incapable de se loger le plus modestement que possible. Or, ça me semble être le minimum à espérer quand on travaille, mais aussi pour un réel développement de toute société. On peut certainement m'opposer le fait qu'il y a une politique gouvernementale pour permettre aux gens d'accéder à l'habitat. C'est vrai mais très insuffisamment et en réalité inaccessible au salarié qui a 100 000 FCFA. Dans ces conditions, il semble que la corruption soit difficilement combattable dans les faits. Les quelques rares personnes qui échappent à la première cause de sous- développement qu'est la corruption le font simplement par crainte de se retrouver en tôle pour ceux qui n'ont personne pour les défendre. Pour quelques très rares autres, c'est la crainte de Dieu qui les en préserve dans la mesure où en réalité ils luttent férocement contre ce phénomène "salvateur". Dans ces conditions, comment peut-on parvenir au développement ?
Toutes mes excuses si par mes propos j'ai vexé quelqu'un, car cela n'est aucunement mon but. Merci de m'avoir compris.
Alexandre N. Somé
Direction générale des routes
L’Observateur Paalga du 14 novembre 2007
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